Question de M. KANNER Patrick (Nord - SER) publiée le 18/11/2021
Question posée en séance publique le 17/11/2021
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, « déserts médicaux » : cette expression est devenue le symbole d'un sentiment profond de relégation en secteur rural, mais aussi en ville.
La question s'était imposée dans le grand débat alors que cette urgence n'avait pas été jugée prioritaire par le Président de la République. (M. le ministre des solidarités et de la santé et Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales manifestent leur désapprobation.)
Renforcée par la crise sanitaire, l'inégalité d'accès aux soins fait aujourd'hui partie des premières préoccupations de nos concitoyens. Cette inégalité n'est pas du seul fait de votre gouvernement, monsieur Castex. C'est certain. (Ah ! au banc du Gouvernement.) Mais il faut que chacun se mobilise pour la résorber.
Je salue les nombreux élus locaux présents dans ces tribunes à l'occasion du Congrès des maires. Ils sont, chaque jour, sur le terrain et luttent contre une telle désertification.
Grâce au Sénat, voilà deux ans et demi, a été voté un dispositif qui affecte les internes en fin de cursus, pour six mois, en zone sous-dense. Certes, ce n'est pas une solution exhaustive face à cette injustice territoriale ; mais c'est une avancée utile.
Ce dispositif, adopté contre votre avis, monsieur le Premier ministre, mais promulgué par le Président de la République le 24 juillet 2019, attend toujours son décret d'application. La procrastination du Gouvernement sur ce sujet est coupable : coupable, car vous n'appliquez pas la loi qui a été votée ; coupable, car vous abandonnez, de fait, des millions de Français et leurs représentants à leur sort.
En mai dernier, M. Taquet n'avait rien répondu à la même question posée ici même par Bernard Jomier. Vendredi dernier, sur l'interpellation du président Retailleau dans cet hémicycle, M. Taquet renvoyait l'éventuelle publication de ce décret au mois de mars. Toutefois, rien n'est moins sûr.
Aujourd'hui, monsieur le Premier ministre, nous vous demandons une réponse claire, un calendrier précis.
À quelle date allez-vous appliquer la loi de la République tant attendue par les Français, même si elle ne vous convient pas ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE, RDSE, UC et Les Républicains. Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Réponse du Premier ministre publiée le 18/11/2021
Réponse apportée en séance publique le 17/11/2021
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, monsieur le président Kanner, j'ai déjà eu l'occasion à de multiples reprises de m'exprimer, y compris devant le Sénat, sur le problème de la désertification médicale,
Plusieurs sénateurs du groupe SER. Le décret !
M. Jean Castex, Premier ministre. que je connais fort bien pour l'avoir vécu dans le territoire qui est le mien.
Plusieurs sénateurs du groupe SER. Le décret, le décret, le décret !
M. Jean Castex, Premier ministre. Oui, le décret ! Attendez ! Le décret, le décret, le décret ! De nombreuses personnes qui nous écoutent savent bien que, s'il suffisait d'un décret pour former et trouver des médecins, cela se saurait ! (Vives protestations à droite et à gauche. M. Jean-Raymond Hugonet fait mine de jouer du violon.)
D'où vient le problème ? (Les protestations se poursuivent à droite et à gauche.) Je m'adresse à la population française ! D'où vient le problème ? Tout le monde le sait ! Il vient d'un numerus clausus extrêmement malthusien depuis des décennies ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
Cela vous dérange peut-être, mais c'est la vérité absolue : absolue ! (Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Voyez-vous, monsieur Kanner, vous étiez aux affaires jusqu'en 2017 (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. Protestations redoublées à droite et à gauche.)
Je dérange peut-être, monsieur le président ? Je ne sais pas !
En 2017, lorsque vous étiez aux affaires, le numerus clausus je le dis pour ceux qui nous écoutent , (Protestations continues.)
M. le président. S'il vous plaît, laissez répondre M. le Premier ministre !
M. Jean Castex, Premier ministre. était encore inférieur à ce qu'il était à sa création, en 1972 !
Maintenant, on fait semblant de s'étonner qu'il manque de médecins dans ce pays ! Et l'on voudrait nous faire croire que la publication d'un décret va y remédier ! Bien sûr que non, monsieur le sénateur, bien sûr que non ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. M. Jean-Paul Prince applaudit également. Huées à droite et à gauche.)
À qui ferez-vous croire cela ? Je sais bien que nous sommes en période électorale, mais vous ne nous ferez pas prendre des vessies pour des lanternes ! (La voix du Premier ministre se perd dans le brouhaha.)
Cette majorité a eu le courage d'abroger le numerus clausus, mais tout le monde comprend qu'il faudra plusieurs années avant que cette mesure fasse effet, car l'on ne forme pas un médecin en deux ans !
À côté de cela, nous mettons tout en uvre, sur le terrain, avec les maires, et faisons tous les efforts possibles pour lutter contre ce problème. (Protestations à gauche.)
S'agissant de la disposition dont vous parliez, une réponse vous a déjà été apportée par le ministre des solidarités et de la santé (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.), y compris sur ses difficultés d'application. Vous dites que je m'y suis opposé, mais elle n'a pas été votée à l'époque où j'étais Premier ministre ! Je ne me suis opposé à rien, monsieur Kanner, et vous le savez bien ! Vous le savez parfaitement !
En tenant compte de toutes les difficultés techniques de mise en uvre qui avaient été rappelées au moment de son vote, nous nous employons à ce que cette disposition puisse se déployer le mieux possible d'ici au printemps prochain. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains. Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, ainsi que sur les travées des groupes INDEP et RDSE. M. Jean-Paul Prince applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, au printemps prochain cela fera presque trois ans depuis la promulgation de la loi. Nous serons patients.
Nous voulons un parlementarisme rationalisé, et non dévitalisé. Nous ne voulons pas que le Gouvernement s'érige en veto de l'action du Parlement. C'était aussi cela, le sens de ma question, monsieur le Premier ministre ! (Applaudissements nourris sur les travées des groupes SER, CRCE et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes GEST, RDSE et UC. Mme Esther Benbassa applaudit également.)
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