Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 09/09/2021
M. Hervé Maurey attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les suites judiciaires données aux plaintes et aux signalements des maires.
Les plaintes et les signalements d'infractions par les maires font trop peu souvent l'objet de suites judiciaires. Les décisions de classement sans suite sont bien souvent la règle. Ce constat est particulièrement dommageable, la voie judiciaire étant parfois le seul moyen de retrouver et de sanctionner les auteurs d'infractions notamment dans des domaines relevant de la compétence du maire (par exemple l'urbanisme ou l'abandon illégal de déchets).
L'incompréhension des maires est d'autant plus grande que, s'agissant des signalements, ceux-ci constituent une obligation en leur qualité d'officier de police judiciaire (article 19 du code de procédure pénale) et en tant qu'officier public (article 40 du code de procédure pénale). Par ailleurs, l'obligation d'information des suites données à ces signalements prévues par la loi reste également peu respectée. Le législateur, à l'initiative de l'auteur de la question, a encore réaffirmé récemment son attachement à cette information en prévoyant la communication systématique au maire, lorsque le procureur est conduit à informer ce dernier d'un classement sans suite, des raisons juridiques ou d'opportunité qui justifient cette décision.
Aussi, il souhaiterait connaître les mesures qu'il compte prendre afin de donner systématiquement, lorsque cela est justifié, des suites judiciaires aux plaintes déposées par les maires et aux signalements qu'ils effectuent. Il aimerait savoir si un suivi statistique de ces plaintes ou signalements, et des suites qui leur ont été données, est réalisé et, dans l'affirmative, qu'il lui soit communiqué ces chiffres ou sinon s'il compte instituer ce suivi.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 13/01/2022
Le renforcement des relations entre l'autorité judiciaire et les élus constitue une priorité d'action du ministère de la justice, tant dans le cadre de la mise en uvre de la justice de proximité que dans le traitement du contentieux des atteintes commises à l'encontre des élus. A cet égard, dans le prolongement de la circulaire du 6 novembre 2019 invitant les parquets à informer systématiquement les parlementaires et les élus locaux victimes sur les suites judiciaires données à leurs plaintes conformément aux dispositions de l'article 40-2 du code de procédure pénale, la circulaire du 29 juin 2020 relative à la présentation des dispositions de la loi du 27 décembre 2019 attire l'attention des parquets sur la nécessité d'informer les maires de manière effective des suites judiciaires données aux infractions les concernant ou concernant leur commune, ainsi que de la possibilité pour ces derniers d'exercer un recours auprès du procureur général en cas de classement sans suite. Elle encourage par ailleurs les parquets à développer les relations partenariales avec les élus en organisant des réunions spécifiques dans le cadre d'une journée de présentation, à l'occasion du renouvellement général des conseils municipaux ou lors de l'assemblée générale des maires des départements. Ces réunions sont l'occasion pour les parquets de présenter leur action relative aux infractions commises à l'encontre des personnes investies d'un mandat électif. Elles permettent également de présenter aux élus les outils juridiques mis à leur disposition, ainsi que leurs prérogatives, parmi lesquelles le signalement d'infractions, le dépôt de plainte au nom de la commune, le rappel à l'ordre, la transaction municipale et le conseil pour les droits et devoirs des familles. Par ailleurs, dans le cadre du projet de justice de proximité annoncé par le Premier ministre en juillet 2020, la circulaire du 15 décembre 2020 a placé les élus locaux au cur de ce projet. Les procureurs de la République ont parfaitement identifié les instances locales de prévention de la délinquance que sont les CLSPD ou CISPD présidés par les maires. Ces instances sont l'occasion pour les maires d'aborder les problématiques spécifiques les concernant et d'envisager, en collaboration avec le parquet du ressort concerné, des actions concrètes pour y répondre. Elles permettent par ailleurs de favoriser le dialogue, et de fluidifier les échanges et les relations partenariales locales entre l'autorité judiciaire et les élus. De surcroit, la