Question de M. VALLET Mickaël (Charente-Maritime - SER) publiée le 17/06/2021
M. Mickaël Vallet attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la démographie vétérinaire et l'ouverture prochaine d'écoles vétérinaires privées.
Il s'inquiète des conséquences de l'ouverture prochaine d'établissements d'enseignement supérieur privés assurant une formation au diplôme d'État de docteur vétérinaire telle que prévue par la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.
L'ouverture de ces établissements privés a été présentée comme une réponse à la désertification vétérinaire dans les zones rurales alors que de nombreux professionnels ont expliqué que celle-ci provenait en réalité du manque d'attrait des nouveaux vétérinaires pour les activités « de campagne ». Dans ces conditions, il est peu probable que la réforme puisse résoudre le problème de la désertification vétérinaire et ce d'autant plus que les futurs diplômés de ces établissements privés devront rembourser les dizaines de milliers d'euros investis pour leur formation. Seules les activités « de ville » pourront procurer à ces futurs diplômés les revenus suffisants pour rembourser les dépenses engagées pour couvrir le coût de leur formation initiale. Cette réforme ouvre par ailleurs la voie à une dangereuse privatisation de l'enseignement vétérinaire et pose la question du devenir de la méritocratie républicaine.
Il lui demande donc quelles garanties celui-ci peut apporter quant à l'efficacité de cette réforme en matière de résorption des déserts vétérinaires dans les zones rurales. Il souhaite également connaître sa position sur la possibilité de créer des spécialités « vétérinaire de ville » et « vétérinaire de campagne » au sein des formations existantes.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 26/08/2021
Le diagnostic de la démographie des vétérinaires réalisé par l'observatoire national démographique du conseil national de l'ordre des vétérinaires a mis en évidence que si le nombre de vétérinaires inscrits en France métropolitaine a augmenté de 4,4 % en 5 ans, la situation n'est pas homogène sur l'ensemble du territoire. Certains départements, notamment ruraux, subissent une baisse significative du nombre de vétérinaires inscrits sur cette même période quand ce dernier progresse dans d'autres, en zones urbaines notamment. Par ailleurs, il est à noter un recul de l'activité de soins aux animaux d'élevage, alors que le marché de l'activité de soins aux animaux de compagnie est en forte croissance. Pour pallier l'insuffisance de vétérinaires notamment en zone rurale, le ministère chargé de l'agriculture a engagé plusieurs réformes : - augmentation du nombre d'étudiants dans les écoles nationales vétérinaires (ENV) de + 35 % en 8 ans, augmentation de la proportion de places ouvertes aux diplômés de brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) ; - programme de stages tutorés en milieu rural avec un accompagnement professionnel, pédagogique et financier des étudiants ayant un projet d'installation en milieu rural ; - création à compter de la rentrée 2021 d'un accès post-bac aux ENV pour élargir la base sociale et géographique de recrutement de ces quatre écoles publiques (Alfort, Lyon, Nantes et Toulouse), réduisant ainsi la durée des études conduisant au diplôme d'État de docteur vétérinaire à 6 ans, contre plus de 7 ans dans le cadre du cursus actuel, rapprochant ainsi la durée des études vétérinaires en France de celle rencontrée dans les autres pays de l'Union européenne (UE). Plus de 6 000 candidatures, géographiquement et socialement diversifiées, ont été enregistrées sur Parcoursup pour ce nouveau recrutement comportant 160 places. Par ailleurs, la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (DDADUE) en matière économique et financière autorise les collectivités territoriales ou leurs groupements à soutenir l'installation et le maintien des vétérinaires exerçant en productions animales dans les zones à faible densité d'élevage, ainsi que les projets professionnels des étudiants vétérinaires souhaitant exercer dans ces zones. Les décrets d'application ont été publiés au Journal officiel du 13 mai 2021 (décrets n° 2021-578 et n° 2021-579). Les étudiants vétérinaires peuvent désormais bénéficier d'une indemnité d'étude et de projet professionnel pour des étudiants signant un contrat avec une collectivité territoriale ou un groupement. Ce contrat vise à ce que l'étudiant exerce son activité de vétérinaire en contribuant à la protection de la santé publique et en assurant la continuité et la permanence des soins aux animaux d'élevage dans l'une des zones éligibles après sa diplomation et, le cas échéant, qu'il s'y installe. Ce contrat comporte des engagements réciproques et prévoit des sanctions en cas de non-respect des obligations qu'il stipule. Parmi les primo-inscrits à l'ordre national des vétérinaires, 50 % des vétérinaires ont été formés à