Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 04/08/2022

M. Yves Détraigne souhaite appeler l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la question de la surpopulation carcérale en France.
Les derniers chiffres communiqués par le ministère indiquent que le nombre de détenus en France s'élevait à plus de 72 000 personnes incarcérées au 1er juillet, plus de 4 000 de plus de l'an dernier.
La densité carcérale a explosé ces dernières années pour atteindre, à ce jour, 118,7 %, les établissements pénitentiaires n'ayant que 60 000 places opérationnelles. Ce sont 53 prisons qui affichent actuellement une densité supérieure à 150 %.
Cette surpopulation carcérale impacte tout autant les détenus que les agents de l'administration pénitentiaire qui voient se dégrader leurs conditions de travail.
Alors que notre pays a d'ores et déjà été condamné par la Cour européenne des droits de l'homme pour traitements inhumains et dégradants en raison de la surpopulation de ses prisons, il lui demande quelles dispositions il entend prendre rapidement afin d'améliorer les conditions de détention et de faire cesser la surpopulation des prisons françaises.

- page 4114


Réponse du Ministère de la justice publiée le 16/03/2023

Destiné à réduire la surpopulation carcérale dans les maisons d'arrêt, le programme immobilier pénitentiaire, qui prévoit la construction de 15 000 places de prison supplémentaires, doit permettre d'améliorer la prise en charge des personnes détenues et les conditions de travail des personnels. Conjugué aux effets attendus de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (LPJ), il doit permettre d'atteindre l'objectif de 80 % d'encellulement individuel. Ce programme immobilier favorise l'adaptation des régimes de détention au profil des détenus en fonction de leur parcours, de leur peine et de leur projet de réinsertion. Il comprendra ainsi 2 500 places très sécurisées et des établissements à sûreté adaptée, mais également 2 000 places en structures d'accompagnement vers la sortie (SAS) et trois prisons expérimentales dont la prise en charge s'organisera principalement autour de la fonction travail. Les établissements seront implantés dans les territoires qui connaissent les taux de surpopulation les plus importants, à savoir principalement dans les grandes agglomérations. Depuis la mise en oeuvre du programme, 2 441 places ont été livrées. En 2023, 1 958 places supplémentaires seront livrées. Au total, 24 établissements seront opérationnels en 2024.  De plus, le Gouvernement a pris de nombreuses mesures pour lutter contre la surpopulation carcérale. Ainsi, les dispositions de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (LPJ) ont pour objectif de renforcer le sens de la peine et de favoriser les alternatives à l'incarcération lorsque cela est possible au regard de la faible gravité des faits reprochés, afin de mieux prévenir la récidive. Pour cela, le texte prohibe le prononcé des peines d'emprisonnement inférieures ou égales à un mois et pose le principe d'un aménagement de peine ab initio pour les peines inférieures ou égales à un an. Il favorise, notamment par la systématisation de la libération sous contrainte, l'accompagnement à la sortie de prison et diversifie le panel des peines : sursis probatoire, détention à domicile sous surveillance électronique, peines de stage, travail d'intérêt général. Il facilite, enfin, le recours à l'assignation à résidence sous surveillance électronique avec pour objectif d'accroître son prononcé comme alternative à la détention provisoire. De même, la circulaire du 20 mai 2020 portant sur la mise en œuvre des dispositions relatives aux peines de la loi du 23 mars 2019 préconise une politique volontariste de régulation carcérale. Le ministère de la Justice a également élaboré un outil de pilotage destiné à nourrir les échanges entre les chefs de cours et les directeurs interrégionaux des services pénitentiaires, afin de poursuivre l'accompagnement des juridictions dans la mise en œuvre des dispositions de la loi de programmation de la justice et de favoriser les alternatives à la détention. Un document intitulé « Les éléments essentiels au soutien du prononcé des peines », a vocation à fournir des informations d'ordre quantitatif (chiffres d'occupation des structures) et qualitatif sur la nature des prises en charge au niveau local. Des actions ont également été menées à destination des écoles (Ecole nationale de magistrature, Ecole nationale d'administration pénitentiaire et écoles des barreaux) et de l'ensemble des acteurs de la chaine pénale, notamment des magistrats siégeant en audience correctionnelle, afin de les sensibiliser aux dispositions du bloc peine. L'élargissement du champ des enquêtes sociales rapides pour évaluer les possibilités d'aménagement de peine permet, notamment, d'éclairer le magistrat sur la situation de la personne poursuivie en vérifiant en particulier les modalités envisageables pour un aménagement de peine ab initio ou une alternative à l'incarcération. Une trame nationale a été construite afin d'assurer une harmonisation de ces informations quelle que soit la structure (service pénitentiaire d'insertion et de probation ou association) qui réalise l'intervention. Il convient également de noter que la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire réaffirme le principe, selon lequel, la mesure de détention provisoire doit rester exceptionnelle et favorise le recours à l'assignation à résidence sous surveillance électronique. En outre, la même loi crée la libération sous contrainte de plein droit, applicable aux personnes condamnées exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d'une durée totale inférieure ou égale à deux ans et dont le reliquat de peine à exécuter est inférieur ou égal à trois mois. Les personnes détenues bénéficient ainsi d'un contrôle et d'un suivi par le service pénitentiaire d'insertion et de probation. Cette mesure est entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2023. Par ailleurs, dans le droit fil des recommandations de la Cour européenne des droits de l'homme, la loi du 8 avril 2021 crée un nouveau recours devant le juge judiciaire. Elle prévoit que la personne détenue, qui estime être incarcérée dans des conditions indignes, peut saisir d'un recours le juge des libertés et de la détention (JLD) en cas de détention provisoire, et le juge de l'application des peines (JAP) en cas de condamnation.

- page 1889

Page mise à jour le