Question de Mme ROBERT Sylvie (Ille-et-Vilaine - SER) publiée le 29/07/2021
Mme Sylvie Robert attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur la nécessité de faire passer en tarification verte l'énergie produite par l'usine marémotrice de la Rance (UMR).
Depuis la fermeture de l'estuaire de la Rance en 1964, l'envasement du fleuve s'est profondément aggravé, entravant sa navigabilité et portant atteinte à la biodiversité, au patrimoine naturel et à l'attractivité des territoires le bordant. Certes un plan de gestion des sédiments a été mis en place, mais il fait face à de nombreuses difficultés de mise en œuvre ainsi qu'à une impasse financière. Pour parvenir à un désenvasement progressif de la Rance, une voie complémentaire doit donc être explorée. Depuis 2019, la Commission européenne se montre favorable à la revalorisation au tarif « énergie renouvelable » de l'énergie produite par l'UMR. Malgré la levée de ce blocage, le ministère de l'Environnement a précisé que « la création d'une fiscalité écologique spécifique sur l'électricité produite par l'usine marémotrice de la Rance n'est pas l'option à privilégier à court terme », préférant renvoyer au plan de gestion des sédiments. Pourtant, depuis le 1er juillet dernier, l'article L. 211-2 du code de l'énergie dispose spécifiquement que l'énergie marémotrice est une énergie renouvelable. Pour sa part, EDF, concessionnaire de l'UMR, a réitéré son attachement et sa volonté de faire perdurer l'équipement. Néanmoins, le projet de réorganisation du groupe dit « Hercule », pourrait impacter le passage en tarification verte de l'énergie produite grâce à l'UMR. En effet, ce dernier pourrait se retrouver classé parmi les barrages hydroélectriques, plutôt qu'au sein de la branche énergies renouvelables, ce qui constituerait un nouveau frein pour valoriser l'énergie produite par l'UMR et compliquerait, de fait, les investissements à réaliser pour désenvaser la Rance. C'est pourquoi, elle souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur ce dossier et obtenir son appui afin que l'énergie produite par l'UMR obtienne la tarification verte, conformément au code de l'énergie.
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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargé de la biodiversité publiée le 29/09/2021
Réponse apportée en séance publique le 28/09/2021
Mme le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, auteure de la question n° 1776, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
Mme Sylvie Robert. Madame la secrétaire d'État, il y a trois ans, je posais déjà une question orale sur la problématique du désenvasement de la Rance. À l'époque, j'interrogeais plus particulièrement le Gouvernement sur les difficultés budgétaires qui s'opposaient à la finalisation du plan quinquennal de désenvasement.
Depuis lors, la situation s'est aggravée : à certains endroits, la navigabilité de la Rance s'est détériorée, ce qui porte préjudice aux riverains et aux communes, ainsi qu'à leur attractivité touristique. En matière d'atteintes à la biodiversité et au patrimoine naturel, le constat suscite des interrogations. Je le redis donc aujourd'hui : il y a urgence !
Pour y répondre, une voie complémentaire au plan de désenvasement peut être explorée. En effet, depuis 2019, la Commission européenne se montre favorable à la revalorisation au tarif « énergie renouvelable » de l'électricité produite par l'usine marémotrice de la Rance (UMR), site unique en Europe.
Si la levée de ce blocage a été accueillie avec enthousiasme par l'ensemble des parties prenantes, le ministère de l'environnement a néanmoins précisé que « la création d'une fiscalité écologique spécifique sur l'électricité produite par l'usine marémotrice de la Rance n'est pas l'option à privilégier à court terme », préférant renvoyer au plan de gestion des sédiments. Pourtant, depuis le 1er juillet dernier, l'article L. 211-2 du code de l'énergie dispose clairement que l'énergie marémotrice est une énergie renouvelable.
Par ailleurs, EDF, concessionnaire de l'UMR, a réitéré son attachement à cet équipement et sa volonté de le faire perdurer. Pour autant, on sait que le projet de réorganisation du groupe, dit « Hercule », qui est actuellement suspendu, pourrait affecter le passage en tarification verte de l'énergie produite. L'UMR pourrait ainsi être classée parmi les barrages hydroélectriques, plutôt qu'au sein de la branche « énergies renouvelables », ce qui constituerait un nouveau frein pour la valorisation de l'énergie produite par l'UMR et compliquerait ainsi les investissements à réaliser.
C'est pourquoi, madame la secrétaire d'État, je souhaite connaître votre position sur ce sujet : allez-vous soutenir la tarification verte pour l'électricité produite par l'UMR, en cohérence avec les dispositions du code de l'énergie ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Robert, vous m'interrogez sur l'usine marémotrice de la Rance, dont les enjeux énergétiques, économiques et environnementaux sont multiples ; se détachent en particulier les enjeux liés au phénomène d'envasement que connaît l'estuaire de la Rance.
L'ensemble des acteurs impliqués mène un travail de taille sur ce sujet ; vous y contribuez, je vous en remercie. Un programme de recherche est conduit, en lien avec EDF, pour mieux comprendre ce phénomène de sédimentation et identifier des actions préventives. En outre, un programme d'intervention expérimental est mené ; il comprend l'extraction et la valorisation sur cinq ans de 250 000 mètres cubes de sédiments. Les conclusions de ces deux programmes sont attendues pour 2023 ; on espère qu'elles déboucheront sur un plan pérenne et une évaluation des besoins en financement.
La production de l'usine de la Rance, qui représente une puissance de 250 mégawatts, entre pleinement dans le périmètre des énergies renouvelables. Cela nécessite d'étudier la possibilité d'un soutien public. Celui-ci dépasserait le cadre de la gestion sédimentaire de l'estuaire, puisqu'il concernerait également la rentabilité à long terme de l'installation.
Un tel soutien soulève néanmoins des difficultés juridiques majeures.
Tout d'abord, cette usine est exploitée par EDF depuis 1966 sous la forme d'une concession qui arrivera à échéance en 2043. L'attribution d'un tarif de soutien constituerait une modification substantielle du contrat de concession. Or le droit des concessions n'autorise pas à modifier substantiellement l'économie d'un contrat en cours, à moins d'une nouvelle mise en concurrence.
Par ailleurs, il n'apparaît sans doute pas judicieux de mettre en place un tel soutien public pour une concession hydroélectrique alors que la France fait face à deux mises en demeure de la Commission européenne.
Enfin, la classification en concession hydroélectrique et la qualification d'énergie renouvelable sont absolument indépendantes d'une éventuelle réorganisation du groupe EDF.
Madame la sénatrice, il convient donc, à ce stade, de poursuivre et de soutenir les travaux en cours pour que des solutions pérennes de lutte contre l'envasement de l'estuaire soient identifiées et mises en place. Croyez bien que notre ministère y est très attaché.
Mme le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour la réplique.
Mme Sylvie Robert. Merci, madame la secrétaire d'État ; je vois que ce dossier, sur lequel on travaille déjà depuis de nombreuses années, va encore se poursuivre. Je peux vous dire l'engagement de tous les maires, celui de tous les acteurs, celui de la région Bretagne. Nous avons besoin de votre soutien, parce que la classification de l'électricité produite par l'UMR en énergie verte pourrait vraiment permettre de lever au moins un des freins. On compte sur vous !
Je sais qu'il y a urgence ; un rendez-vous doit bientôt se tenir avec EDF, qui est l'une des parties prenantes de ce dossier, associée à notre réflexion. En tout cas, je tenais à vous dire que cet engagement mérite vraiment qu'aujourd'hui le Gouvernement s'y intéresse !
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