Question de M. COURTIAL Édouard (Oise - Les Républicains) publiée le 29/07/2021
M. Édouard Courtial appelle l'attention de Mme la ministre des armées sur les conséquences de l'arrêt, rendu par la Cour de Justice de l'Union européenne le 15 juillet 2021, au sujet du statut des militaires des pays membres.
À cette occasion, la Cour a affirmé que les militaires de l'Union européenne sont assujettis au même droit du travail que n'importe quel travailleur, hormis les cas où ils sont en entraînement, en opération ou lors d'évènements exceptionnels graves. Cette décision ne respecte ni le principe constitutionnel français qui donne au chef de l'État « la libre disposition de la force armée » ni le traité de l'Union européenne qui affirme que « la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre » (article 4) ni le principe de subsidiarité du droit européen. En outre, elle menace très directement notre sécurité intérieure en risquant de désorganiser nos forces armées.
Le Président de la République rappelait lui-même de manière solennelle dans son discours du 13 juillet 2019 à l'Hôtel de Brienne « qu'il n'y a pas lieu de transiger avec l'exigence de disponibilité en tout temps et en tout lieu qui est le corollaire du principe constitutionnel de libre disposition des forces armées ». Ainsi, la décision de la Cour de justice ne fait pas simplement abstraction du métier singulier des militaires et de ceux qui les soutiennent. Elle ne tient aucun compte du statut particulier de la défense militaire française en Europe et constitue une atteinte grave et inacceptable à notre souveraineté nationale. À la suite de cette décision de la Cour de justice, le ministère des armées a déclaré « vérifier comment cela se décline dans la réglementation française ». Mais, face à la gravité d'une telle décision et aux menaces qu'elle représente dans l'avenir pour notre souveraineté, la France ne peut en rester là.
Aussi, il lui demande si elle entend réaffirmer sans attente l'exigence de disponibilité de nos armées en tout temps et en tout lieu et de lui indiquer les mesures qu'elle entend prendre pour dénoncer cette décision.
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Réponse du Ministère des armées publiée le 16/12/2021
Plusieurs États membres de l'Union européenne, parmi lesquels la France, n'ont pas transposé aux forces armées la directive 2003/88/CE sur le temps de travail, considérant qu'elle ne s'applique pas aux militaires du fait des stipulations du droit primaire, qui n'attribuent pas de compétence à l'Union européenne en la matière, ainsi que des exclusions qu'elle prévoit. C'est la position que la France a rappelée avec constance aux côtés d'autres États membres, faisant valoir que la santé et la sécurité des militaires étaient garanties par des règles protectrices dans le cadre d'un statut qui ménage un équilibre entre droits et devoirs, adapté à la singularité de leur engagement. L'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) juge par principe la directive applicable aux militaires, même s'il ménage certaines exceptions. Or, la directive susmentionnée prévoit un décompte individualisé du temps de travail et un plafonnement de celui-ci à 48 heures hebdomadaires, alors que l'armée française doit, pour assurer la permanence de sa mission, organiser collectivement ses activités. Le niveau d'engagement des forces françaises est particulièrement élevé et repose sur un continuum formation-entraînement-déploiement. Le contexte stratégique et la violence croissante qu'affrontent les armées sur les théâtres extérieurs rappellent combien est important le maintien de forces disponibles en tout temps et en tout lieu, de même que la préservation de l'esprit militaire. La plus grande vigilance est donc apportée à garantir la disponibilité, la combativité, l'interopérabilité et la cohésion de nos armées. La distinction proposée par la CJUE pour décider de l'application de la directive entre activités de haute intensité, d'une part, et activités dites de service ordinaire, d'autre part, n'est pas adaptée au cas d'une armée qui, comme l'armée française, est entièrement professionnalisée. L'application partielle, ou à éclipse, de ce texte n'est pas compatible avec son mode d'organisation. La libre disposition de la force armée constitue par ailleurs un principe à valeur constitutionnelle, comme le rappelle les décisions du Conseil constitutionnel n° 2014-432 QPC du 28 novembre 2014 et n° 2014-450 QPC du 27 février 2015. Par ailleurs, l'unité de sort des militaires, qui se traduit par l'unicité et la singularité du statut, est au cur de la cohésion et de l'efficacité de nos forces armées. Conformément aux orientations données par le Président de la République, le Gouvernement est déterminé à répondre à cet arrêt de la CJUE par le droit. Les autorités françaises ont entrepris à ce sujet des échanges techniques avec la Commission européenne.
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