Question de M. GILLÉ Hervé (Gironde - SER) publiée le 14/10/2021
Question posée en séance publique le 13/10/2021
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Hervé Gillé. Monsieur le ministre de l'intérieur, 216 000 mineurs auraient été victimes d'un clerc, 360 000 si l'on y ajoute ceux qui ont été abusés par le personnel laïc ; on dénombrerait a minima entre 2 900 et 3 200 prédateurs hommes, prêtres ou religieux, depuis 1950. Voilà les conclusions accablantes du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église : c'est une véritable onde de choc. La communauté catholique tout entière est brutalement confrontée à une réalité inacceptable, douloureuse et, avec elle, tous les Français sont profondément émus par l'ampleur de ces crimes, par ces vies abîmées, ces enfants blessés, si longtemps condamnés au silence.
Ce rapport a été unanimement salué pour la qualité de son analyse. Il contient quarante-cinq recommandations qui ont été rédigées en concertation avec les associations de victimes, afin de poser les bases d'une réparation de l'irréparable et d'envisager la réforme d'une institution.
Au-delà d'une concrétisation matérielle indispensable de la réparation des préjudices subis, la question primordiale Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France, le dit clairement est la « faillite institutionnelle » de l'Église. Selon elle, l'Église doit fondamentalement revoir son mode de gouvernance, la formation des clercs, sa théologie morale, sa conception de la sexualité.
Or le rapport le souligne, les « silences » et les « défaillances » face à la pédocriminalité présentent un « caractère systémique ». Alors que la parole se libère et que d'autres voix se feront entendre, peut-on laisser l'Église seule face à ses défis ?
En France aujourd'hui, le Gouvernement de notre République laïque peut-il être absent ou simplement observateur des mesures de prévention et d'accompagnement des victimes ? Quelles suites entendez-vous donner, monsieur le ministre, aux propositions et recommandations qui s'adressent à l'État ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 14/10/2021
Réponse apportée en séance publique le 13/10/2021
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, face à l'ignominie évoquée dans l'excellent rapport Sauvé, je tiens tout d'abord à dire tout le courage de l'Église de France d'avoir commandé ce rapport,
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Gérald Darmanin, ministre. d'avoir laissé toute liberté à M. Sauvé, personnalité indiscutable, de composer sa commission comme il le souhaitait et de lui avoir permis, en lui ouvrant ses archives pendant trois ans, d'en arriver à ce constat qui nous effraie tous. Il faut souligner ce courage, quand bien des institutions qui accueillent des enfants n'ont rien fait de tel.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Gérald Darmanin, ministre. L'Église de France a été courageuse. (MM. Jean-Michel Arnaud, Loïc Hervé, Michel Savin et Bruno Sido applaudissent.)
Je dirai ensuite que Mgr Moulins-Beaufort a tenu des propos malheureux. À la demande du Premier ministre, j'ai invité le président de la Conférence des évêques de France. Évidemment, il n'y a jamais, pour aucun culte, pour aucune section d'opinion ou de croyance en France, de loi supérieure à celle de la République. M. le président de la Conférence des évêques de France a fait part dans un communiqué de presse de ses regrets pour cette phrase ; l'incident est clos.
Pour notre part, nous allons accompagner l'Église de France sur le chemin de la réparation. Se posent deux grandes questions pour l'État.
La première est celle de la responsabilité.
Selon le rapport Sauvé, l'auteur du crime sexuel n'est pas seul responsable, l'Église de France, le diocèse, l'Église tout court, en tant que personnes morales, le sont aussi. Les questions financières de responsabilité ainsi soulevées sont très fortes. Nous sommes, je l'ai dit à Mgr Moulins-Beaufort, à ses côtés pour accompagner juridiquement l'Église, en tant que personne morale, dans cette responsabilité. Il s'agit d'examiner les choses les yeux dans les yeux.
La deuxième question porte sur le secret de la confession, qui est un secret professionnel.
Il n'appartient pas à l'État de revenir sur ce secret. Cela étant, des exceptions sont prévues s'agissant des crimes commis sur des enfants. Je l'ai dit à Mgr Moulins-Beaufort, de notre point de vue la dépêche du garde des sceaux le démontre , lorsqu'une personne a connaissance qu'un crime est en train d'être commis, le secret de la confession ne peut pas être gardé. Qu'elle soit clerc ou laïque, cette personne doit dénoncer l'auteur des faits à la justice. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. Mme Élisabeth Doineau, MM. Stéphane Demilly et Loïc Hervé applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour la réplique.
M. Hervé Gillé. Nous prenons acte de votre entrevue avec Mgr Moulins-Beaufort. Je rappelle toutefois que, en Irlande, il y a vingt ans, après les révélations des abus dans l'Église, l'État, après concertation avec plusieurs ministères, avait mis en place des actions communes et prévu un investissement important de la justice.
M. Gérald Darmanin, ministre. Ce n'est pas un État laïque !
M. Hervé Gillé. Notre responsabilité collective est de protéger nos enfants ; c'est aussi la vôtre. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
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