Question de M. BRISSON Max (Pyrénées-Atlantiques - Les Républicains) publiée le 14/07/2022
M. Max Brisson appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse à propos des conséquences que les dispositions d'encadrement de la délivrance de l'autorisation d'instruction dans la famille pourraient avoir sur celles qui y ont recours ainsi que sur le respect du principe même de la liberté d'instruction.
En date du mardi 9 novembre 2021, l'ordre du jour du comité technique ministériel de l'éducation nationale mentionnait en « point pour avis » un projet de décret en Conseil d'État relatif aux modalités de délivrance de l'autorisation d'instruction dans la famille. Il prévoit un certain nombre de mesures pour encadrer le recours à l'instruction en famille.
En premier lieu, la limitation de la période de dépôt des demandes à 3 mois de l'année ne correspond pas aux projets familiaux ou aux besoins éventuels de l'enfant qui interviennent bien souvent en dehors de la période limitative.
En second lieu, la présentation par la personne chargée de l'instruction d'un diplôme équivalent au baccalauréat sous entend que des parents non détenteurs du baccalauréat ne seraient pas nécessairement de bons instructeurs alors que, actuellement, 16 % des parents assurant l'instruction en famille ne sont pas titulaires du bac et 98 % des contrôles effectués auprès des familles concernés sont tout de même positifs.
En troisième lieu, la nécessité de présenter une attestation du directeur de l'établissement établissant une menace à l'intégrité physique ou morale de l'enfant est contraire au fait que le recours à l'instruction en famille est très souvent utilisé comme une issue de secours par les familles.
En conséquence, ce décret, dont la publication est annoncée pour le 1er février 2022, semble vouloir restreindre au maximum l'accès au mode d'instruction pour toutes les familles, sous couvert de lutte contre le séparatisme.
Pourtant, tout au long des échanges tenus à l'occasion de l'examen de la loi pour le respect des principes de la République, aucun chiffre établissant un lien entre la radicalisation et le recours à l'instruction en famille n'a été publié. Si, en effet, des rapports sont parus après le processus législatif, ces derniers font état que seulement 32 enfants instruits en famille ont fait l'objet d'informations préoccupantes, soit 0,09 % du nombre total d'enfants instruits en famille. Ils ne font par ailleurs mention d'aucune radicalisation.
Après les diverses tentatives du Gouvernement mises en œuvre lors de l'examen de la loi principes de la République pour restreindre, après avoir voulu la supprimer, l'instruction en famille, il semble que la parution de ce décret confirme cette volonté d'encadrer au maximum la capacité des familles à recourir à ce procédé.
Toutefois, la loi Ferry du 28 mars 1882 indique que « l'instruction primaire (
) peut être donnée soit dans les établissements d'instruction primaire ou secondaire, soit dans les écoles publiques ou libres, soit dans les familles ».
Citée dans la décision n° 77 87 du Conseil constitutionnel du 23 novembre 1977 qui juge que le principe de la liberté de l'enseignement constitue l'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, réaffirmés par le préambule de la Constitution de 1946 et auxquels la Constitution de 1958 a conféré valeur constitutionnelle.
Aussi, face à la volonté persistante du Gouvernement de restreindre le recours à cette méthode d'instruction, pourtant principe constitutionnel, il l'interroge sur les raisons exactes qui motivent ce décret et les restrictions qui en découlent.
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Réponse du Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse publiée le 08/12/2022
La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République (dite loi CRPR) vise à garantir une plus grande protection des enfants et des jeunes, d'une part en posant le principe de la scolarisation obligatoire dans un établissement scolaire public ou privé de l'ensemble des enfants soumis à l'obligation d'instruction (i.e. âgés de trois à seize ans) et d'autre part en substituant au régime de déclaration d'instruction dans la famille un régime d'autorisation. Ainsi, à compter de la rentrée scolaire 2022, il ne pourra être dérogé à cette obligation de scolarisation que sur autorisation préalable délivrée par les services académiques, pour des motifs liés à la situation de l'enfant et limitativement définis par la loi. Conformément à l'article R. 131-11 du code de l'éducation, les personnes responsables d'un enfant qui sollicitent la délivrance de l'autorisation d'instruction dans la famille doivent adresser leur demande au directeur académique des services de l'éducation nationale du département de résidence de l'enfant entre le 1er mars et le 31 mai inclus précédant l'année scolaire au titre de laquelle cette demande est formulée. Afin de prendre en considération les situations particulières, la délivrance d'une autorisation peut être sollicitée en dehors de ces délais pour des motifs apparus postérieurement à la période limitative et tenant à l'état de santé de l'enfant, à son handicap ou à son éloignement géographique de tout établissement scolaire public. À cette fin, les personnes responsables de l'enfant doivent justifier que le motif de la demande est apparu postérieurement au calendrier de dépôt des demandes. Par ailleurs, l'article L. 131-5 du code de l'éducation prévoit une mesure d'urgence accordée lorsqu'après concertation avec le directeur de l'établissement d'enseignement public ou privé dans lequel est inscrit l'enfant, il est établi que l'intégrité physique ou morale de l'enfant est menacée. La demande d'autorisation est accompagnée de l'avis circonstancié du directeur de l'établissement d'enseignement public ou privé dans lequel est inscrit l'enfant sur le projet d'instruction dans la famille et de tout document utile de nature à établir que l'intégrité physique ou morale de l'enfant est menacée. En l'espèce, il n'appartient pas au directeur de l'établissement d'établir que l'intégrité physique ou morale de l'enfant est menacée. Son avis, émis dans l'intérêt supérieur de l'enfant, n'emporte pas de décision d'autorisation ou de refus d'instruction dans la famille. Seuls les services académiques compétents sont à même de juger de la situation de l'enfant et de prendre la décision d'autoriser ou de refuser l'instruction dans la famille au regard de l'ensemble des pièces du dossier. Il en résulte que cette disposition répond à une situation d'urgence permettant aux responsables de l'enfant de donner l'instruction dans la famille dans le délai restant à courir avant que l'autorisation ne leur soit accordée ou refusée par les services académiques, quelle que soit la nature de l'avis émis par le directeur de l'établissement. S'agissant des demandes d'autorisation d'instruction dans la famille formulées au titre de l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif (motif 4°), l'article R. 131-11-5 du code de l'éducation exige la présentation par la personne chargée de l'instruction de l'enfant du diplôme du baccalauréat, ou de son équivalent, à l'appui de sa demande d'instruction dans la famille. La nécessité de produire ce document est de nature à s'assurer que la personne en charge de l'instruction de l'enfant est effectivement en mesure de lui permettre d'acquérir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d'enseignement de la scolarité obligatoire. Enfin, il ne s'agit pas d'interdire sans discernement tous les dispositifs d'instruction dans la famille et de porter atteinte aux pratiques positives. La loi CRPR a pour objectif de définir les exceptions à la scolarisation afin de ne conserver que les cas relevant de demandes légitimes et de lutter contre toutes les tendances qui mettent en cause l'unité de la République.
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