Question de M. CORBISEZ Jean-Pierre (Pas-de-Calais - RDSE) publiée le 28/07/2022

M. Jean-Pierre Corbisez attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires concernant le dispositif du « zéro artificialisation nette » (ZAN), inscrit dans la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, lequel impacte directement les collectivités territoriales.
S'il partage les objectifs de préservation de la biodiversité, de lutte contre le dérèglement climatique ou encore de reconquête d'espaces naturels, force est de constater que la mise en œuvre de ce dispositif est source de difficultés importantes pour les élus locaux.
Ainsi, dans le département du Pas-de-Calais, à l'occasion d'échanges récents avec des maires ou des présidents d'intercommunalités, ont été soulevés les points suivants : l'articulation complexe, voire impossible, entre l'impératif de ZAN et les engagements d'une commune dotée d'un programme de l'agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) nécessitant de bâtir avant de détruire ; le desserrement du calendrier d'intégration dans le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) des objectifs de réduction de la consommation des espaces naturels, porté à février 2024, alors que dans le même temps celui d'intégration des objectifs régionaux dans les schémas de cohérence territoriale (SCOT), et donc les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi), a été maintenu à août 2026 ; la problématique des communes rurales confrontées à des difficultés réelles pour obtenir des friches à reconquérir pourtant nécessaires à leur renouvellement urbain ; la nécessaire prise en compte du phénomène de recul du trait de côte dans les calculs du ZAN afin de ne pas pénaliser davantage les communes du littoral.
Il lui semble donc nécessaire d'avoir une application du ZAN différenciée et adaptée aux différents territoires et à leurs spécificités, et en particulier : de tenir compte des efforts déjà consentis dans la réduction des consommations foncières comme dans le traitement des friches industrielles ou militaires ; d'exclure du décompte d'artificialisation les projets d'intérêt national, voire supra-national, tels que le canal Seine Nord Europe ou le réseau express Grand Lille. À défaut, cela priverait les collectivités concernées de toute perspective de développement au regard des consommations foncières considérables mobilisées par ces projets. Il lui semble également nécessaire de mettre en place des mécanismes correcteurs et de solidarité, à l'échelle nationale ou régionale, pour permettre et accompagner la réalisation de projets structurants, en particulier dans les zones rurales ou littorales.
Il souhaite donc savoir quelles mesures le Gouvernement, dans le cadre de sa volonté affichée d'agir en concertation avec les acteurs concernés, entend mettre en œuvre pour corriger ces impacts et concilier les impératifs du développement durable et ceux du renouvellement urbain.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de l'écologie publiée le 26/10/2022

Réponse apportée en séance publique le 25/10/2022

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, auteur de la question n° 080, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Jean-Pierre Corbisez. Madame la secrétaire d'État, l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols, inscrit dans la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, inquiète fortement les élus locaux, comme j'ai déjà pu le dire.

Ainsi, dans mon département, lors d'échanges récents, certains maires ou présidents d'intercommunalité ont soulevé les points suivants : premièrement, l'articulation complexe, voire impossible, entre l'impératif du ZAN et les engagements d'une commune dotée d'un programme de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) nécessitant de bâtir avant de détruire ; deuxièmement, la problématique des communes rurales confrontées à des difficultés réelles pour obtenir des friches à reconquérir, pourtant essentielles à leur avenir ; troisièmement, la nécessaire prise en compte du phénomène de recul du trait de côte dans les calculs du ZAN, afin de ne pas pénaliser davantage les communes du littoral.

Il me semble donc nécessaire de prévoir une application du ZAN différenciée et adaptée aux spécificités des territoires. Il faudra tout d'abord tenir compte des efforts déjà consentis dans la réduction des consommations foncières comme dans le traitement des friches industrielles ou militaires. Il conviendra ensuite d'exclure du décompte d'artificialisation les projets d'intérêt national, voire supranational, tels le canal Seine-Nord Europe ou le Réseau express Grand Lille, qui pénalisent les collectivités dans leur projet de développement. Enfin, on veillera à mettre en place des mécanismes correcteurs et de solidarité, à l'échelle nationale ou régionale, pour accompagner la réalisation de projets structurants, en particulier dans les zones rurales ou littorales.

Je souhaite donc savoir, madame la secrétaire d'État, quelles mesures le Gouvernement, dans sa volonté affichée d'agir en concertation avec les acteurs concernés, entend mettre en œuvre pour corriger ces effets.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur Corbisez, la mise en œuvre de l'objectif ZAN est cruciale pour préserver la qualité de nos sols, la biodiversité, permettre un aménagement durable de nos territoires et combattre les effets du changement climatique.

Dans son discours, lors du 18e congrès des régions de France à Vichy, la Première ministre a confirmé cet objectif pour 2050 ainsi que l'étape intermédiaire prévue en 2031 d'une division par deux du rythme de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers.

La loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi 3DS, avait déjà permis un report de six mois des échéances prévues par la loi Climat et résilience. Ainsi, les responsables des schémas de cohérence territoriale (SCoT) ont jusqu'au 22 octobre pour se réunir et faire leurs propositions aux régions. Celles-ci disposent également de six mois supplémentaires pour intégrer les objectifs de la loi Climat et résilience dans leur schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), soit jusqu'au 22 février 2024. Ce calendrier laisse donc un délai de mise en compatibilité significatif pour engager cette réforme essentielle.

Une fois cette ambition réaffirmée, le Gouvernement reste naturellement à l'écoute des élus locaux et du Parlement, et il a engagé depuis plusieurs mois des concertations afin d'anticiper cette transformation majeure pour les territoires.

Le Gouvernement tient à rappeler une nouvelle fois devant vous que la trajectoire de réduction de l'artificialisation prendra en compte de nombreux critères, afin de s'adapter aux singularités des territoires, à leurs projets et à leur histoire, ainsi que le prévoit la loi.

La mise en œuvre du ZAN dans les territoires doit également passer par un accompagnement des élus locaux, pour favoriser les efforts de renaturation ou de traitement des friches. C'est l'objet du fonds Friches, qui a mobilisé 750 millions d'euros sur la période 2021-2022, au service de plus de 1 118 projets, pour réhabiliter plus de 2 700 hectares de friches.

Le fonds d'accélération de la transition écologique contribuera à cette politique à partir de 2023. Doté de plus de 2 milliards d'euros, il permettra de financer des projets d'adaptation des territoires au changement climatique, dont la renaturation des villes et le recyclage des friches, dans nos territoires.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Corbisez. Une solution existe, madame la secrétaire d'État, pour que les communes rurales récupèrent le foncier à bâtir en dehors des zones agricoles : c'est la proposition de loi de notre ancien collègue sénateur et ancien ministre Jacques Mézard, visant à moderniser et faciliter la procédure d'expropriation de biens en état d'abandon manifeste. Ce texte a été voté au Sénat, puis intégré dans la loi 3DS de sorte qu'il peut désormais s'appliquer. Il permet de réduire de vingt ans à dix ans les délais de récupération du foncier. Toutefois, il n'existe pas de ligne budgétaire spécifique pour que ces opérations communales puissent se faire. Le Gouvernement devrait sans doute y réfléchir.

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