Question de M. FERNIQUE Jacques (Bas-Rhin - GEST) publiée le 14/07/2022
M. Jacques Fernique attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la situation vécue par la Cimade à Mayotte, qui fait face depuis le 13 décembre 2021 à des menaces et des attaques de la part d'un collectif de citoyens nommé le collectif des citoyens 2018, soutenu par des courants d'extrême-droite.
Avec l'objectif affiché que « la Cimade quitte Mayotte », le groupe de manifestants bloque illégalement l'accès au local de l'association, empêchant donc les bénévoles et salariés de mener leurs activités, et entravant ainsi leurs missions d'accueil inconditionnel et d'accompagnement vers l'accès aux droits.
Depuis maintenant trois mois, les membres de La Cimade sont donc victimes d'actes de violence et d'intimidation, qui se traduisent chaque jour par des propos diffamants, des insultes proférées et inscrites sur des banderoles accrochées devant les locaux, des menaces, des appels à la haine et à la violence en ligne, ou encore l'obstruction de l'accès au local.
Pourtant, à Mayotte où les inégalités sociales et économiques sont très fortes, avec 77 % de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté, les associations de défense des droits de l'Homme ont toute leur place et un rôle fondamental à jouer dans l'accueil et l'accompagnement des personnes vulnérables. Dans le contexte international actuel, ce sont bien les valeurs de solidarité, d'accueil et de justice sociale qu'il est essentiel de défendre.
Il est donc de la responsabilité des autorités françaises à Mayotte, à travers le préfet de Mayotte, de répondre de façon ferme aux atteintes portées à la Cimade et à ses membres. L'inaction flagrante à laquelle nous assistons ces dernières semaines est intolérable.
Suite au dépôt de plainte contre X pour diffamations publiques et menaces envers les biens et membres de leur association effectué par les salariés de La Cimade, ces derniers attendent une réaction des représentants de l'État pour garantir le respect de la liberté associative, la sécurité de leurs membres et l'accueil en toute sécurité des personnes accompagnées par l'association.
Il n'est pas acceptable que, jusqu'à ce jour, aucune opération n'ait été menée pour empêcher les graves atteintes dont sont victimes les membres de la Cimade. Il n'est pas acceptable que les autorités publiques aient refusé d'intervenir, en considérant que le risque de trouble engendré par une intervention pour disperser la manifestation serait supérieur aux troubles constatés sur place.
Il lui demande donc d'agir auprès de l'exécutif local afin qu'il assure la protection des associations de solidarité présentes à Mayotte comme celle de la Cimade, ainsi que celle des personnes qu'elles accompagnent, et qu'il garantisse le libre exercice de leurs activités.
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Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 24/11/2022
Le 13 décembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Mamoudzou donnait raison à un collectif d'habitants (soutenu par la Cimade, service cuménique d'entraide, et d'autres associations) qui avait introduit une requête contre un arrêté préfectoral portant évacuation et destruction de constructions bâties illicitement à Tsingoni. Cette décision provoquait l'opposition du Comité de défense des intérêts de Mayotte (CODIM) et du Collectif des citoyens de Mayotte. À la sortie de l'audience, les membres des deux collectifs se rassemblaient devant les locaux de la Cimade à Mamoudzou. Les salariés et bénévoles de la Cimade sollicitaient l'intervention des forces de police afin de les « protéger » contre les manifestants. Les fonctionnaires de police se rendaient sur place. Ils constataient qu'aucune action violente n'était perpétrée par les manifestants, qui se bornaient à apostropher le personnel de l'association en lui demandant de quitter Mayotte. Les policiers faisaient le nécessaire pour permettre au personnel de la Cimade de quitter les lieux, ce qu'ils faisaient sans difficulté. Les manifestants n'ont pas poursuivi les salariés et bénévoles dans la rue après leur sortie pour les menacer ou porter atteinte à leur intégrité physique. Dans les jours qui ont suivi, des banderoles étaient chaque soir laissées sur place, face au bâtiment de la Cimade et sur l'édifice lui-même. À plusieurs reprises, le personnel de l'association demandait aux forces de l'ordre de libérer l'accès aux locaux (que ce soit pour s'y rendre ou pas). Le 29 janvier 2022, le personnel de la Cimade avait prévu de réintégrer ses locaux et demandé aux forces de l'ordre d'être présentes. Cinq membres de la Cimade se présentaient sur place. Les manifestants leur indiquaient qu'ils ne les laisseraient pas entrer. Le personnel de l'association n'était ni menacé ni encerclé. Les forces de police, présentes sur place, constataient qu'aucune violence n'était commise. Les employés de la Cimade restaient une heure environ sur place puis repartaient. Du 13 décembre à la mi-février 2022, de 10 à 20 manifestants des deux collectifs - dont une majorité de femmes d'un certain âge - étaient ainsi chaque jour présents, dans la rue, face aux locaux de la Cimade. Ils n'ont jamais pénétré dans les locaux, se bornant à apposer des banderoles, parfois à invectiver les membres de l'association. Les manifestants ont toujours été pacifiques et n'ont pas exercé de violences à l'encontre des employés de la Cimade. À partir de la mi-février, la mobilisation a faibli et les manifestants ont cessé de venir quotidiennement devant les locaux. À partir du début du mois de mars, les manifestants ne sont plus venus sur place que de façon très ponctuelle et ont retiré leurs banderoles. Il doit être souligné que le personnel de la Cimade n'a jamais tenté de rejoindre ses locaux lorsque les manifestants n'étaient pas présents - excepté le 19 janvier 2022 pour confisquer les banderoles des manifestants en leur absence. Toute action de blocage a cessé depuis le 14 mai 2022. Le 24 mai 2022, la Cimade s'est d'ailleurs désistée d'une action en référé introduite devant le tribunal judiciaire de Mamoudzou pour exiger le libre accès à ses locaux. La mobilisation des services de la direction territoriale de la police nationale (DTPN) de Mayotte reste pleine et entière pour assurer la sécurité des membres de l'association comme pour garantir la liberté de manifester. Il convient de noter que deux plaintes ont été déposées dans le cadre de ce différend par la Cimade. Une première, en janvier 2022, auprès du procureur de la République de Mamoudzou pour menaces et diffamation. Elle a été classée sans suite par le parquet. Une seconde, en février 2022, auprès du commissariat de Mamoudzou, pour dégradation de biens (introduction de tiges métalliques dans les serrures des portes d'entrée des locaux de l'association). Elle est toujours en cours de traitement, sous l'autorité du procureur de la République.
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