Question de M. RETAILLEAU Bruno (Vendée - Les Républicains) publiée le 21/10/2021

Question posée en séance publique le 20/10/2021

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, lundi dernier, à Poitiers, les foudres de Jupiter se sont abattues sur les parlementaires.

Si j'ai bien compris le Président de la République, l'inflation normative, c'est la faute au Parlement ! C'est donc, mes chers collègues, notre faute, votre faute, puisque nous avons le mauvais goût d'utiliser un droit garanti par la Constitution et très encadré : le droit d'amendement.

Franchement, monsieur le Premier ministre, il fallait oser, quand on voit la multiplication des ordonnances, qui atteignent un niveau sans précédent depuis le début de la Ve République et qui sont de moins en moins soumises au Parlement pour leur ratification, quand on voit la multiplication des amendements de dernière minute, déposés sans passer par le Conseil d'État et sans étude d'impact, pesant parfois des milliards d'euros, et quand on voit la complexification à l'envi de l'action publique…

Un seul exemple : nous venons d'enchaîner ici, dans notre assemblée, l'examen de deux textes sur la justice. Soit ! Mais, en même temps, le Président de la République ouvre à Poitiers les États généraux de la justice.

Lundi dernier, je le sais, vous n'étiez pas aux côtés du Président de la République, mais aux côtés du Pape, et ce n'est pas moi, monsieur le Premier ministre, qui vais vous le reprocher ! (Rires.) Mais la déclaration de Poitiers, était-ce de l'humour ou était-ce une diversion pour faire porter le chapeau au pouvoir législatif, en prenant à témoin l'autorité judiciaire ? (Applaudissements prolongés sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, SER et CRCE.)


Réponse du Premier ministre publiée le 21/10/2021

Réponse apportée en séance publique le 20/10/2021

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Cher président Retailleau, je reconnais là votre talent pour essayer de faire dire au Président de la République ce qu'il n'a pas dit (M. Martin Lévrier applaudit. – Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) et d'en tirer des enseignements politiques erronés.

Je pourrais d'ailleurs me rasseoir après vous avoir lu – écoutez bien ! – cet extrait pertinent : « Nous avons collectivement contribué à une inflation législative. » Je répète : « Nous avons collectivement contribué à une inflation législative. » (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je connais ce jeu, car je commence à avoir quelques heures de vol. (Dénégations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) Je pourrais vous citer des rapports du Sénat qui font état d'une inflation législative dans notre pays ! J'ai aussi le souvenir du rapport du Conseil d'État, paru quand j'étais étudiant, qui parlait de « la loi bavarde ».

Je n'ignore pas, soyez-en sûr, monsieur le président Retailleau, que la loi est votée par le Parlement et que le Gouvernement contribue à son élaboration, y compris au travers du droit d'amendement.

M. Jérôme Bascher. Et à la dernière minute !

M. Jean Castex, Premier ministre. Je sais parfaitement tout cela, comme vous.

Vous l'avez dit, à Poitiers, avec le garde des sceaux, le Président de la République a lancé les États généraux de la justice, un sujet majeur ! Le juge est « la bouche de la loi », disait, vous le savez bien, Montesquieu. Oui, la loi est devenue de plus en plus bavarde, et c'est, je le répète, une responsabilité collective.

En effet, vous avez parfaitement raison, le Président de la République a cité aussi le droit d'amendement, en disant à son sujet – pardonnez-moi de le citer encore –, qu'il « est évidemment un droit légitime du Parlement ». (Marques d'ironie sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)

M. Jean-François Husson. Encore heureux !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C'est un droit constitutionnel !

M. Jean Castex, Premier ministre. Il a ajouté, et j'en terminerai là – pas simplement parce que je suis allé à Rome lundi dernier, mais parce que je n'ai pas le goût de la polémique inutile (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) –, qu'il fallait de toute façon pour régler ces problèmes, vous le savez également, une révision constitutionnelle. Et que je sache, une révision constitutionnelle ne se fait pas sans le Parlement ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour la réplique.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, le problème et la vérité, c'est que le souci du Président de la République est non pas tant l'exercice du droit d'amendement que le Parlement lui-même !

Il a malheureusement cédé à une conception très autocentrée de la Ve République, selon laquelle, pour que le président de la République soit grand, le Parlement devrait être petit. Cela ne grandit pas la démocratie, car, quand on met hors jeu les mécanismes institutionnels habituels, notamment de contre-pouvoirs, d'autres circuits, d'autres mécanismes, se mettent en place ; je pense à la judiciarisation ou à tous ces réseaux sociaux qui sont comme une cour d'assises gigantesque.

À ce compte-là, personne ne gagne ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

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