Question de M. DEMILLY Stéphane (Somme - UC) publiée le 25/11/2021

Question posée en séance publique le 24/11/2021

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Stéphane Demilly. Au nom du groupe Union Centriste, je souhaite tout d'abord un prompt rétablissement à M. le Premier ministre.

Monsieur le ministre, « incompréhensible », « déséquilibré », « néfaste » : tels sont les mots utilisés par l'ensemble des acteurs du secteur aérien pour qualifier l'accord de libre-échange signé le 18 octobre entre l'Union européenne et le Qatar.

Cet accord, entré en application avant même sa ratification par les vingt-sept États membres, prévoit une ouverture du ciel européen quasiment illimitée pour Qatar Airways, qui pourra ainsi desservir n'importe quelle ville, sans aucune restriction en termes de capacités ou de fréquences de vols.

Certes, des droits ont été octroyés aux transporteurs européens en contrepartie, mais ils sont complètement déséquilibrés au regard du faible volume que représente la desserte de Doha. Pour le dire autrement, l'accord donne un accès illimité à un marché de 450 millions d'habitants à Qatar Airways, en contrepartie d'un accès au marché qatari de 3 millions d'habitants.

Cerise sur le gâteau, l'accord prévoit également un accès au marché du fret pour cette compagnie moyen-orientale, qui pourra désormais effectuer des vols cargo directement entre l'Union européenne et des pays tiers.

Ce n'est pas anodin, car, vous le savez, le fret aérien a doublé depuis le début de la pandémie : il représente désormais 30 % des recettes des compagnies, contre 15 % auparavant.

L'Union européenne « espère » – vous mesurez la force du terme utilisé – obtenir de Qatar Airways le respect des règles de la concurrence, du droit social et de la transparence des comptes pour éviter notamment un dumping déguisé et le versement d'aides massives de la part de l'émirat.

Rien n'étant juridiquement clair dans cet accord, il constitue un nouveau caillou dans la chaussure du secteur aérien.

Après la crise sanitaire qui a mis à genoux à la fois l'industrie et les compagnies aériennes, dans un contexte où certains activistes de « l'avion-bashing » continuent d'irriguer les esprits, le secteur aérien n'avait vraiment pas besoin de cette nouvelle turbulence !

Monsieur le ministre, les professionnels du monde aéronautique sont très inquiets et vous invitent à ne pas ratifier cet accord, lequel est effectivement incompréhensible, déséquilibré et néfaste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères - Commerce extérieur et attractivité publiée le 25/11/2021

Réponse apportée en séance publique le 24/11/2021

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité.

M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l'attractivité. Monsieur le sénateur Stéphane Demilly, la France a fait partie des pays européens qui ont contribué à réviser la politique commerciale européenne pour la rendre moins naïve, plus affirmée, plus à même de protéger les entreprises et de prendre en compte les questions de développement durable. Pendant les semaines, les mois et les années à venir, nous allons assister à la mise en place d'instruments beaucoup plus forts pour protéger nos entreprises de la concurrence déloyale.

L'accord signé le 18 octobre 2021 entre l'Union européenne et le Qatar est un accord global sur les services de transport aérien visant à moderniser les règles et les normes qui régissent les vols entre le Qatar et l'Union européenne. Il a été longuement négocié entre 2016 et 2019. Il comprend de nombreuses garanties. Les demandes des parties française, européenne et qatarie y sont prises en compte.

Cet accord comprend notamment des dispositions en matière de transparence financière, environnementale, mais aussi sociale, toutes très novatrices, ainsi que des clauses permettant de garantir une concurrence loyale dans ces domaines. Au-delà des clauses spécifiques, nous vérifierons que cet accord est bien respecté par les différentes parties prenantes.

Dans le droit fil de ce que nous mettons en place d'une manière générale en matière de politique commerciale – ce que nous appelons enforcement, pour « bonne application des accords commerciaux » –, nous serons mobilisés pour faire en sorte que les engagements pris soient bien tenus et que les différentes garanties prévues dans l'accord soient respectées par les parties prenantes. (M. Emmanuel Capus applaudit.)

- page 11233

Page mise à jour le