Question de M. LAURENT Daniel (Charente-Maritime - Les Républicains) publiée le 07/07/2022

M. Daniel Laurent attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les préoccupations des distilleries vinicoles quant au maintien du double comptage pour les marcs de raisin et lies de vin. La valorisation des résidus vinicoles sur des filières de proximité est une préoccupation majeure de la filière viticole qui apporte une solution durable pour réduire les pollutions et économiser les ressources naturelles. Une proposition révisée de directive européenne pour la promotion des énergies renouvelables (RED III) présentée le 14 juillet 2021, pourrait mettre en difficulté la durabilité du secteur des distilleries vinicoles en raison de la suppression des mesures de promotion des biocarburants relatives à l'annexe IX. La filière française représentée par l'union nationale des distilleries vinicoles rassemble des producteurs qui développent des alcools destinés aux biocarburants renouvelables, soit plus de 2000 emplois directs et indirects non délocalisables. Les distilleries vinicoles réduisent ainsi les émissions de la France de 60 000 tonnes de CO2 par la production de 400 000 hectolitres d'alcool pur par an en substitution de carburant d'origine fossile, contribuant également à l'indépendance énergétique de la France. Or, pour les professionnels de ce secteur d'activité, leur filière serait menacée par le retrait indifférencié du double comptage relatif aux matières premières de l'annexe IX, sans analyse d'impact sur cette filière. En effet, introduit par la directive de 2009, le double comptage a été selon la profession l'outil le plus efficace pour garantir que les matières premières complexes des résidus soient collectées, traitées et converties en biocarburants avec des économies de GES élevées. L'arrêt du double comptage mettrait un terme au développement continu de différentes industries de biocarburants avancés et à base de résidus, ce qui entraînerait une augmentation des émissions de GES. Le double comptage doit être maintenu en tant que mécanisme de promotion politique clé garantissant la présence sur le marché des biocarburants produits à partir de matières premières dans les parties A et B de l'annexe IX. En conséquence, il lui demande quelles sont les réponses qui peuvent être apportées aux distillateurs viticoles.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 03/11/2022

Les préoccupations des distilleries vinicoles, notamment représentées par l'union nationale des distilleries vinicoles (UNDV), sont légitimes à la suite de la diffusion du projet de la Commission européenne de révision de la directive 2018/2001 du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation des énergies renouvelables. Les distilleries vinicoles contribuent en effet à la production de bioéthanol à base de marcs de raisins et lies de vin. S'agissant de résidus viniques, cet éthanol est considéré comme « avancé » aux termes de la directive précitée de 2018 et bénéficie à ce titre d'un double comptage par rapport à son contenu énergétique réel, afin d'inciter les distributeurs de carburant à favoriser sa mise à la consommation. Toutefois, dans son projet de révision de ce texte, la Commission européenne prévoit de supprimer ce coefficient multiplicateur qui s'applique aux matières premières listées à l'annexe IX de cette directive (dont les marcs et lies), d'où l'inquiétude de l'UNDV. Les services du ministère de l'agriculture et de la souverainté alimentaire ont eu l'occasion à plusieurs reprises de rassurer les représentants des distilleries vinicoles sur les conséquences de cette mesure. Elle est motivée par la substitution à un objectif d'incorporation d'énergies renouvelables dans les transports, d'un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) des carburants durables. Or les matières premières mentionnées à l'annexe IX précitée étant des résidus ou des déchets, la production de biocarburants qui en découle est considérée comme ayant une très bonne performance en matière de réduction des émissions de GES, ce qui va notamment favoriser le bioéthanol de marcs et lies. En outre, la directive européenne précitée de 2018 prévoit un objectif chiffré d'incorporation des biocarburants avancés, qui est décliné en droit interne à l'occasion de chaque loi de finances ajustant les paramètres de l'avantage fiscal dont bénéficient les biocarburants dans le cadre de la taxe incitative relative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans les transports (TIRUERT). À titre d'exemple, pour l'année 2022, les metteurs à la consommation de carburants, afin de ne pas être redevables de la TIRUERT, ont un objectif d'incorporation de bioéthanol à hauteur de 9,2 % d'énergie renouvelable contenue dans l'essence. Au sein de cet objectif, l'article 266 quindecies du code des douanes prévoit un sous-objectif dédié à l'incorporation de bioéthanol avancé à hauteur de 1 %. Autrement dit, afin de remplir leur objectif, les distributeurs de carburants ont l'obligation d'incorporer cette proportion de bioéthanol avancé, ce qui revient à garantir la part de marché de l'éthanol de marcs et lies, étant donné qu'il s'agit quasiment du seul gisement et de la seule technologie disponible dans cette catégorie. De plus, ce sous-objectif est appelé à progresser chaque année, en application notamment de la programmation pluriannuelle de l'énergie, qui prévoit 1,2 % de bioéthanol avancé en 2023, puis 3,8 % en 2028. Ce mécanisme de brique réservée dans la TIRUERT constitue dès lors la nouvelle incitation à incorporer du bioéthanol avancé, ce qui rend inutile la pratique du double comptage. En outre, la comptabilisation du contenu énergétique réel aboutira à devoir incorporer davantage de volumes, ce qui là encore constitue une garantie supplémentaire pour la préservation de l'avenir de la filière de l'éthanol de marcs et lies en France, dont la contribution à la décarbonation des transports est essentielle et justement reconnue à ce titre.

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