Question de Mme BENBASSA Esther (Paris - NI) publiée le 11/11/2021
Question posée en séance publique le 10/11/2021
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour la réunion administrative des sénateurs n'appartenant à aucun groupe. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 4 novembre dernier, un migrant était retrouvé mort sur une plage de Wissant, dans le Pas-de-Calais. Le même jour, deux autres migrants retrouvés en hypothermie étaient transportés à l'hôpital et un TER percutait accidentellement quatre migrants circulant sur les voies, causant un mort et un blessé en urgence absolue.
La liste de ces tragédies est, hélas, longue.
Ils sont arrivés au péril de leur vie en France ; ils y trouvent la mort plutôt que l'accueil. Ils veulent gagner la Grande-Bretagne pour s'y construire un avenir plus décent ; on les en empêche et, en attendant, ils errent dans les rues de Calais.
Le prêtre Philippe Demeestère a fait vingt-cinq jours de grève de la faim ; deux autres personnes Ludovic Holbein et Anaïs Vogel l'ont accompagné dans cette action et poursuivent leur grève, afin de dénoncer la situation des quelque 1 500 migrants présents à Calais. Hier, je me suis rendue dans cette ville avec mon cabinet, pour les voir et les entendre, ainsi que les associations.
Depuis le 27 octobre dernier, un médiateur, choisi par le Gouvernement, Didier Leschi, directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), tente de trouver un compromis, mais rien de nouveau, rien de concret n'est sorti de ces négociations. Migrants et associations, eux, attendent un moratoire sur les évacuations pour l'hiver.
Que comptez-vous faire, monsieur le ministre de l'intérieur ? Les mots « détresse » et « urgence » font-ils partie de votre vocabulaire ? La République a-t-elle, oui ou non, un devoir de fraternité à l'égard de gens, qui, avant d'être des clandestins, sont nos semblables, des humains ? (Mmes Monique de Marco, Raymonde Poncet Monge et Émilienne Poumirol applaudissent.)
Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 11/11/2021
Réponse apportée en séance publique le 10/11/2021
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, depuis longtemps, la République exerce son devoir de fraternité.
Ainsi, depuis le 1er janvier dernier, ce sont 12 000 personnes que la République a relogées avec de l'argent public, alors qu'une très grande partie d'entre elles sont, vous le savez, en séjour irrégulier sur le territoire national. Tous les jours, l'État distribue 2 200 repas à Calais, ce qui représente 4 millions d'euros d'argent public. Tous les jours, nous intervenons pour sauver des migrants qui essaient de traverser la Manche.
Mais il y a un mot que vous n'avez pas prononcé une seule fois dans votre intervention, ce qui montre, à mon avis, un léger biais dans votre pensée, c'est « passeurs ».
Madame la sénatrice, il s'agit pourtant de criminels, qui exploitent des femmes, des enfants et des hommes, à qui ils font payer beaucoup d'argent pour les faire traverser la Manche en leur promettant l'eldorado. Or de très nombreux enfants, femmes et hommes meurent au cours de la traversée, parce que nous sommes malheureusement trop naïfs et que, en tenant des discours comme le vôtre, nous laissons ces criminels exploiter la misère humaine.
Si nous laissons la jungle s'installer de nouveau à Calais ou ailleurs, non seulement cela engendrera des conditions de vie absolument indignes pour les migrants et pour les riverains, mais surtout nous mettrons sous la main de criminels, j'y insiste, des personnes qui veulent passer de l'autre côté de la Manche, dans des conditions absolument inacceptables.
Madame la sénatrice, 70 % des migrants qui sont aujourd'hui à Calais viennent de Belgique ou d'Allemagne. La France doit, en raison de sa position géographique, être tout à la fois fraternelle et ferme, et lutter contre les criminels que sont les passeurs.
Donc, oui, bien sûr, nous accompagnons les migrants ; c'est la France qui subventionne les associations, qui paie les repas, qui permet à ses policiers et à ses gendarmes de sauver, tous les jours, au risque de leur vie, des migrants en mer, mais pas un seul instant nous ne souhaitons encourager ces criminels que sont les passeurs uniquement pour avoir bonne conscience. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour la réplique.
Mme Esther Benbassa. Là où il y a des migrants, il y a des passeurs ; cela a toujours été ainsi dans l'histoire. Ce ne sont donc pas les passeurs qu'il faut accuser (Protestations véhémentes sur de nombreuses travées. Des sénateurs du groupe Les Républicains lèvent les bras au ciel.)
Il faut accuser (Des sénateurs du groupe Les Républicains marquent leur impatience et martèlent leur pupitre pour indiquer que l'oratrice a épuisé son temps de parole. La voix de l'oratrice se perd dans le brouhaha.)
Écoutez, on ne peut pas parler, le débat n'est pas possible. Je le regrette.
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