Question de Mme GOULET Nathalie (Orne - UC) publiée le 14/07/2022
Mme Nathalie Goulet attire l'attention de Mme la Première ministre sur la lutte contre la corruption au Liban.
Ce n'est un mystère pour personne, la lutte anti-corruption est une impérieuse nécessité dans le monde.
C'est aussi le combat le plus dangereux pour ses acteurs au premier rang desquels les juges et magistrats en charge de ce secteur.
On se souvient des juges italiens, du juge Falcone et de ses nombreux collègues tombés au champ d'honneur de la lutte contre la corruption, les cartels et les mafias.
Il y a quelques mois seulement le procureur anti-corruption du Paraguay a été assassiné en Colombie où il passait sa lune de miel.
Les enjeux en cause sont si importants que les cartels ne reculent devant rien pour protéger leurs empires, menacés par des juges vertueux.
Le Liban, pays ami et frère de la France, n'échappe pas à cette situation.
La corruption y mine l'économie et le système politique tout entier .
N'a-t-on pas entendu ouvertement des candidats aux élections législatives du 15 mai 2022 valoriser le système d'achat de voix (800 $ à Tripoli) qui les maintient au pouvoir eux et leurs dynasties ?
Le Liban est en quasi faillite et la population entière se rebelle contre la corruption des élites, dotées de multiples passeports qui pillent le pays à leur profit.
En plus de cette corruption endémique, le pays est aussi victime d'une hyper confessionnalisation des élites et de la population.
C'est dans ce contexte qu'une juge courageuse a décidé de conduire des instructions sur des dossiers qui lui avaient été confiés et a pu ainsi engager des poursuites contre l'ancien gouverneur de la banque centrale du Liban, non sans mal.
En Suisse et en France, des biens ont été saisis et un travail important est fait pour recouvrer les biens mal acquis et les restituer au peuple libanais.
Cette juge est venue en France assister à une conférence qui s'est tenue au Sénat à l'initiative d'un sénateur, en présence de l'avocat fondateur de l'association Sherpa, d'un expert de l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), d'un représentant de l'organisation non gouvernementale Transparency International.
La juge s'est exprimée librement sur les entraves qu'elle devait contourner pour mener à bien ses missions, sans évidemment parler de dossiers dont elle avait la charge.
Or elle est poursuivie par une instance disciplinaire au Liban du seul fait de sa participation à cette réunion à Paris.
Cette mesure est uniquement destinée à la discréditer et à freiner son travail de lutte contre la corruption.
Cette mesure de pression contre un magistrat est totalement contraire aux principes démocratiques et indigne d'un pays comme le Liban.
C'est pourquoi elle souhaite savoir quelles dispositions le Gouvernement français entend prendre pour soutenir la lutte contre la corruption au Liban et ses acteurs au premier rang desquels cette juge.
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Transmise au Ministère de l'Europe et des affaires étrangères
Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 13/10/2022
La France est pleinement mobilisée pour permettre au Liban de sortir de la crise dans laquelle le pays est aujourd'hui plongé. Le Président de la République s'y est rendu à deux reprises en 2020, y compris dans l'urgence face à la tragique explosion du 4 août dans le port de Beyrouth. Comme elle s'y était engagée dans le cadre des trois conférences de soutien au Liban organisées avec les Nations unies, la France a encore renforcé son soutien, avec près de 200M d'aide à la population libanaise à titre national depuis 2020. Pour autant, face à la crise multiforme que connaît le Liban, il revient avant tout aux dirigeants politiques libanais eux-mêmes de prendre enfin leurs responsabilités. Un gouvernement en mesure de mettre en uvre les réformes nécessaires, sur la base de l'accord technique signé avec le Fonds monétaire international le 7 avril dernier, doit être formé sans délais. Il revient aux responsables libanais d'acter les réformes économiques et de bonne gouvernance que tous les partenaires du Liban soutiennent avec constance, y compris dans le cadre de la conférence CEDRE et du Groupe international de soutien au Liban. Parmi celles-ci, la lutte contre la corruption figure au tout premier plan, avec notamment la création et le renforcement d'organismes de contrôle indépendants, la dotation suffisante en moyens financiers et humains, et le renforcement de la transparence dans le fonctionnement des institutions libanaises et des marchés publics. La France agit également dans le cadre de sa coopération bilatérale avec le Liban afin de faire avancer la lutte anti-corruption au Liban. Cela passe notamment par le projet « Act », porté par Expertise France sur fonds européens (2,4M depuis 2019), qui vise à consolider les capacités des institutions publiques libanaises engagées sur le dossier et à renforcer la sensibilisation du public à ces questions. Ce soutien se traduit également par la mobilisation d'une expertise ainsi que de financements français (plus d'1M) dans le but de moderniser les procédures de la commande publique au Liban. Nous accompagnons par ailleurs la toute récente Commission nationale de lutte contre la corruption, via des échanges entre pairs français et libanais ainsi qu'un appui financier à la formation de ses membres. Nous contribuons par ailleurs à mobiliser des financements européens en faveur de projets contribuant à l'amélioration de la gouvernance au Liban. L'Union européenne s'est dotée d'un cadre de sanctions dédié au Liban, susceptible de cibler des personnes et entités coupables d'entraver le processus démocratique, la mise en uvre des réformes, ou impliquées dans des activités de corruption. Ce mécanisme a été renouvelé le 26 juillet dernier. La France, avec ses partenaires, continuera de soutenir la lutte contre la corruption au Liban. Elle reste pleinement engagée aux côtés du Liban et des Libanais.
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