Question de M. GUÉRINI Jean-Noël (Bouches-du-Rhône - RDSE) publiée le 15/07/2021

M. Jean-Noël Guérini appelle l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la hausse inquiétante du travail des enfants dans le monde.
Un rapport conjoint de l'Organisation internationale du travail (OIT) et de l'Unicef, publié le 10 juin 2021 et intitulé « Child Labour : Global estimates 2020, trends and the road forward » (Travail des enfants : estimations mondiales 2020, tendances et chemin à suivre), dresse un constat accablant. En effet, début 2020, 160 millions d'enfants étaient forcés de travailler, soit 8,4 millions de plus en quatre ans, ce qui inverse la tendance à la baisse qui avait vu le travail des enfants reculer de 94 millions entre 2000 et 2016. La moitié de ces enfants sont âgés de seulement 5 à 11 ans et le nombre de ceux qui effectuent des travaux susceptibles de nuire à leur santé, leur sécurité ou leur développement moral a augmenté de 6,5 millions depuis 2016, pour atteindre 79 millions. Le rapport avertit de surcroît que 8,9 millions d'enfants supplémentaires risquent d'être poussés vers le travail d'ici fin 2022 en raison des fermetures d'écoles et de la pauvreté croissante entraînées par la pandémie de Covid-19. Les modèles statistiques montrent que ce nombre pourrait même être plus de cinq fois plus élevé.
La France a adhéré à l'ensemble des textes internationaux protégeant les droits de l'enfant, au premier rang desquels la convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), signée et ratifiée en 1990. En conséquence, il lui demande comment soutenir la mise en œuvre effective de l'article 32 de la CIDE, qui consacre « le droit de l'enfant d'être protégé ; contre l'exploitation économique et de n'être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social ».

