Question de Mme RAIMOND-PAVERO Isabelle (Indre-et-Loire - Les Républicains) publiée le 10/06/2021
Mme Isabelle Raimond-Pavero attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur l'interdiction, à compter du 1er janvier 2022, de l'installation dans les bâtiments neufs et sur le remplacement dans l'existant, des chaudières fonctionnant au fioul et au gaz.
Sa question porte plus particulièrement sur les conséquences sur la filière de distribution de produits énergétiques.
Cette entrée en vigueur sans réelle concertation fragilise un secteur tout entier représentant plus de 15 000 salariés mais également des milliers de Français et particulièrement ceux habitant dans des territoires ruraux. En effet, le fioul domestique est aujourd'hui la troisième énergie de chauffage en France, soit 3,2 millions de maisons individuelles en résidences principales et principalement dans des zones non desservies par le gaz de réseau.
Cette décision intervient alors même que les distributeurs de fioul ont engagé avec les autres filières concernées (chaudiéristes, chauffagistes, filière agricole) un processus de transition rapide vers le biofioul.
Alors que des dispositifs de soutien et d'incitation à la production de biofioul et de biogaz sont mis en œuvre au profit des agriculteurs, ces derniers risquent d'être privés de débouchés à très court terme et ce alors même qu'ils ont consenti des investissements très importants en raison de cette entrée en vigueur dans moins d'un an.
En conséquence, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer, d'une part, les mesures que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour prendre en considération les problématiques que rencontreront les utilisateurs de chaudière fonctionnant au fioul ou au gaz notamment en milieu rural et, d'autre part, les mesures de soutien qui seront accordées aux agriculteurs qui se sont engagés dans la production de biomasse à des fins énergétiques et aux Français dans une plus large mesure.
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Réponse du Ministère de la transition écologique publiée le 17/06/2021
Le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat publié en 2018 nous a rappelé l'urgence d'agir contre le réchauffement climatique pour demeurer sur une trajectoire compatible avec un réchauffement inférieur à 2 °C à la fin du siècle. C'est pourquoi le Gouvernement a fixé l'objectif ambitieux d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 et a fait de la réduction des émissions de gaz à effet de serre une priorité pour notre politique énergétique. La stratégie nationale bas carbone (SNBC) fixe comme objectif de diminuer d'ici 2050 (par rapport à 2012) de 87 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur du bâtiment, responsable à lui seul du quart des émissions de GES de la France. La consommation d'énergie pour le chauffage des bâtiments existants constitue le plus grand gisement de réduction des émissions de GES du secteur, et la réduction du chauffage au fioul constitue un moyen efficace et rapidement accessible de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Dans ce cadre, le 14 novembre 2018, le Gouvernement s'est fixé pour objectif d'arrêter le chauffage domestique au fioul sous 10 ans. En effet, les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre impliquent d'améliorer radicalement la performance énergétique des bâtiments et d'en accélérer la rénovation. La poursuite de ces objectifs permet aussi de diminuer les factures d'énergie, notamment des ménages les plus modestes et de créer de l'emploi local réparti sur tout le territoire. Le 20 juillet 2020, la convention citoyenne pour le climat a mis l'accent, par sa proposition SL1.2 « Obliger le changement des chaudières au fioul et à charbon d'ici à 2030 dans les bâtiments neufs et rénovés », sur la nécessité de compléter les dispositifs incitatifs par un cadre réglementaire renforcé. Cette mesure fera l'objet d'un décret, dont la préparation est en cours en association avec les filières professionnelles (fournisseurs de combustibles, fabricants et installateurs d'équipements de chauffage). Pour accompagner cette transition énergétique, de nombreuses aides peuvent être mobilisées par les ménages afin de financer le remplacement de leur équipement : la TVA au taux réduit de 5,5 % qui est directement appliquée aux travaux par les entreprises qui les réalisent ; les certificats d'économies d'énergie (CEE) et en particulier le « Coup de pouce chauffage » qui permet de bénéficier d'une prime entre 450 et 4 000 en fonction du niveau de revenu et de l'équipement installé ; MaPrimeRenov' qui permet de bénéficier d'une prime entre 800 et 10 000 en fonction du niveau de revenu et de l'équipement installé, cumulable avec les certificats d'économies d'énergie. De plus, les ménages ont la possibilité de financer leur reste à charge par l'ouverture d'un éco-prêt à taux zéro qui est un prêt accordé par des banques, avec un taux d'intérêt nul. En moyenne, le taux d'aide pour l'achat et l'installation du nouveau matériel est évalué à 50 % (variant selon le revenu des ménages). Le niveau d'aide pour les ménages très modestes et modestes est respectivement de 85 % et 75 % pour l'installation d'une chaudière à granulés, de 65 % et 60 % pour l'installation d'une pompe à chaleur, et de 60 % et 50 % pour l'installation d'une chaudière à condensation au gaz. Enfin, le reste à charge est en partie amorti par une diminution de la facture énergétique des ménages. En moyenne, la facture annuelle de chauffage d'un ménage avec un équipement au fioul est estimée à 2 000 . Les économies d'énergie sont en moyenne de 1 000 d'économies par an. Afin d'appuyer les ménages dans le remplacement de leur équipement de chauffage, l'offre d'accompagnement proposée par le réseau « FAIRE » est renforcée, grâce au déploiement du programme CEE « SARE ». La sécurité d'approvisionnement électrique est une préoccupation importante et constante du Gouvernement. RTE, le gestionnaire du réseau de transport, est responsable de l'exploitation du système électrique et de l'équilibre entre l'offre et la demande. À ce titre, il publie tous les ans des analyses saisonnières de la sécurité d'approvisionnement (pour le passage de l'été et pour le passage de l'hiver) et conduit régulièrement des analyses prévisionnelles (appelées « bilan prévisionnel ») couvrant au minimum 10 ans. S'agissant plus spécifiquement de l'impact sur le système électrique de l'évolution du chauffage dans les bâtiments, RTE et l'ADEME ont publié fin 2020 une étude conjointe. Cette dernière conclut que la rénovation des bâtiments couplée au développement de solutions de chauffage électrique efficaces est une solution pertinente pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (à un rythme compatible avec l'atteinte de la neutralité carbone), sans engendrer de difficulté sur le système électrique. En effet, la pointe de consommation électrique restera contenue si l'électrification du chauffage se fait via le déploiement d'équipements énergétiquement performants et que les objectifs du Gouvernement en termes de rénovation des bâtiments existants sont atteints. Le Gouvernement est également conscient des évolutions auxquelles devront faire face les professionnels de la distribution du fioul alors que les volumes distribués sont déjà en baisse depuis plusieurs années. L'incorporation de biocarburants que vous évoquez ne peut cependant constituer une voie d'avenir que si elle permet une décarbonation totale à un horizon rapide. Aujourd'hui, seul le fioul contenant 7 % de biofioul est autorisé par arrêté interministériel. La faisabilité d'autoriser un fioul avec une teneur supérieure à 10 % de biofioul est en cours d'étude par le bureau de la normalisation du pétrole, en considérant en particulier les problèmes de transport et de stockage longue durée qui pourraient être engendrés par l'incorporation de biofioul, ainsi que la dégradation potentielle du combustible en présence de cuivre. Indépendamment des considérations techniques d'utilisation, le Gouvernement est également attentif aux conditions de production des matières premières utilisées afin de limiter le phénomène de changement d'affectation des terres direct et indirect, cause du déclin de la biodiversité et source d'émissions de gaz à effet de serre. Pour cette raison, la quantité de biocarburants produits sur des terres agricoles est limitée au niveau européen, et le gisement français est déjà utilisé. La France importait en 2019 plus de 50 % du colza nécessaire à la fabrication d'ester méthylique d'acide gras (EMAG) pour le marché national du biodiesel. La fin de l'huile de palme dans le biodiesel en 2020 et le plafonnement strict du soja en 2021 et 2022 vont également accroître la demande de colza pour le secteur du transport et donc limiter sa disponibilité pour le chauffage. De plus, le biofioul coûte actuellement environ deux fois plus cher que le fioul domestique. Enfin, si l'EMAG de colza permet de réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre, un fioul incorporant 30 % d'EMAG réduirait donc de 15 % les émissions, ce qui est très largement inférieur à la réduction permise par les alternatives comme la pompe à chaleur. Ce calcul ne prend de plus pas en compte les émissions non-mesurables induites par le phénomène de changement d'affectation des sols indirect. De façon plus globale, les analyses réalisées dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) ont fait ressortir la forte contrainte sur la disponibilité de la ressource en biomasse dans la perspective de l'atteinte de la neutralité carbone en 2050. Ainsi, l'utilisation de combustibles, y compris d'origine renouvelable, doit diminuer fortement dans les secteurs où des alternatives techniquement et économiquement crédibles existent (ce qui est le cas du bâtiment), afin de les réserver aux secteurs plus difficiles à décarboner (mobilité lourde, aérien et industrie notamment). La SNBC prévoit ainsi une quasi-disparation des combustibles liquides (y compris bio) à horizon 2050 dans le secteur du bâtiment, et une forte baisse des combustibles gazeux. L'installation de nouvelles chaudières fioul, même compatible avec une part de biofioul, est contradictoire avec cette vision. L'incorporation d'une part inférieure à 30 % de biofioul dans le fioul domestique apparaît donc comme une solution transitoire qui devrait rester marginale et réservée aux cas où aucune autre alternative n'est envisageable.
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