Question de M. MARCHAND Frédéric (Nord - RDPI) publiée le 18/11/2021
Question posée en séance publique le 17/11/2021
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Frédéric Marchand. Monsieur le Premier ministre, un maire bâtisseur, c'est, pour nos concitoyens, un maire bétonneur. Voilà la sentence qu'entendent aujourd'hui nombre de maires qui ont choisi, notamment en zone tendue, de se saisir à bras-le-corps de l'épineuse question du logement.
Pour échanger régulièrement avec eux, nous connaissons, sur toutes les travées de cette assemblée, la difficulté grandissante des élus à porter devant leur population un programme de « maire bâtisseur » et ce quelle que soit leur appartenance politique.
Les élections municipales de 2020 ont d'ailleurs montré tout le potentiel de candidatures appelant à un arrêt des constructions.
Alors que s'est ouvert, hier, le Congrès des maires occasion pour moi de saluer les nombreux élus présents dans notre beau Sénat , la question du logement apparaît comme centrale sur notre territoire national. Il est plus que jamais nécessaire de porter un discours politique offensif, seule façon de réhabiliter l'acte de construire dans les zones où l'offre de logement est inférieure à la demande.
Cette question est au cœur des préconisations de la commission pour la relance durable de la construction de logements, présidée par François Rebsamen et qui a remis récemment le tome II de ses conclusions. La commission, dans ses premières conclusions, recommandait aux élus d'affirmer qu'une densité heureuse était possible, à condition de veiller à la qualité des logements et des espaces urbains.
Ce discours politique doit bien évidemment s'accompagner de mesures financières concrètes de soutien aux communes et intercommunalités. Des mesures ont déjà été prises dans le cadre du plan de relance. Ainsi, 1 288 communes ont reçu 142 millions d'euros, pour plus de 67 000 logements construits : 142 millions d'euros, sur les 350 millions d'euros prévus, soit des crédits loin d'être utilisés.
Monsieur le Premier ministre, lors du congrès de l'Union sociale pour l'habitat (USH), à la fin du mois de septembre, vous avez indiqué faire évoluer l'aide à la pierre en créant un dispositif de contractualisation recentré sur les territoires tendus où l'offre de logement fait défaut, tout en optimisant le foncier disponible au regard de sa rareté et de son coût.
Les intercommunalités et communes des zones tendues sont les premières intéressées et doivent s'engager fortement sur des objectifs de production de logements neufs.
Monsieur le Premier ministre, au moment où les élus de notre pays ont rendez-vous à Paris, pouvez-vous confirmer à la représentation nationale les termes de cette contractualisation ainsi que ses modalités sur un sujet, le logement, qui doit mobiliser toutes les énergies ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Réponse du Premier ministre publiée le 18/11/2021
Réponse apportée en séance publique le 17/11/2021
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Marchand, merci de me donner l'occasion devant le Sénat de partager avec vous toutes et vous tous le diagnostic suivant : la situation du logement dans notre pays est préoccupante.
Nous pourrions passer du temps à identifier les causes de cette situation. Les maires sont des bâtisseurs c'est l'objet de votre question. Tous ne le sont cependant pas. J'ai pu constater avec vous que certaines équipes municipales issues des élections de 2020 avaient inscrit dans leur profession de foi la décision de moins construire de logements notamment dans de grandes agglomérations.
Je le dis : cela est sans doute regrettable.
Néanmoins, il ne s'agit pas de la seule raison à cette situation ; nous pouvons en convenir.
J'ai souhaité, en lien avec la ministre déléguée chargée du logement, Mme Emmanuelle Wargon, prendre un certain nombre de dispositions pour essayer de faire face à cette situation, qui intéresse la vie quotidienne de nos concitoyens.
Vous l'avez rappelé, j'ai d'abord demandé à une commission non seulement experte, mais surtout composée d'élus et de professionnels de terrain, de tous bords, et présidée vous l'avez souligné par M. François Rebsamen, de faire des propositions.
Elle l'a fait, à ma demande, dans des temps record. Pourquoi ? Pour pouvoir annoncer immédiatement les décisions que le Gouvernement entendait prendre à la suite de ces préconisations.
J'ai effectué ces annonces, comme vous l'avez rappelé également, au congrès de l'USH qui s'est tenu à Bordeaux, où, je tiens à vous le faire observer, elles ont reçu un accueil positif de la part de l'ensemble des professionnels.
L'enjeu était également de pouvoir introduire dans les textes législatifs, notamment dans le projet de loi de finances pour 2022 en cours d'examen devant le Parlement, les décisions correspondantes.
Je me permets de vous les rappeler rapidement, puisque vous en avez cité quelques-unes.
Il s'agit tout d'abord de la contractualisation dans les zones tendues. Vous le savez, dans ce domaine comme dans d'autres, je crois au contrat, avec le représentant local de l'État, le préfet, et le président de la métropole, de l'agglomération ou de la ville concernée.
Comme il est toujours difficile de négocier « sans billes », nous avons redéployé 175 millions d'euros au sein du plan de relance, pour faciliter l'exercice de construction pour les maires, en les faisant aider par l'État de façon ciblée. Cette disposition concerne les territoires les plus sensibles.
Il s'agissait d'une vieille revendication, notamment, je tiens à le dire ici, du Sénat !
Il est prévu dans le projet de loi de finances la compensation intégrale par l'État de la taxe foncière sur les propriétés bâties pendant dix ans pour les logements sociaux agréés en 2021 et jusqu'à la fin de l'actuel mandat.
Mme Sophie Primas. Pourquoi dix ans ?
M. Jean Castex, Premier ministre. Autre mesure sollicitée pour ce que l'on appelle le logement intermédiaire dont nous voulons faciliter la construction , l'exonération de taxes sur le foncier bâti sera remplacée, si vous le décidez, par un crédit d'impôt d'un montant équivalent pour lever le principal frein au développement de cette offre complémentaire.
En effet, cette exonération n'était pas incitative nous pouvons parfaitement le comprendre à la réalisation de programmes de logements.
Nous allons ensuite mettre en place des dispositifs que je ne détaillerai pas devant vous sur le foncier possédé par l'État, en Île-de-France, mais aussi ailleurs. (M. Roger Karoutchi s'exclame.) Un appel à manifestation d'intérêt sera lancé d'ici à la fin de l'année pour les activer et, ainsi, relancer le logement.
Enfin, je souhaite dire un dernier mot, très important au moment même où se tient le Congrès des maires, pour rectifier ce que j'entends dire parfois sur l'artificialisation. Je ne devrais pas avoir à le faire ici, puisque les dispositions correspondantes découlent de la loi Climat et résilience votée, et je m'en réjouis, à l'issue d'une commission mixte paritaire conclusive.
Or ces dispositions, je le rappelle, n'ont pas pour but de mettre fin à l'artificialisation !
Vous connaissez tous le constat sur lequel elles reposent. L'artificialisation progresse quatre fois plus vite que la population quatre fois plus vite !
Ces dispositions, que vous avez votées, visent à diminuer par deux le rythme de progression de ce phénomène dans les dix ans à venir. Il ne s'agit donc pas de parvenir à « zéro artificialisation ». De plus, l'enjeu est de répartir cet effort en fonction des réalités des territoires, via les Sraddet (schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires).
Oui, monsieur le sénateur, ce sujet est majeur. Vous avez l'occasion, dans le cadre des discussions relatives au projet de loi de finances pour 2022, d'apporter une contribution majeure à la résolution de plusieurs difficultés rencontrées par les maires bâtisseurs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et RDSE. M. Alain Cazabonne applaudit également.)
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