Question de M. JOLY Patrice (Nièvre - SER) publiée le 13/01/2022
Question posée en séance publique le 12/01/2022
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrice Joly. Monsieur le ministre, l'effondrement de la biodiversité et le réchauffement climatique deviennent des sources majeures d'instabilité, dans un contexte de montée des inégalités et d'effritement de la cohésion sociale.
Il devient, en conséquence, impératif d'accélérer les transitions. L'objectif a été clairement défini : il nous faut baisser d'ici à 2030 nos émissions de gaz à effet de serre de 55 % par rapport à 1990.
Cela ne se fera pas par magie. Il est demandé des efforts d'investissements massifs tant aux entreprises qu'aux ménages, en vue de décarboner le mode de vie de notre société et de réduire notre dépendance aux énergies fossiles, au moment où l'inflation pèse lourdement sur le pouvoir d'achat des ménages et asphyxie nombre de nos entreprises.
Monsieur le ministre, le remboursement des emprunts réalisés pour financer les plans de relance et les dizaines, ou plutôt les centaines, de milliards d'euros d'investissements indispensables pour relever les défis climatiques et numériques en mettant en œuvre des transitions socialement justes et soutenables requièrent des moyens importants, qui ne seront pas couverts par les nouvelles ressources propres de l'Union européenne. En effet, ces trois nouvelles ressources ne devraient produire en moyenne que 17 milliards d'euros par an d'ici à 2030 ; on est donc loin du compte
Cela doit conduire à revenir sur les règles budgétaires européennes. Je pense aux référentiels relatifs à l'endettement les fameux 3 % et 60 % du PIB issus du pacte de stabilité et de croissance , qui ont fait leur temps, montré leurs limites et sont incompatibles avec l'urgence à investir massivement.
Le Président de la République a semblé s'inscrire, un temps, dans cette perspective. Qu'en est-il aujourd'hui, monsieur le ministre, car, lors de la présentation des priorités de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, son propos à ce sujet a paru très évasif ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance - Comptes publics publiée le 13/01/2022
Réponse apportée en séance publique le 12/01/2022
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Joly, vous m'interrogez sur le cadre budgétaire européen : sur les règles qui régissent son fonctionnement mais également sur les nouvelles ressources dont l'Union a décidé de se doter.
Je répondrai en trois points.
En premier lieu, le simple fait que l'Union européenne ait décidé, il y a un peu plus d'un an, de se doter de nouvelles ressources propres, à la fois pour financer le remboursement des emprunts contractés solidairement et pour mettre en uvre le plan de relance européen, constitue un progrès majeur à souligner en matière d'intégration et de solidarité européennes. Sans la mise en uvre du plan de relance vous savez l'investissement du Président de la République à ce sujet , cette définition de nouvelles ressources propres n'aurait pas eu lieu et nous n'aurions même pas ce débat aujourd'hui.
La France prêtera un intérêt particulier à la définition de ces ressources propres pendant l'année 2022, priorité étant donnée au mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, au système d'échange de quotas.
En deuxième lieu, nous savons qu'il faut « croiser », si vous me permettez cette expression, le débat sur la fiscalité internationale et les minima de taxation avec l'accord intervenu au sein de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). À ce propos, je crois que vous serez d'accord avec moi pour dire que cet accord conclu au sein de l'OCDE sur une fiscalité minimale est la démonstration que les combats les plus longs peuvent être gagnés ; personne n'aurait imaginé, voilà quelques mois ou quelques années, que nous puissions collectivement aboutir à un tel accord sur la fiscalité minimale imposée aux multinationales.
En troisième lieu, au-delà des ressources propres, auxquelles, vous l'aurez compris, le Président de la République et le Gouvernement sont particulièrement attachés, il y a la volonté de réfléchir à un nouveau cadre budgétaire. La Commission européenne a communiqué, le 19 octobre dernier, et a posé quelques principes pour encadrer le débat qui va se dérouler tout au long du premier semestre de 2022.
Le premier principe est celui de la crédibilité ; il faut que les règles qui encadrent l'évolution des finances publiques en Europe garantissent la crédibilité de notre économie et de notre monnaie. Le second principe est la souplesse, pour pouvoir répondre aux crises. Troisième principe : l'intelligence, pour financer les transitions nécessaires, comme la transition écologique et la transition numérique. Cela s'inscrit dans la droite ligne des plans d'investissements mis en uvre à l'échelon tant national qu'européen.
Ce débat est ouvert, mais il ne faut pas le précipiter si nous voulons qu'il aboutisse. Aussi, pendant tout ce semestre, la France veillera, en tant que présidente du Conseil de l'Union européenne, à faire aboutir ce débat de la manière la plus consensuelle possible, en gardant toujours ces objectifs en tête :
M. le président. Il faut conclure !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. l'intelligence de la règle, pour pouvoir financer les investissements, mais également sa souplesse et sa crédibilité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour la réplique.
M. Patrice Joly. Monsieur le ministre, les transitions nécessitent un changement de braquet. Il devient donc urgent de sortir de la vision conservatrice des politiques budgétaires, qui a montré son inadéquation à la résolution des crises, qu'il s'agisse de la résolution de la crise de 1929 ou de celle de la crise, plus récente, de 2008-2012. C'est en s'écartant de ces règles que la reconstruction européenne a pu être menée à bon rythme après la Seconde Guerre mondiale. Or c'est la perspective d'un investissement d'une ampleur analogue qui se présente à nous. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
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