Question de M. CHARON Pierre (Paris - Les Républicains) publiée le 07/07/2022
M. Pierre Charon attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics sur les critères d'application des dérogations exceptionnelles sur la reprise d'un excédent d'investissement en section de fonctionnement concernant notamment la ville de Paris.
Depuis les dispositions législatives introduites par ordonnance de 2005, le code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit que les collectivités territoriales peuvent transférer un excédent de la section d'investissement vers la section de fonctionnement sous certaines conditions définies par décret.
Depuis le décret n° 2015-1546 du 27 novembre 2015, les entités publiques locales qui ne remplissent pas les conditions peuvent demander aux ministres chargés du budget et des collectivités locales une autorisation afin de reprendre leur excédent prévisionnel d'investissement en section de fonctionnement, quelle que soit son origine, s'il existe des « conditions exceptionnelles et motivées » justifiant leur demande et ce, dès le vote du budget primitif.
S'agissant d'une autorisation à la discrétion des ministres, il n'existe pas de critères définis précisant les motifs d'acceptation ou de refus.
Dès 2016, le conseil de normalisation des comptes publics (CNOCP) s'est interrogé sur les critères susceptibles de fonder l'obtention d'une dérogation aux règles fixées par le CGCT. Il demandait qu'ils soient clairement explicités. Pour le conseil de normalisation des comptes publics (CNOCP), en particulier, « ces dérogations doivent nécessairement s'inscrire dans le cadre plus global de la politique de maîtrise des dépenses publiques ».
Ainsi, tout en continuant à apprécier le caractère « exceptionnel » des circonstances motivant la demande, le conseil estimait que l'examen des investissements et l'étude du niveau d'endettement de la collectivité concernée devraient être pris en compte pour justifier la dérogation et encadrer un processus qui contredit le principe de séparation des sections de fonctionnement et d'investissement ».
De surcroît, il s'agit aussi d'éviter toute opération comptable ou budgétaire qui consisterait à gonfler de façon artificielle l'excédent de la section d'investissement.
Or, la ville de Paris a de nouveau bénéficié pour son budget 2022 d'une nouvelle dérogation sur la reprise d'un excédent d'investissement de « loyers capitalisés » en section de fonctionnement.
C'est en 2016 que cette dérogation des ministres de la décentralisation et de la fonction publique et du secrétaire d'État chargé du budget a été accordée la première fois.
Cette démarche a été reconduite par la ville sur les exercices 2017, 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022 pour un montant total de 1,4 milliard sur la période 2016-2022.
Sans ces recettes, le budget de fonctionnement de la ville de Paris aurait été déséquilibré en 2016, 2017 mais également pour 2020 et 2021 c'est à dire illégal par référence au CGCT.
Aucune autre ville ne recourt à une telle procédure, en tout cas dans ces proportions et dans un but aussi détourné, à savoir équilibrer un budget.
Dans un courrier adressé au maire de Paris que la presse s'est procuré, les ministres des comptes publics et celui de la cohésion des territoires ont indiqué que « cette dérogation ne pourra plus être accordée à la ville de Paris au-delà de l'exercice 2022 ».
Il lui demande d'expliquer pourquoi des dérogations systématiques ont été accordées à la ville de Paris sur une période si longue et quelles sont ses intentions pour mieux encadrer les critères de ces dérogations comme le réclame le conseil de normalisation des comptes publics (CNOCP).
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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics publiée le 27/07/2023
L'article D. 2311-14 du code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit que l'excédent d'investissement peut être repris en section de fonctionnement lorsqu'il résulte du produit de cession ou d'un bien issu d'un don ou d'un legs, du produit de la vente d'un placement budgétaire ou d'une dotation complémentaire en réserves constatée au compte administratif depuis au moins deux années consécutives. Par dérogation aux cas précités, la collectivité peut solliciter une décision conjointe des ministres délégués chargés du budget et de des collectivités territoriales, en raison de circonstances exceptionnelles et motivées, qui peut porter sur un ou plusieurs exercices, afin de reprendre l'excédent prévisionnel de la section d'investissement en section de fonctionnement dès le vote du budget primitif. Une dérogation telle que présentée ci-dessus a été accordée à la Ville de Paris pour les exercices 2016 à 2021 qui lui a permis d'inscrire plus d'1,2 Mdeuros en recettes de fonctionnement. Lors des échanges avec la Ville de Paris, elle indiquait que les excédents liés à la politique de conventionnement des logements sociaux étaient appelés à s'éteindre en 2020 au plus tard, ce qui fixait un terme aux dérogations. Compte tenu du contexte de crise sanitaire en 2020 et ses suites en 2021, la dérogation a été maintenue en 2022 à hauteur de 150 Meuros, correspondant au montant des loyers capitalisés attendus enregistré au titre de cet exercice au crédit du compte 1687 « Autres dettes ». Toutefois, comme il l'a été précisé en réponse à la demande de la ville en 2022, dans la mesure où cette dérogation présente le risque d'une réserve, dans le cadre de la certification des comptes de la Ville de Paris, et dès lors que la Ville de Paris envisage des opérations de conventionnement pouvant représenter des montants importants pour les années à venir, il a été décidé de ne plus accorder dès 2023 et à l'avenir une telle dérogation. En effet, cette dernière, constitutive d'une dérogation à la règle d'or, comporte le risque d'encourager le financement des dépenses courantes par l'emprunt.
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