Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 21/07/2022

Sa question écrite du 17 février 2022 n'ayant pas obtenu de réponse sous la précédente législature, M. Jean Louis Masson attire à nouveau l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur le fait que les articles 10 et 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ont une valeur constitutionnelle. Ils garantissent la liberté de conscience et d'expression. De plus, l'article 11 prévoit que les limites à ce principe ne peuvent être fixées que par la loi. C'est ainsi qu'en application de la loi, les fonctionnaires ont une obligation de neutralité. Par contre, les élus locaux ne sont pas des agents publics et aucune disposition législative ne leur interdit de manifester leurs convictions philosophiques, religieuses ou politiques. Ainsi la chambre criminelle de la cour de cassation a considéré que le maire qui prive de parole un conseiller municipal au motif qu'il porte un signe religieux se rend coupable de discrimination dès lors que l'intéressé ne crée pas un trouble à l'ordre public (cour de cassation criminelle, 1er septembre 2020, n°10-80.584). Il lui demande si la même jurisprudence s'applique à un maire ou à un président de collectivité territoriale qui interdirait à un élu de siéger au seul motif qu'il porte un signe ayant un caractère politique.



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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 16/02/2023

La liberté d'expression est une liberté fondamentale dont jouissent les élus locaux dans le cadre de leur mandat (CE, 22 mai 1987, Tête, n° 70085 et CE, 28 janvier 2004, Commune du Pertuis, n° 266544). Cette liberté d'expression est protégée par la Cour européenne des droits de l'Homme, en particulier en ce qui concerne les élus de l'opposition, et ne peut se voir imposer que des limites très strictes et des restrictions dites "légitimes" (CEDH, 12 avril 2012, De Lesquen du Plessis-Casco contre France, req. n° 54216/09). Par ailleurs, en application de l'article L. 2121-16 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), "Le maire a seul la police de l'assemblée. Il peut faire expulser de l'auditoire ou arrêter tout individu qui trouble l'ordre. En cas de crime ou de délit, il en dresse procès-verbal et le procureur de la République en est immédiatement saisi." Cette disposition s'applique également au président du conseil départemental et au président du conseil régional en application des articles L. 3121-12 et L. 4132-11 du même code. Un équilibre doit être trouvé entre les pouvoirs de police dont dispose le président de l'assemblée délibérante et le respect de la liberté d'expression des élus, en particulier d'opposition. À ce titre, la chambre criminelle de la Cour de cassation (Ccas, Crim., 1er septembre 2020, Commune de Montreuil, n° 10-80.584) a considéré qu'un maire ne pouvait interdire à un élu de prendre la parole lors d'une séance du conseil municipal au motif que ce dernier portait un signe religieux ostensible (en l'espèce, une croix symbolisant son appartenance à la religion chrétienne). En l'espèce, ni les pouvoirs de police du maire, ni le principe de laïcité - qui ne trouvait d'ailleurs pas à s'appliquer - ne sauraient justifier l'attitude de ce dernier à l'égard de l'élue, qui a porté atteinte à son droit de parole. L'interdiction faite à un élu de siéger en raison de l'utilisation de signes ayant un caractère politique est susceptible de porter atteinte à la liberté d'expression des élus si elle n'est ni limitée, ni circonstanciée et si elle n'explicite pas en quoi cette utilisation est susceptible de troubler le bon ordre des séances.

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