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 03/03/2022

La lutte contre le travail des enfants est une priorité pour la France. La diplomatie française est reconnue comme un acteur majeur dans le plaidoyer international en faveur de la promotion et de la protection des droits de l'enfant. La France est partie à la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, ainsi qu'à ses trois protocoles facultatifs, et promeut leur ratification universelle. Elle soutient en particulier, à l'Assemblée générale des Nations unies et au Conseil des droits de l'Homme, les résolutions relatives aux droits de l'enfant. La France est également partie aux huit conventions fondamentales de l'Organisation internationale du travail (OIT), dont deux d'entre elles visent à éradiquer le travail des enfants : la convention n° 138 de l'OIT sur l'âge minimum d'admission à l'emploi, et la convention n° 182 sur les pires formes du travail des enfants. De plus, la France soutient pleinement l'action de l'OIT et du Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) dans ce domaine. À cet égard, nous saluons la publication le 10 juin 2021 du rapport conjoint de l'OIT et de l'UNICEF faisant l'état des lieux du travail des enfants dans le monde, intitulé « Travail des enfants : estimations mondiales 2020, tendances et chemin à suivre » (« Child Labour : Global estimates 2020, trends and the road forward »). La France apporte un soutien aux travaux engagés par ces enceintes multilatérales pour lutter contre ce phénomène, notamment par le biais de sa participation financière aux actions de l'OIT contre le travail des enfants, à hauteur de près de 4,4M€ sur la période 2020-2024. À l'occasion de la journée mondiale contre le travail des enfants, la France a organisé un événement virtuel dans le cadre de son travail conjoint avec l'OIT le 12 juin 2021. Cet événement, ouvert par le Secrétaire général de l'OIT, M. Guy Ryder, et la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, Mme Elisabeth Borne, était intitulé « Unir nos forces contre le travail des enfants ». Il s'agissait de la première Journée mondiale depuis la ratification universelle de la convention n° 182 de l'OIT sur les pires formes de travail des enfants, qui intervenait au moment où la crise sanitaire menaçait d'anéantir des années de progrès dans la lutte contre ce fléau, alors même que 2021 était l'année internationale de l'élimination du travail des enfants. Cette journée mondiale a, par ailleurs, été l'occasion de promouvoir une semaine d'action durant laquelle les partenaires ont pu montrer les progrès accomplis dans la réalisation de leurs promesses d'action en 2021. Enfin, la France promeut de nombreuses initiatives concrètes en faveur de la lutte contre le travail des enfants. En particulier, la France assure, depuis juin 2019, la présidence de l'Alliance 8.7, partenariat mondial qui a pour objectif d'éradiquer le travail des enfants d'ici 2025 et de mettre fin au travail forcé, aux formes contemporaines de l'esclavage et à la traite des êtres humains d'ici 2030. La France a, dans ce cadre, acquis le statut de « pays pionnier » au sein de l'Alliance 8.7. Conformément aux termes de référence de l'Alliance 8.7, le statut de pays pionnier implique de prendre et de concrétiser des engagements spécifiques dans la lutte contre le travail des enfants, le travail forcé, la traite des êtres humains et les formes contemporaines d'esclavage. Ainsi le 9 novembre 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité, et le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles se sont réunis pour le lancement de la stratégie nationale d'accélération pour éliminer le travail des enfants, le travail forcé, la traite des êtres humains et l'esclavage contemporain, en France et dans le monde. Cette stratégie nationale vise à accélérer et à accentuer encore davantage les actions en faveur de l'éradication du travail forcé, de la traite des êtres humains et du travail des enfants. Elle tire sa force de son processus de co-construction, associant les ministères concernés, les réseaux d'entreprise, les partenaires sociaux, les organisations internationales et européennes ainsi que les associations et les ONG. En effet, pendant plus de 6 mois, 5 groupes de travail regroupés par types d'acteurs ont mené des travaux parallèles qui ont abouti à 5 cahiers de contributions réunissant leurs analyses et propositions d'actions. Un travail de partage et de croisement des informations, d'échanges et de synthèse a ensuite été mené avec ces 5 groupes pour aboutir à la stratégie nationale. Cette stratégie dresse un état des lieux, met en avant les objectifs poursuivis ainsi que la méthode de travail, et développe les axes prioritaires en formulant des propositions très concrètes. Elle détaille également la méthode de suivi qui encadrera sa mise en oeuvre. Conformément au cahier des charges des pays pionniers de l'Alliance 8.7, trois priorités y sont proposées : accroître la prévention par le renforcement de la capacité à agir des parties prenantes, mieux protéger les victimes en réalisant des progrès dans la détection, la prise en charge et la réparation, et donner à notre action une impulsion européenne et internationale, ambitieuse et exigeante. Par ailleurs, les propositions d'actions engagent tous les acteurs qui ont participé à l'élaboration du document, avec le double objectif d'éradiquer le travail des enfants et le travail forcé en France, mais également pour contribuer aux efforts internationaux hors de nos frontières sur ces sujets d'importance. La mise en oeuvre des propositions sera évaluée à intervalles réguliers par un organe dédié, le Forum France pionnier de l'Alliance 8.7, rassemblant des représentants volontaires de l'ensemble des parties prenantes sous l'égide de la déléguée du gouvernement auprès de l'OIT, Haut fonctionnaire en charge de l'effort d'accélération et Présidente de l'Alliance 8.7. La stratégie a été présentée lors d'une audition devant l'instance de gouvernance de l'Alliance 8.7 qui a décidé, le 18 novembre 2021, d'accorder à la France le statut de pays pionnier. Elle a également été présentée lors de la Consultation régionale sur le travail des enfants des 13 et 14 décembre 2021, qui a permis de préparer la 5e Conférence mondiale sur le travail des enfants, qui se tiendra en Afrique du Sud en 2022. Dans ce cadre, la France soutient notamment les travaux en cours au niveau européen visant à renforcer la contribution de la politique commerciale au développement durable. Ces travaux portent en particulier sur les aspects sociaux et de responsabilité sociale des entreprises (RSE), incluant notamment la lutte contre le travail des enfants et le travail forcé, que ce soit dans les accords de commerce et d'investissement de l'Union européenne, ou pour le développement d'une législation européenne en matière de devoir de vigilance des entreprises dans leurs chaînes de valeur. La loi française sur le devoir de vigilance est d'ailleurs un texte majeur dans le domaine de la RSE, et est citée en exemple par les pays et organisations cherchant à légiférer sur le sujet.

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