circulaire du 7 septembre 2020, qui invite les procureurs généraux et les procureurs de la République à mettre en uvre une politique pénale ferme, rapide et diligente en répression des actes commis à l'encontre des élus locaux et des parlementaires, ainsi qu'un suivi judiciaire renforcé des procédures pénales les concernant, encourage également les procureurs à désigner un magistrat du parquet comme interlocuteur des élus du ressort et à organiser rapidement une réunion d'échanges avec les forces de sécurité intérieure et les élus afin de présenter l'action du parquet relative aux infractions commises à l'encontre des personnes investies d'un mandat électif. L'analyse des transmissions des parquets pour le rapport annuel du ministère public de 2020, dont une thématique était consacrée à la justice de proximité et aux rapports avec les élus, permet de s'assurer, sans pour autant permettre un décompte du nombre de collectivités concernées, que ces enjeux sont bien perçus par les parquets et que ce type d'initiatives se multiplie sur le territoire national. Ainsi, de manière générale, le dialogue et l'échange d'informations avec les élus est privilégié par les parquets à travers de nombreuses initiatives innovantes, telles que la création de boîtes structurelles dédiées comme aux parquets de Bourgoin-Jallieu, Saint Quentin, Laon, Chaumont, Valenciennes ou encore Avesnes-sur-Helpe permettant des échanges facilités entre le parquet et les maires du ressort. Une newsletter bimensuelle, au contenu informatif et pédagogique, est également diffusée par voie dématérialisée par le parquet d'Avesnes-sur-Helpe à ses partenaires et aux élus. Outre la mise en uvre d'outils d'information par les parquets, des conventions ont également été signées afin de favoriser la communication et la prise en charge des atteintes aux élus et de renforcer les relations institutionnelles. Ainsi la convention signée par le parquet de Valenciennes et les deux communautés d'agglomération symbolise la volonté des parquets de se rapprocher des élus autour de 4 axes : l'investissement des élus et des magistrats dans les instances partenariales ; une meilleure information des élus par l'autorité judiciaire ; une vigilance accrue dans le traitement des plaintes des élus ; l'élaboration de projets communs de prévention de la délinquance. A cet égard, une adresse mail dédiée aux relations avec les élus a été créée par laquelle ces derniers peuvent transmettre leurs signalements. Par ailleurs, les affaires signalées par les élus sont inscrites au bureau des enquêtes facilitant leur suivi. Les élus peuvent ainsi connaître et faire connaître les décisions judiciaires relatives aux situations qu'ils ont eu à subir. Outre ce suivi individualisé sur les affaires dont ils sont victimes, le dispositif mis en place permet d'assurer l'information des élus via les lettres d'information de la juridiction et du parquet. De son côté, le parquet dispose d'un retour des élus, représentant les justiciables du ressort, sur la politique pénale locale qu'il met en place. L'ensemble de ces initiatives sont appuyées par le ministère de la justice, au titre des bonnes pratiques valorisées et partagées, afin d'être généralisées à l'ensemble du territoire. Le dispositif législatif apparaît ainsi suffisant pour assurer l'information des élus. Il n'est donc pas envisagé d'évolution en la matière. Enfin, sur un plan statistique, il n'est pas possible d'isoler les affaires traitées à la suite d'un signalement effectué par un maire, la qualité de l'autorité signalante n'étant pas à ce jour prise en compte par les outils statistiques du ministère de la Justice. Pour autant, à la suite de la dépêche du 6 mai 2021 relative à l'analyse semestrielle des infractions commises à l'encontre des élus, les parquets généraux doivent transmettre semestriellement un rapport d'analyse comportant, pour chaque cour d'appel : - le nombre et la nature des infractions de violences physiques et de menaces avec arme commises à l'encontre des élus et des personnes investies d'un mandat électif, - une analyse des réponses pénales apportées comprenant la politique pénale mise en oeuvre dans le ressort ainsi que les peines prononcées en fonction de la nature de l'infraction. Cette remontée d'information précise permettra de mieux conduire la politique pénale en la matière et de pouvoir l'expliquer aux élus.
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