Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 07/07/2022
M. Yves Détraigne souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la hausse record que connaissent actuellement les matières premières agricoles.
Il est important que la France et ses partenaires européens interviennent pour interdire la spéculation bancaire sur ces produits tant que durera le conflit russo-ukrainien.
En France, les prix agricoles à la production ont augmenté de 26,8 % de mars 2021 à mars 2022, contre 14,5 % entre février 2021 et février 2022. Cette hausse est totalement inédite. En mars 2022, le prix des céréales s'est envolé de 68,6 % et celui des oléagineux de 70,8 % par rapport au même mois de l'année précédente.
En théorie, la loi française n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires interdit la spéculation sur les marchés des activités bancaires sur les marchés dérivés de matière première agricole. Elle oblige les banques à limiter leurs positions sur les matières premières agricoles et à soumettre quotidiennement le détail de leurs positions tenues auprès de l'autorité des marchés financiers (AMF).
Pourtant il semblerait que le réseau bancaire français propose toujours des produits de placement spéculant sur les matières premières agricoles. Depuis 2015, l'organisation non gouvernementale OXFAM alerte sur cette situation inadmissible qui amplifie les conséquences des famines à travers le monde.
Alors que tous les spécialistes craignent une crise alimentaire mondiale, il lui demande s'il entend profiter de la présidence française de l'Union européenne pour convaincre ses partenaires de prendre des mesures fortes afin d'empêcher l'installation d'une bulle spéculative sur les matières premières agricoles et ses dérivés.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 13/10/2022
La hausse mondiale du prix des céréales, entamée en 2021, a été exacerbée par le conflit entre la Russie et l'Ukraine depuis fin février 2022. En janvier 2022, le prix du blé meunier fob Rouen avait atteint 280 euros () par tonne en moyenne mensuelle, soit une hausse de 20 % sur un an. Il a quasiment doublé début mars 2022 pour osciller aux alentours de 400 par tonne jusqu'à fin mai 2022, avec un pic à 440 par tonne mi-mai, en hausse de près de 80 % en un an. Depuis il est progressivement redescendu aux alentours de 340 par tonne, soit 65 % au-dessus des cours de juillet 2021, tout en gardant une très forte volatilité. Le maïs a suivi une évolution identique, en passant de 260 par tonne fob Moselle en janvier 2022 à plus de 420 euros par tonne début mars pour redescendre aux alentours de 320 par tonne à l'été 2022. Ces mouvements des prix en France sont comparables à ceux observés sur les marchés mondiaux. Les autres céréales, à l'exception du riz, et les principaux oléagineux, colza, tournesol et soja, ont suivi des mouvements parallèles. Les variations des cours des céréales et des oléagineux depuis le début de la guerre en Ukraine traduisent une forte incertitude sur les marchés de ces produits, dans un contexte d'équilibre global offre-demande au niveau mondial qui reste tendu par des récoltes ou des perspectives de récoltes moyennes et une demande toujours très soutenue. Le contexte géopolitique ajoute des incertitudes économiques générales sur les prix et l'offre des énergies. S'ils atteignent les plus hauts niveaux historiques, les cours de ces matières premières agricoles ne résultent donc pas d'une action purement spéculative que mèneraient certains acteurs, mais de l'équilibre global des marchés et du contexte économique incertain, que renforce le conflit en Ukraine. Les hausses et la volatilité ne sont pas propres aux marchés des matières premières agricoles et concernent également les marchés des autres matières premières et ceux de certains produits intermédiaires ou manufacturés. L'existence des marchés à terme, inventés à l'origine pour les marchés agricoles, permet aux opérateurs physiques, comme les négociants en céréales ou les industriels de la transformation, de vendre ou d'acheter les marchandises en limitant les risques de variations de cours. Le nombre d'opérateurs physiques à la vente ou à l'achat serait généralement insuffisant pour aboutir à une bonne adéquation au quotidien entre l'offre et la demande des opérateurs physiques. Pour fluidifier ces marchés, des acteurs non physiques, notamment financiers, se positionnent également, ce qui, en permettant de multiplier les transactions, optimise l'équilibre offre-demande. Ils ont un rôle important pour le bon fonctionnement des marchés car ils favorisent la liquidité, permettant l'exécution d'ordres de grande taille avec un minimum de fluctuations de cours. Le fonctionnement des grands marchés à terme de matières premières agricoles comme le Chicago Mercantile Exchange (CME) aux États-Unis ou Euronext en Europe, est régi par des réglementations destinées à aligner en tendance la réalité du marché physique et les positions financières des acteurs, en permettant ainsi d'éviter les défauts des opérateurs et le développement de bulles spéculatives. Ces règles portent principalement sur la taille des lots échangeables et les limites de position à découvert des opérateurs. Au CME, l'opérateur du marché a plusieurs fois interrompu momentanément les transactions au cours des derniers mois. Dans l'Union européenne (UE), le fonctionnement de ces marchés est régi par la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil concernant les marchés d'instruments financiers et par le règlement délégué (UE) 2017/591 de la Commission définissant des normes techniques de réglementation relatives à l'application de limites aux positions en instruments dérivés sur matières premières. Ces textes ont été transposés en droit français dans le code monétaire et financier (CMF) et plus précisément, en ce qui concerne les limites de position sur les instruments dérivés sur les marchés des matières premières, dans ses articles L. 420-11 et suivants du CMF. Les opérateurs comme Euronext appliquent cette règlementation et sont dans ce cadre soumis au contrôle de l'autorité des marchés financiers. La responsabilité de ces acteurs est bien d'empêcher l'installation d'une bulle spéculative sur les prix des céréales qui menacerait la sécurité alimentaire des pays dépendants d'importations de céréales. Le Gouvernement français, avec l'UE et d'autres États membres de l'UE, sont pleinement mobilisés, depuis le début du conflit en Ukraine, comme l'atteste le lancement de l'initiative Food and Agriculture Resilience Mission (FARM) pour la sécurité alimentaire des pays les plus vulnérables, annoncée par le Président de la République le 24 mars 2022, en lien avec les partenaires de l'UE, du G7 et de l'Union africaine. L'initiative FARM comporte notamment un volet commercial impliquant l'organisation mondiale du commerce et la FAO, qui vise à apaiser les tensions sur le marché agricoles par un plan de libération des stocks, un engagement multilatéral à ne pas imposer de restrictions à l'exportation de matières premières agricoles, et un suivi transparent des prix et des marchés, s'appuyant sur le système d'information sur les marchés agricoles (AMIS) créé en 2011 sous présidence française du G20.
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