Question de Mme ROSSIGNOL Laurence (Oise - SER) publiée le 14/07/2022

Question posée en séance publique le 13/07/2022

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. Il y a six mois, le président Macron, devant le Parlement européen, a émis le souhait d'inscrire le droit à l'avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Nous avons été nombreux et nombreuses à applaudir à ce moment-là. Depuis lors, il y a eu l'effroyable décision de la Cour suprême des États-Unis, qui a été pour nous un choc brutal. Aucune démocratie n'est désormais à l'abri : le lobby international anti-IVG, anti-choix, est puissant, il dispose de moyens financiers importants, de relais idéologiques, politiques et religieux. Personne ne peut dire ce qui se passera en France demain ou après-demain. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Plusieurs propositions de loi ont été déposées. Je salue à cet instant mes collègues du groupe communiste, du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, ainsi que tous les groupes de l'Assemblée nationale qui travaillent sur le sujet. Cependant, la Constitution de 1958 est ainsi faite que le droit d'initiative du Parlement n'est pas le plus aisé à mettre en œuvre en matière de révision de la Constitution. La procédure la plus efficace est celle du projet de loi.

Aussi, madame la Première ministre, ma question est aussi simple que solennelle : pensez-vous inscrire à l'ordre du jour un projet de loi constitutionnelle pour définitivement garantir dans la Constitution le droit à l'avortement et à la contraception ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)


Réponse du Ministère de la justice publiée le 14/07/2022

Réponse apportée en séance publique le 13/07/2022

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Rossignol, l'Histoire fourmille d'exemples de libertés fondamentales que l'on croyait acquises et qui ont été balayées comme des fétus de paille. Le cas américain nous rappelle que, même dans les grandes démocraties, ce que l'on croyait acquis depuis cinquante ans ne l'est pas en réalité.

Le droit à l'IVG est un droit fondamental, bien sûr, et personne – je dis bien : personne – ne peut envisager de retirer aux femmes le droit de disposer de leur corps. C'est la raison pour laquelle, vous l'avez rappelé, le Président de la République, dès janvier, avant même la décision américaine, a indiqué qu'il envisageait de le faire inscrire dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. C'est la raison pour laquelle Mme la Première ministre, elle aussi, a déclaré que le Gouvernement soutiendrait toutes les initiatives parlementaires engagées sur cette question. Je pense évidemment à la proposition de loi constitutionnelle de la députée Aurore Bergé, mais, en la matière, madame la sénatrice, toutes les volontés sont bonnes à prendre, et nous savons tous ici votre engagement à cet égard.

Certains diront que l'exemple américain n'est pas transposable en France. En réalité, rien n'est jamais acquis : la liberté, la démocratie, les droits fondamentaux sont toujours fragiles et méritent notre vigilance constante. C'est vrai, nos institutions fonctionnent différemment. Le droit à l'IVG est ici mieux protégé, et je sais que ma collègue Isabelle Rome se bat au quotidien pour donner à toutes les femmes un égal accès à celle-ci, mais, de grâce, ne prenons pas de risque ! C'est pourquoi, en tant que garde des sceaux, je soutiendrai avec force ces initiatives pour les voir aboutir. Le Parlement est dans son rôle ; le Gouvernement sera dans le sien pour qu'enfin le droit à l'IVG devienne un droit inaliénable. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Donc la réponse est non !

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le garde des sceaux, je me réjouis du fond de votre réponse. N'en prenez pas ombrage, mais je vais m'adresser à Mme la Première ministre. Rien de personnel, soyez-en certain !

Madame la Première ministre, j'ai cru comprendre que vous cherchiez des majorités de projet. Je vous en propose une à cet instant ! Une belle majorité sur un projet de loi constitutionnelle ! J'insiste sur ce point, parce que la procédure d'initiative parlementaire n'aboutira pas : personne ne veut un référendum sur l'accès à l'IVG. C'est la seule solution pour que vos engagements se concrétisent, pour que votre mandat à Matignon soit non pas simplement le mandat d'une deuxième femme Première ministre, mais le mandat d'une deuxième femme Première ministre qui a fait avancer les droits des femmes. Je vous le redemande : faites un projet de loi constitutionnelle ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Mmes Patricia Schillinger, Guylène Pantel et Annick Billon applaudissent également.)

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