Question de M. JOLY Patrice (Nièvre - SER) publiée le 14/10/2021
M. Patrice Joly attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, sur les conséquences de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, qui ne permet pas aujourd'hui aux communes rurales de répondre aux besoins des habitants et des populations en demande de logement.
La crise sanitaire et les multiples confinements ont conduit à un exode d'une partie de la population des grandes villes vers nos campagnes. Ce phénomène a provoqué un amoindrissement du nombre de biens à la vente et une hausse du prix de l'immobilier. Bien que pour certains des nouveaux arrivants saisonniers, cela ne complique que l'achat d'une maison secondaire, les locaux de leur côté en pâtissent au quotidien.
Le souhait de ceux qui sont nés et ont grandi dans ces communes aujourd'hui attractives, ou qui s'y sont installés professionnellement, d'y rester est louable mais quasi-impossible. Après le premier confinement, le coût de l'immobilier a largement augmenté mais les salaires, eux, n'ont pas évolué.
Or, dans leur volonté de créer de nouveaux logements, les petites communes se heurtent à une application excessive de la notion d'artificialisation des sols. Ainsi, dans des zones déjà construites disposant également des réseaux principaux, l'application du règlement national d'urbanisme est trop stricte pour permettre le développement de leur territoire et répondre à la demande d'accès au logement pour leur propre population locale mais aussi pour la population qui arrive.
Il lui demande si elle compte adapter sa politique de l'habitat pour permettre aux jeunes locaux d'accéder à la propriété sur leur commune lorsque celle-ci est une destination de l'exode urbain.
- page 5850
Réponse du Ministère auprès de la ministre de la transition écologique - Logement publiée le 20/10/2021
Réponse apportée en séance publique le 19/10/2021
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 1869, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement.
M. Patrice Joly. Aujourd'hui, madame la ministre, la lutte contre l'artificialisation des sols, objectif que l'on ne peut qu'approuver, ne prend pas suffisamment en compte la disparité des situations sur le territoire national.
Appliquée de manière uniforme, cette lutte conduit à ne pas tenir compte de la surartificialisation constatée depuis des décennies sur un certain nombre de secteurs urbains et métropolitains, que l'on fait, d'une certaine manière, payer aujourd'hui aux territoires ruraux par une application très rigoureuse des règles de constructibilité.
Ainsi, les collectivités n'ayant pas établi de document d'urbanisme se trouvent régies par le règlement national d'urbanisme (RNU), dont une application trop stricte conduit à refuser des certificats d'urbanisme, ainsi que des autorisations de construire, alors même que le terrain concerné est dans une zone où existent déjà des habitations et qu'il est desservi par les principaux réseaux de viabilité, c'est-à-dire la voirie, l'eau, l'assainissement, l'électricité.
Cette situation n'a pas été prise en compte dans le cadre de la loi Climat et résilience. Cela conduit à restreindre la capacité de logements sur les territoires ruraux pour les habitants déjà installés et pour les nouvelles populations, dont on constate une augmentation sensible liée à la crise et aux confinements successifs.
Il devient urgent, si l'on veut pouvoir répondre aux désirs de campagne des Français et permettre l'accompagnement des dynamiques nouvellement constatées sur ces territoires, de revoir les règles d'urbanisme et leurs modalités d'application, sous peine de renforcer la hausse de l'immobilier aujourd'hui constatée, avec ses conséquences sur le pouvoir d'achat des résidents permanents, en particulier des jeunes et des jeunes ménages vivant dans les territoires ruraux.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Patrice Joly, le Gouvernement est très attentif au développement d'une offre de logements adaptée aux besoins locaux, et ce sur l'ensemble de nos territoires. Cela doit se faire en trouvant un équilibre entre construction neuve et préservation des espaces naturels. C'est le sens de la trajectoire de lutte contre l'artificialisation des sols que nous avons fixée dans la loi Climat et résilience. Réduire le rythme de l'artificialisation signifie non pas que nous ne pourrons plus construire, mais simplement que nous allons construire mieux.
Je le précise, avec la loi Climat et résilience, nous pourrons encore construire sur 140 000 hectares de surfaces nouvelles dans les dix prochaines années. Ce n'est pas rien.
Vous évoquez notamment l'application du règlement national d'urbanisme, que vous jugez trop contraignante pour les petites communes. Je voudrais vous rappeler que le RNU est un outil par défaut pour les communes n'ayant pas adopté de document de planification urbaine. Il s'agit d'une règle nationale qui limite les constructions aux parties déjà urbanisées de la commune. Nous encourageons l'ensemble des territoires, y compris les petites communes rurales, à se doter d'un document d'urbanisme, afin que les ouvertures à l'urbanisation s'inscrivent dans une stratégie formalisée. Plusieurs outils existent. Je pense à la carte communale, au plan local d'urbanisme communal ou évidemment intercommunal.
Au-delà des documents d'urbanisme, vous m'interrogez sur les politiques que nous déployons afin d'aider les jeunes à accéder à la propriété là où ils le souhaitent. Nous proposons ainsi de prolonger le prêt à taux zéro dans le projet de loi de finances pour 2022 jusqu'à fin 2023. Nous développons avec Action Logement une aide à l'accession à hauteur de 10 000 euros qui profitera à 20 000 ménages salariés. Elle est opérationnelle depuis le mois de septembre 2021. Enfin, nous avons renforcé les leviers d'accession à la propriété, à travers le bail réel solidaire, que nous avons amélioré tout au long du quinquennat. Il permet l'accès à la propriété sans avoir à acheter le foncier.
Vous le voyez, le Gouvernement est pleinement mobilisé en faveur de l'accès de tous, notamment des jeunes, à un logement adapté et abordable sur l'ensemble du territoire.
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour la réplique.
M. Patrice Joly. Madame la ministre, je vous entends. Toutefois, dans l'attente des instruments de planification que vous évoquez, il devient, me semble-t-il, urgent de revoir l'application du RNU, qui est aujourd'hui trop stricte et réductrice, sous peine de renforcer le sentiment d'incompréhension par les pouvoirs publics de la réalité que vivent les élus locaux et les habitants des territoires concernés.
- page 9329
Page mise à jour le