Question de Mme DURANTON Nicole (Eure - RDPI) publiée le 21/07/2022
Mme Nicole Duranton appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire au sujet de la prise en compte de la volatilité des prix des engrais azotés provoquée par le conflit russo-ukrainien.
Les engrais azotés, à l'origine de la majorité des transformations que l'agriculture a connu depuis un siècle, sont des incontournables de l'agriculture conventionnelle. Répandus sur les cultures, ce sont des éléments chimiques indispensables à la croissance des plantes afin de doubler voir tripler les rendements. En 60 ans, la consommation de ces substances a été multipliée par neuf. Environ 130 millions de tonnes d'azote sont aujourd'hui produites sous forme d'engrais chaque année.
L'azote est importé de Russie et d'Ukraine ou fabriqué en Europe avec du gaz russe, afin de fixer l'engrais sur un support solide ou liquide. Or, les tensions géopolitiques actuelles font grimper son cours et insécurisent l'approvisionnement en France. En effet, le 24 février 2022, la Russie a envahi l'Ukraine en violation du droit international, des accords de Minsk et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine, apportant la guerre sur le continent européen. Les conséquences aussi bien économiques que commerciales de cette invasion, impactent directement nos agriculteurs.
Alors que le prix des engrais est multiplié par trois ou quatre, le cours du blé n'a pas augmenté d'autant. Malgré la mise en place d'alternatives visant à compenser ces pertes de rendement, une agriculture sans azote suffirait à peine pour nourrir la population française. Cet enjeu international a donc des répercussions locales directes sur nos agriculteurs, mettant en danger leurs conditions de vie, mais également la sécurité alimentaire nationale.
Face à cet horizon incertain et la menace croissante pesant sur nos agriculteurs, elle souhaiterait savoir quelles sont les garanties effectives qu'il est possible d'instaurer afin de mettre fin à la dépendance de la France vis-à-vis de ses importations énergétiques et d'assurer la stabilisation des prix pour protéger nos agriculteurs.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 27/10/2022
Depuis le second semestre 2021, la hausse des prix des engrais, des carburants et du gaz, ainsi que celle des matières premières agricoles, trouvait une explication dans la reprise économique post-covid et une demande mondiale soutenue pour l'énergie et les matières premières. La guerre en Ukraine est venue exacerber ce contexte haussier, le contexte géopolitique ajoutant des incertitudes économiques générales sur les prix et l'offre de l'énergie, avec des conséquences directes sur les prix des engrais azotés. Les cours actuels du gaz naturel ont conduit plusieurs usines de fabrication d'engrais à cesser provisoirement leurs activités, engendrant des risques de pénurie pour les agriculteurs. Le Gouvernement est mobilisé au niveau national et européen, pour identifier et atténuer les facteurs de hausse des prix des engrais. La Commission européenne a annoncé la possibilité de suspendre les droits de douane sur les importations de ces intrants ainsi que de l'urée et de l'ammoniac jusqu'à fin 2024, à l'exclusion de ceux provenant de Russie et de Biélorussie. Face aux conséquences de la hausse des prix de l'énergie pour l'ensemble des acteurs économiques et de la population, le Gouvernement a élaboré un plan de résilience économique et sociale, qui prévoit des mesures spécifiques pour les filières agricoles et agroalimentaires. En particulier, pour les exploitations rencontrant des hausses de charges et en difficultés pour payer leurs cotisations sociales, une enveloppe exceptionnelle de prise en charge de cotisations sociales de 150 millions d'euros a été débloquée. S'agissant des entreprises agricoles grandes consommatrices de gaz et d'électricité, elles sont éligibles à l'aide « gaz et électricité » du plan de résilience depuis le 1er juillet 2022. Temporaire, ciblée et plafonnée, cette aide vise à soutenir la compétitivité des sites les plus consommateurs de gaz et d'électricité. Par ailleurs, la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable et accessible à tous dite loi « EGALIM 2 », promulguée en octobre 2021, impose une prise en compte des coûts de production dans les prix d'achat des produits agricoles par l'aval de la filière. Les dispositions de cette loi impliquent une répercussion automatique des hausses des coûts de production sur les prix d'achat des matières premières agricoles, selon une formule librement définie par les parties. Ainsi, grâce à la loi EGALIM 2, les agriculteurs peuvent répercuter les hausses de leurs coûts de production, grâce à l'application de la « cascade des prix », notamment via les mécanismes de contractualisation, de non-négociabilité de la matière première agricole ou de non-discrimination tarifaire. L'État est extrêmement vigilant quant au respect de la mise en uvre de cette loi. Les services de contrôle sont d'ores et déjà pleinement mobilisés, tout comme le médiateur des relations commerciales et le médiateur de la coopération agricole. En outre, une action durable pour regagner en souveraineté et en résilience est prévue avec des travaux engagés autour des axes suivants : - l'optimisation de la fertilisation azotée avec le développement des outils d'aide à la décision ou des équipements pour l'agriculture de précision ou encore la sélection de variétés moins demandeuses d'azote : l'État a favorisé les investissements dans du matériel d'épandage de précision dans les exploitations agricoles avec le volet agricole du plan France Relance, et soutient les acteurs de la sélection végétale notamment au travers des financements du compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural » (CASDAR) ; - la mise en uvre d'un « plan souveraineté azote » en privilégiant la valorisation d'engrais organiques dont l'offre nationale est abondante, en substitution aux engrais minéraux ; - le renforcement du plan protéines végétales dans le cadre de France 2030, pour favoriser le développement des cultures riches en protéines peu consommatrices d'engrais ; - le développement d'un plan de souveraineté énergétique agricole et alimentaire, pour accélérer le développement des énergies renouvelables et la « décarbonation » de l'amont agricole et des industries agroalimentaires ; - l'élaboration d'un plan de souveraineté pour la filière « fruits et légumes ». Une réflexion plus générale sur les raisons de la délocalisation des industries des engrais depuis plusieurs années doit aussi être engagée. Enfin, des recherches et des expérimentations sont en cours sur la modification des procédés industriels de fabrication des engrais, en vue de remplacer le gaz naturel par l'hydrogène, réduisant ainsi la dépendance aux importations de gaz. L'État s'est résolument engagé dans cette direction avec l'objectif de devenir un des leaders de la production d'hydrogène vert inscrit dans le plan France 2030.
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