Question de M. KAROUTCHI Roger (Hauts-de-Seine - Les Républicains) publiée le 07/07/2022
M. Roger Karoutchi attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics sur l'explosion des fraudes aux prestations sociales ces dernières années.
Ce phénomène grave, abordé maintes fois par divers rapports parlementaires, tel le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale du 8 septembre 2020, constitue un problème important pour l'équilibre de nos finances publiques.
Dans le cadre d'un rapport, des sénatrices se sont penchées sur le sujet et ont pointé les failles des contrôles effectués par l'administration. Elles ont notamment mis en évidence des pratiques d'escroquerie sophistiquées et répandues, qui rendent les pratiques plus difficiles à détecter. Ces stratagèmes témoignent de la gravité des failles de notre système social, affaibli par des fraudes concernant l'état civil, la dissimulation d'activité, le revenu de solidarité active (RSA), ou encore le logement.
Le problème de la fraude aux prestations sociales est d'autant plus épineux qu'il s'agit d'un phénomène dont l'ampleur exacte est difficile à quantifier. La Cour des comptes elle-même n'a pas donné d'estimation chiffrée du phénomène, regrettant l'absence d'informations suffisamment fiables.
Il souhaite donc qu'il apporte des précisions sur l'ampleur du phénomène et mette en avant les mesures concrètes qu'il compte appliquer pour y mettre fin.
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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics publiée le 06/10/2022
Le Gouvernement est particulièrement attentif au sujet de la fraude aux prestations sociales. Plus largement, le paiement à bon droit des prestations, soit la lutte contre les indus frauduleux ou non, constitue un enjeu fort de respect du pacte social qui est le nôtre. L'évaluation du phénomène est réalisée annuellement par la branche famille de la Sécurité sociale. Les enquêtes annuelles de la Cnaf de paiement à bon droit et de fraude au titre des prestations légales font apparaître que la somme des indus (y compris frauduleux), et accessoirement des rappels, non détectés et atteints par la prescription, augmente : 7,1 % du montant total des prestations légales versées par les CAF en 2020, soit 5,3 Mds (dont 80 % d'indus et 20 % de rappels). Près d'un euro sur six euros de RSA versés et près d'un euro sur cinq de prime d'activité versés le sont à tort à titre définitif. Au sein de ces montants, la fraude (y compris celle qui n'est pas détectée) représentait 2,3 Mds soit 3,2 % des prestations versées par la branche en 2018 et 2,8 Mds en 2020, notamment du fait de la hausse de la prime d'activité dans les prestations versées par la branche. Les autres branches du régime général de la Sécurité sociale développent des méthodologies d'évaluation afin d'identifier plus clairement le phénomène, d'améliorer le pilotage de l'activité de lutte contre la fraude et de se concentrer sur les enjeux les plus importants. Toutes les branches mettent en uvre des plans de contrôles des prestations servies. Les caisses primaires d'Assurance maladie réalisent par exemple deux programmes ciblés sur la protection universelle maladie et la complémentaire santé solidaire. Les effectifs de contrôle dédiés à la lutte contre la fraude sont de 700 contrôleurs agréés et assermentés en 2021 au sein de la branche famille, ce qui représente 74 contrôleurs de plus par rapport à 2013. Au total, près de 3 400 équivalent temps plein (ETP) étaient dédiés à ce travail au sein des caisses d'allocations familiales, des caisses primaires d'assurance maladie et du service médical de l'assurance maladie. Ainsi, la détection des fraudes s'est améliorée en parallèle de la dynamique du phénomène et sous l'impulsion des efforts demandés aux caisses dans le cadre des conventions d'objectifs et de gestion (COG). Entre 2013 et 2021, le nombre de cas de fraude détectés par la branche famille a plus que doublé, passant d'environ 21 000 cas à près de 43 200 cas. En termes d'outils, le datamining (outil permettant de recouper les données de différents organismes [Pôle emploi, Assurance maladie, données bancaires, etc.] afin de comparer les informations renseignées par l'allocataire pour en apprécier la conformité et transmettre une alerte en cas d'incohérence) dont l'utilisation a été généralisée en 2011 par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL, délibération n° 2011-219 du 21 juillet 2011), a permis des avancées en matière de lutte contre la fraude, avec notamment un meilleur ciblage des situations suspectes à contrôler. Depuis sa mise en place, cette méthode a permis de déceler 7 cas de fraude sur 10 dossiers contrôlés, contre 3 cas de fraude auparavant sur le même échantillon. Entièrement mobilisé, le Gouvernement poursuit le déploiement et la généralisation d'outils visant à tarir la fraude à la source, en sécurisant le calcul et le versement des prestations. Ainsi, la déclaration sociale nominative (DSN) et le dispositif de ressources mensuelles (DRM, déjà utilisés pour le versement des aides au logement), sont de puissants moyens de limiter les déclarations erronées, notamment sur le champ des ressources des allocataires. L'automatisation des contrôles est aussi un vecteur d'efficience de la lutte contre la fraude que l'ensemble des organismes sociaux continuent d'élargir et de consolider. La fraude évolue cependant dans sa sophistication et il convient de doter les organismes sociaux d'outils d'investigation et de sanction adaptés. Ainsi, la lutte contre les fraudes à enjeux est une des priorités du plan ministériel d'actions de lutte contre la fraude sociale 2021-2023. Parallèlement, en juillet de l'année 2020, une mission interministérielle de coordination anti-fraude (MICAF) a été créée. Des groupes opérationnels nationaux anti-fraude (GONAF) sont mis en place et réunissent l'ensemble des partenaires concernés par les fraudes à forts enjeux. À cette fin, la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) s'est dotée en 2021 d'un service national de lutte contre les fraudes à enjeux, au sein duquel 30 contrôleurs expérimentés et coordonnés nationalement sont chargés de détecter et sanctionner les fraudes les plus complexes et en bande organisée. En complément, et dans une perspective de renforcement des moyens de lutte contre la fraude à l'identité et la fraude documentaire, les organismes de protection sociale, dont la CNAF, ont signé en décembre 2021, sous l'égide de la MICAF et de la direction de la sécurité sociale, un protocole d'accord avec les services du ministère de l'intérieur pour accéder aux bases de données utiles notamment en matière d'état civil et de titres de séjour. Les services de la CNAF pourront bénéficier des outils nécessaire à la détection de ce type de fraude. L'amélioration de la lutte contre la fraude passe également par le partage d'informations entre administrations. Au premier rang de ces administrations, la direction générale des Finances publiques (DGFiP) ouvre progressivement ses bases de données lorsque celles-ci sont nécessaires à la sécurité sociale. Tout récemment, la DGFiP a mis à disposition une API pour l'accès à FICOBA (qui recense les titulaires de comptes bancaires français). Si des progrès ont déjà été réalisés et soulignés, notamment par la Cour des comptes, il s'agit d'élargir les droits de consultation des données entre organismes de Sécurité sociale et la communication d'informations auprès des tiers, dans le respect du cadre légal de protection des données. Le Gouvernement travaille actuellement à renforcer l'arsenal législatif en la matière. Il s'agit notamment de doter les organismes de protection sociale de prérogatives de police judiciaire pour mener des cyber-enquêtes ou de favoriser la coopération entre organismes sociaux et professionnels de justice. Le Gouvernement est donc pleinement mobilisé sur l'enjeu du paiement à bon droit des prestations sociales et également des cotisations afin que la pratique des fraudes qui fracturent notre modèle économique et social puisse être endiguée.
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