l'étranger, dans des facultés vétérinaires de pays de l'UE. Cette délocalisation de la formation est favorisée par une offre importante de l'enseignement supérieur vétérinaire de pays voisins tels que l'Espagne, l'Italie, la Roumanie, la Hongrie, l'Estonie ou le Portugal. Ces écoles ou facultés peuvent être publiques ou privées et offrir des cursus de formation en langue locale, en français ou en anglais. Ce flux d'élèves vétérinaires français se formant dans des pays de l'UE équivaut à une perte d'activités et d'emplois sur le territoire national. La formation vétérinaire est une formation exigeante en termes d'encadrement et d'équipements scientifiques, techniques et hospitaliers. Elle est soumise à accréditation par l'association européenne des établissements d'enseignement vétérinaire (AEEEV). Aussi, compte tenu de ces contraintes techniques et financières, les capacités d'accueil des ENV sont limitées par les moyens d'enseignement et d'investissement que ces établissements peuvent mobiliser. L'amendement sénatorial à la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur (LPR) encadrant la possibilité de création d'écoles vétérinaires privées d'intérêt général par les établissements d'enseignement supérieur privés agricoles sous contrat avec le ministère chargé de l'agriculture pourrait contribuer à augmenter le nombre de vétérinaires français formés sur le territoire national. Le législateur, en imposant la condition préalable d'être un établissement d'enseignement supérieur d'intérêt général (EESPIG), a limité cette possibilité aux établissements créés par des associations, des fondations reconnues d'utilité publique, ou des syndicats professionnels (au sens de l'article L. 2131-1 du code du travail) justifiant d'une gestion désintéressée et non lucrative. Par ailleurs, le législateur en imposant l'exigence d'un contrat spécifiant la formation vétérinaire avec le ministère chargé de l'agriculture, donne à l'État les moyens juridiques nécessaires pour réguler les possibilités de création d'écoles vétérinaires privées d'intérêt général, alors que le droit commun en matière d'ouverture des établissements d'enseignement supérieur privés est un régime de liberté (article L. 731-1 du code de l'éducation hérité de la loi du 12 juillet 1875 relative à la liberté de l'enseignement supérieur, dite « Loi Laboulaye »). Une concertation large, associant notamment les organisations professionnelles vétérinaires, est en cours pour définir les conditions de mise en uvre de cette disposition d'origine parlementaire. Cet encadrement reposera sur un agrément préalable par le ministère chargé de l'agriculture, garantissant un niveau d'indépendance suffisant des établissements concernés par rapport aux intérêts économiques sectoriels, une accréditation de la formation par l'AEEEV, avec notamment une formation clinique comprenant une participation des étudiants à l'activité du centre hospitalier de l'école vétérinaire, ainsi qu'un adossement de la formation à une recherche en santé et production animale de qualité. De plus, le projet de dispositif d'encadrement des écoles vétérinaires privées prévoit aussi une admission des étudiants par concours. À l'issue de la cinquième année, les étudiants obtiendraient un certificat d'études fondamentales vétérinaires (CEFV), diplôme d'établissement visé par l'État, préalable indispensable à la soutenance, à l'issue de la sixième année d'études vétérinaires, d'une thèse d'exercice pour l'obtention du diplôme d'État de docteur vétérinaire délivré par une faculté de médecine d'une université. Le jury du concours et le jury du CEFV seraient nommés chaque année par le ministre chargé de l'agriculture. Enfin, un établissement d'enseignement supérieur agricole privé sous contrat est de plein droit habilité à recevoir des boursiers nationaux. Les conditions posées par le législateur et le projet d'encadrement réglementaire, en cours de définition, garantissent une formation scientifique et hospitalière de haut-niveau, adossée à la recherche, conduites et évaluées dans des conditions équivalentes au service public de l'enseignement vétérinaire, sans affaiblir l'excellence reconnue des ENV, ainsi que les moyens qui leur sont accordés. Par ailleurs, dans un contexte de contraintes budgétaires, le Gouvernement explore aussi les possibilités d'accroître les moyens et les effectifs d'étudiants des ENV. En ce qui concerne l'opportunité de créer des spécialités « vétérinaire de ville » ou « vétérinaire de campagne » dans le cadre des enseignements, il convient de noter qu'il n'existe pas d'exercice à caractère limité dans les règlementations européenne et française. L'enseignement doit obligatoirement couvrir tous les aspects de l'exercice. Néanmoins, en dernière année de cursus, les étudiants peuvent choisir un approfondissement concernant un ou plusieurs groupe d'espèces animales.
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