Question de M. CHARON Pierre (Paris - Les Républicains) publiée le 18/11/2021
M. Pierre Charon attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation des mineurs étrangers non accompagnés délinquants à Paris.
Depuis plusieurs années, la multiplication et l'aggravation des faits de délinquance commis par certains mineurs non accompagnés à Paris, et la réponse qui y est apportée par les pouvoirs publics, deviennent un sujet de préoccupation majeur. Dans leur rapport d'information sur « les problématiques de sécurité associées à la présence sur le territoire de mineurs non accompagnés », les députés ont mis en évidence que les statistiques collectées attestent d'un nombre plus important d'actes de délinquance violents à Paris.
En France, le nombre global de ces mineurs déférés a crû considérablement depuis 2015, et enregistre une hausse de 87 % entre 2015 et 2019.
À Paris, la proportion de mineurs isolés auteurs de vols par effraction et de vols avec violence a considérablement augmenté entre 2016 et 2020. Selon les rapporteurs, « dans sa contribution écrite, la préfecture de police s'inquiète de leur montée en puissance en matière de cambriolages, de 3 à 29 % du total des mis en cause entre 2016 et 2020, et en matière de vols violents, de 8 à 27 % ».
Or, les investigations réalisées en 2020 par le parquet de Paris permettent d'établir que les intéressés mentent régulièrement sur leur nationalité, pour tenter d'empêcher les identifications.
Or, mieux distinguer les mineurs étrangers non accompagnés des jeunes majeurs est indispensable pour alléger la charge des juridictions et des conseils départementaux, dont l'obligation légale est la mise à l'abri et la prise en charge des « vrais » mineurs par l'aide sociale à l'enfance (ASE).
Plusieurs personnes auditionnées par les députés ont souhaité une inversion de la charge de la preuve, qui consisterait, pour le mineur, à apporter la preuve qu'il est âgé de moins de dix-huit ans.
Si la coopération internationale existe déjà, tant avec les pays de provenance des jeunes qu'avec les pays européens frontaliers par lesquels ils arrivent sur le territoire national, selon les rapporteurs cette coopération demeure toujours insuffisante au regard de l'ampleur croissante de la problématique.
Les députés observent que tous les pays parmi les plus concernés par ce sujet ne font pas l'objet d'accords de coopération suffisants.
Il lui demande les mesures qu'il va prendre pour faciliter l'identification des mineurs et favoriser la coopération internationale avec les pays européens et les principaux pays de provenance des mineurs non accompagnés délinquants. Il s'agit de trouver une solution permettant le retour de ces mineurs délinquants dans leur pays d'origine.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 31/03/2022
Tous les professionnels de la justice sont confrontés quotidiennement à la complexité de la situation des mineurs non accompagnés (MNA), en particulier sur le territoire parisien. Le ministère de la justice s'est donné deux priorités d'action : celle de mieux les identifier afin d'établir leur minorité et celle d'une prise en charge adaptée et pluridisciplinaire. La délinquance des MNA est difficile à évaluer dès lors que ces jeunes ne disposent pas de titre d'identité. La direction de la protection judiciaire de la jeunesse a toutefois recensé près de 2 000 MNA pris en charge par ses services sur l'ensemble du territoire. Dans le cadre de la procédure pénale, l'âge est un critère essentiel pour déterminer les règles applicables en matière de garde à vue, de compétence de la juridiction, de peines et de mesures applicables, mais aussi pour s'assurer que les garanties juridiques attachées à l'état de minorité sont respectées. Il est donc nécessaire de procéder à des vérifications. Ce Gouvernement a porté récemment des évolutions législatives permettant de fiabiliser et d'harmoniser l'évaluation de la minorité des MNA. Ainsi, la loi du 7 février 2022 protection des enfants, adoptée par une large majorité parlementaire, généralise le recours au fichier Appui à l'évaluation de la minorité (AEM) par tous les départements et permettra d'éviter le nomadisme des jeunes entre les territoires en interdisant les réévaluations. L'identification dans le cadre de la procédure pénale est désormais facilitée grâce à la loi du 24 janvier 2022 permettant le recueil des empreintes sous contrainte ainsi que le maintien des prévenus à disposition de la justice le temps de saisir la juridiction compétente en raison de leur âge. Ces dispositions étaient attendues par les professionnels. Le code de la justice pénale des mineurs, entré en vigueur le 30 septembre 2021, permet un jugement rapide dans un délai de dix jours dans le cadre de la procédure dite d'audience unique. Il faut par ailleurs évoquer l'investissement de l'Etat au côté des acteurs locaux, départements et associations, afin de proposer des dispositifs de prise en charge diversifiés. Le ministère de la justice a ainsi soutenu la création de centres dédiés sécurisés pour les MNA pris dans les réseaux criminels et donc susceptibles d'être victimes de traite des êtres humains. La situation des MNA à Paris mobilise tous les acteurs institutionnels et associatifs concernés. Les services de la protection judiciaire de la jeunesse ont engagé des projets et actions pour répondre aux besoins spécifiques des mineurs délinquants. Ainsi, la direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse (DTPJJ) de Paris et l'unité fonctionnelle d'addictologie de l'hôpital Robert Debré ont signé une convention en janvier 2021 afin d'apporter une réponse aux problématiques de dépendance de ces adolescents. De plus, un service de milieu ouvert dédié à la prise en charge des MNA, relevant de la juridiction parisienne, a été créé à Paris dans le but d'améliorer leur prise en charge au pénal et de renforcer les articulations entre l'ensemble des intervenants. Des actions ont également été menées par la Mairie de Paris et des associations afin de favoriser la prise en charge et l'identification de ces MNA, notamment par la mise en place de maraudes qui leur sont destinées. La question des MNA fait partie intégrante de l'action internationale du ministère de la justice, qui est ainsi impliqué dans le programme européen European Union protection of unaccompanied minors aux côtés de la Suède, l'Italie et l'Espagne. Il porte plus précisément sur la question de la prise en charge des MNA et s'achèvera en décembre 2022. De même, la présidence française de l'Union européenne (UE) permet d'aborder les perspectives de coopération entre Etats membres confrontés aux mêmes problématiques. Par ailleurs, la coopération bilatérale avec les autorités marocaines a favorisé l'établissement d'un schéma de procédure permettant le retour volontaire au Maroc - et le cas échéant sous contrainte - des mineurs marocains. Il permet, à droit constant, la mobilisation des deux autorités centrales, française et marocaine, des ministères de la justice afin de procéder au placement transfrontières des mineurs qui relèveront de la décision judiciaire des juges des enfants. Il a fait l'objet d'une diffusion aux juridictions par circulaire du 8 février 2021. Le schéma de procédure rappelle les modalités d'organisation des retours et placements en famille ou en institution qui peuvent être envisagées par la juridiction des mineurs sur le fondement de la Convention de La Haye de 1996 si l'intérêt supérieur de l'enfant le justifie. En conclusion, le ministère de la justice reste déterminé à uvrer pour l'identification des mineurs, leur prise en charge adaptée et le renforcement de la coopération européenne et internationale dans ce contexte.
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