Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - Les Républicains) publiée le 07/07/2022
M. Antoine Lefèvre attire l'attention de M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées sur la situation des résidents des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), suite à la révélation de graves dysfonctionnements au sein d'un groupe privé d'hébergement des personnes âgées.
Si le Gouvernement a d'ores et déjà diligenté l'ouverture de deux enquêtes, l'une par l'inspection générale des affaires sociales (IGAS), l'autre par l'inspection générale des finances (IGF), celles-ci seront toutefois circonscrites au seul groupe incriminé, alors que l'ampleur et la gravité des faits dévoilés rendraient pertinente l'ouverture d'une plus vaste enquête sur l'ensemble des groupes privés actifs dans le secteur de la prise en charge de la dépendance.
Chargés d'une mission médico-sociale d'intérêt général, les EHPAD privés sont en effet financés à hauteur de 70 % par les lois annuelles de financement de sécurité sociale. Ce niveau d'investissement justifierait pleinement à la fois un approfondissement des contrôles menés sur leur gestion interne ainsi qu'une répartition claire des autorités responsables de cette mission. Une délégation intégrale de cette responsabilité aux conseils départementaux plutôt qu'aux agences régionales de santé viendrait renforcer la compétence des départements dans le domaine de l'action sociale et de la prise en charge de la vieillesse, moins de trois ans après le rapport de la concertation grand âge et autonomie de 2019, qui avait notamment donné lieu à une réflexion conjointe avec la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) sur la territorialisation de la gouvernance du grand âge.
Il le prie aussi de bien vouloir lui indiquer la faisabilité et la pertinence d'une montée en compétence des conseils départementaux sur le volet de la prise en charge de la dépendance.
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Transmise au Ministère des solidarités et des familles
Réponse du Ministère des solidarités et des familles publiée le 26/10/2023
Le Gouvernement a annoncé, le 8 mars 2022, des mesures relatives à la politique du grand âge, fondées sur le bien vieillir, tant à domicile qu'en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Dans ce cadre, le Gouvernement a annoncé le lancement d'un plan national d'inspection et de contrôle des 7 500 EHPAD de France en deux ans, à mener par les Agences régionales de santé (ARS). Cette nouvelle Orientation Nationale d'Inspection Contrôle (ONIC) tire les conséquences des carences récemment constatées dans certains EHPAD. Afin de mettre en oeuvre cette ONIC, les ARS ont vu augmenter leur plafond d'emploi à hauteur de 120 ETP supplémentaires, dans la limite de 60 équivalents temps plein travaillé (ETPT) en 2022 et 120 ETPT en 2023. La répartition de ces 120 ETP a été effectuée en fonction du nombre d'EHPAD sur le territoire. Ces nouvelles recrues ont été affectées au siège de l'ARS comme dans les services régionaux chargés des inspections contrôles. La programmation du plan de contrôle est établie par chaque ARS à partir d'une démarche d'analyse par les risques permettant d'adapter les modalités du contrôle (sur pièces ou sur place) et le périmètre des investigations. Cette démarche permet de repérer les établissements à risques et d'opérer un classement en fonction de leur degré de criticité. Un bilan du plan de contrôle établi au mois de juin 2023 indique que 2 477 EHPAD différents ont été inspectés sur place ou contrôlés sur pièces entre le 1er janvier 2022 et le 27 juin 2023, soit un taux de réalisation de l'objectif de 33 %. 593 de ces inspections/contrôles (soit 22,8 %) ont été réalisées conjointement avec le Conseil départemental compétent. Conformément à l'article L. 313-13 du code de l'action sociale et des familles (CASF), le contrôle des établissements et services médico-sociaux (ESMS) appartient à l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation. L'objet de ce contrôle est de s'assurer du respect de l'ensemble de la réglementation applicable à ces établissements, tant pour leurs missions, leur organisation, leurs conditions de fonctionnement, que sur l'utilisation des fonds publics. L'exercice de cette mission par les ARS est d'autant plus pertinent que la part de financement des EHPAD provenant de la branche autonomie de la sécurité sociale est majoritaire et que les ARS ont recruté et formé des équipes dédiées à cette mission. L'ensemble des contrôles a conduit au prononcé de 5 947 mesures correctives d'injonction ou de prescription (une inspection pouvant donner lieu à plusieurs injonctions ou prescriptions). Ces mesures correctives font l'objet d'un suivi par les ARS et peuvent, dans le cas des injonctions, aboutir à l'édiction de sanctions administratives en cas de non mise en oeuvre dans les délais fixés. Ainsi, on comptabilise 37 sanctions administratives prononcées (décisions de suspension d'activité, de mise sous administration provisoire ou de cessation définitive d'activité) au 27 juin 2023. Outre ce plan de contrôle, le Gouvernement a complété le corpus législatif et réglementaire applicable aux ESMS et notamment aux EHPAD. Ainsi, le décret n° 2022-734 du 28 avril 2022 a précisé diverses mesures d'amélioration de la transparence financière dans la gestion des ESMS mentionnés au I de l'article L. 312-1 du CASF. Il vient, notamment, renforcer l'encadrement réglementaire des activités financières pour garantir une meilleure information pour les publics concernés. Il contient, par exemple, un renforcement de la lisibilité des contrats de séjour et de l'information sur le détail des prix des EHPAD. En outre, la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 a défini, notamment dans son article 62, des mesures de renforcement de la transparence financière des ESMS et de leurs gestionnaires, ainsi que des pouvoirs de contrôle des Autorités de tarification et de contrôle (ATC) et d'extension de compétence de l'Inspection générale de l'action sociale (IGAS) et de la Cour des comptes sur le contrôle des groupes d'ESMS. La ministre a d'ailleurs diligenté une mission d'inspection sur un premier groupe d'ESMS au titre de cette nouvelle compétence. En application de cette loi, le décret n° 2023-761 du 9 août 2023 relatif aux modalités de mise en oeuvre des astreintes journalières et des sanctions prévues à l'article L. 313-14 du CASF, prononcées par le préfet, le directeur général de l'ARS ou le président du conseil départemental, a été publié au Journal officiel de la République française du 11 août 2023. Le Gouvernement maintient par ailleurs une vigilance accrue sur les EHPAD gérés par des groupes privés lucratifs réalisant des prises de contrôle d'organismes privés titulaires d'autorisation d'exploitation d'EHPAD. Enfin, dans une conjoncture inflationniste qui contribue à renforcer la dégradation de la situation financière des EHPAD, en particulier pour les établissements publics, et la hausse des prix de l'énergie, qui a conduit à la mise en place d'un bouclier spécifique pour les établissements sociaux et médico-sociaux depuis le 22 décembre 2022, le Gouvernement a engagé une réflexion sur l'avenir du modèle économique des EHPAD, afin de partager les constats et d'évoquer des orientations stratégiques possibles concernant le financement des établissements. La réflexion porte sur les cinq thématiques suivantes : - fusion des sections tarifaires ; - généralisation du tarif « global » ; - EHPAD habilités à l'aide sociale ; - groupements territoriaux sociaux et médico-sociaux des EHPAD publics autonomes ; - transformation de l'offre d'EHPAD. Les groupes de travail, dont les conclusions seront restituées à l'automne 2023, permettront le regard croisé, tant au niveau national, que territorial sur les éléments stratégiques et de réforme nécessaire.
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