Question de M. PELLEVAT Cyril (Haute-Savoie - Les Républicains-R) publiée le 10/06/2021
M. Cyril Pellevat attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur les importantes inégalités économiques et sociales dans les régions frontalières.
Si le coefficient de Gini, permettant d'établir un classement des pays selon les inégalités économiques et sociales, place la France en bonne position, certaines villes frontalières à d'autres pays, et notamment la Suisse, souffrent néanmoins d'importantes inégalités, dont l'exemple le plus flagrant est le cas de la ville d'Annemasse en Haute-Savoie.
En effet, selon le dernier rapport annuel publié par l'observatoire des inégalités le mercredi 2 juin 2021, Annemasse est la quatrième ville la plus inégalitaire de France. Il a été constaté que l'écart entre le premier et dernier décile est particulièrement élevé : le premier décile présentant des personnes vivant avec environ moins de 800 euros par mois et le dernier présentant des personnes vivant avec environ 4 200 euros par mois. Cela représente un rapport de force de plus de 5,3.
Cette disparité est notamment due à sa proximité avec la ville prospère de Genève, capitale touristique d'un des pays les plus riches du monde. Cette situation présente un vecteur économique et social à double tranchant, entre opportunité des salaires attractifs et un inconvénient social dangereux puisque le taux de pauvreté atteint 22 %, soit 3 points de plus par rapport à la moyenne nationale.
Aussi, il lui demande ce qu'il compte mettre en œuvre afin de limiter et pallier aux inégalités abyssales dans les régions frontalières et s'il a été prévu un plan local concernant l'emploi. Il souhaite également savoir s'il entend mettre en place une régulation du pouvoir d'achat, relativement faible dans ces territoires pour les populations défavorisées.
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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la relance publiée le 23/09/2021
Les inégalités de niveau de vie, telles que mesurées par l'indice de Gini, sont effectivement légèrement plus faibles en France que dans les autres pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La question porte toutefois ici sur les inégalités internes à la ville d'Annemasse, ce qui renvoie à une problématique particulièrement locale. Les inégalités sont effectivement plus élevées à Annemasse que dans la moyenne des autres villes. Cela s'explique notamment par le niveau de vie médian qui est particulièrement élevé dans ce territoire, avec notamment des ménages à très hauts revenus dont la présence tire mécaniquement les inégalités à la hausse. Pour autant, la pauvreté présente dans la ville d'Annemasse, tout comme la pauvreté présente dans les autres territoires de France, est combattue vigoureusement par le Gouvernement. Tout d'abord, dans le contexte de la crise de Covid-19, les mesures de soutien mises en uvre par le Gouvernement ont permis de compenser en grande partie l'impact de la crise sur les ménages. Sur l'ensemble des ménages, la comptabilité nationale indique à ce stade un maintien du pouvoir d'achat des ménages par unité de consommation en 2020 (+0,0 % [i] ). En effet, la baisse de revenus du travail aurait été grandement limitée par la mise en place de l'activité partielle, du fonds de solidarité, de l'extension des indemnités journalières et des aides exceptionnelles (pour les bénéficiaires des minima sociaux, pour les travailleurs précaires et les jeunes). Une étude du Conseil d'analyse économique met en évidence une diminution importante de la fragilité financière des ménages, au regard d'un faisceau d'indicateurs bancaires centrés sur les ménages précaires [ii]. En termes redistributifs, l'analyse par micro-simulation des aides monétaires exceptionnelles à destination des ménages les plus vulnérables pendant la crise montre qu'elles ont permis de cibler en priorité les ménages les plus précaires au regard des niveaux de vie d'avant crise. Il est estimé que plus d'un tiers des ménages bénéficiaires des aides exceptionnelles (hors aides ciblant les étudiants) se situent dans le premier dixième de niveau de vie, et près des deux tiers dans les deux premiers dixièmes [iii]. Avant que ne survienne la crise, les inégalités avant redistribution avaient fortement augmenté depuis dix ans, mais le système socio fiscal avait amorti cette hausse : en 2018, après redistribution, les inégalités n'étaient que légèrement supérieures à leur niveau de 2008 [iv]. Pour renforcer l'efficacité du système socio-fiscal, le Gouvernement avait commencé à déployer dès 2018 sa stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, visant à combattre la pauvreté dans toutes ses dimensions. À plus long terme, la diminution de la pauvreté et des inégalités repose sur la création d'emplois, ce à quoi s'attache l'ensemble de la politique économique du Gouvernement. Les évolutions du début du quinquennat étaient positives et le plan de relance vise à rétablir la dynamique de création d'emplois enrayée par la pandémie de Covid-19. Le Gouvernement s'attaque par ailleurs à la réduction des inégalités des chances, dont l'impact favorable sur les réductions des inégalités monétaires se fera sentir à moyen long terme. Face à un système éducatif qui se révèle très inégalitaire, a fortiori dans un contexte de détérioration des conditions d'apprentissage du fait de la crise sanitaire, plusieurs mesures phare ont été mises en uvre : revalorisation des salaires et obligation de formation continue pour les enseignants, instruction obligatoire dès trois ans, dédoublement des classes de cours préparatoire (CP) et cours élémentaire première année (CE1) dans les réseaux d'éducation prioritaire, etc. Enfin, le Gouvernement souhaite s'assurer qu'aucun territoire ne décroche à l'issue de cette crise et a donc missionné le député Jean-Noël Barrot d'identifier les territoires fragiles pour accompagner ensuite le rebond économique. Son rapport, rendu public le 30 juin 2021, suggère en particulier de réserver des enveloppes de subventions au traitement de problématiques économiques localisées, à l'instar du plan « Avenir Montagnes » lancé en mai 2021, qui a vocation à soutenir les territoires montagneux, particulièrement affectés par la crise. --------------------------------------- [i] Insee, Informations Rapides n° 136 du 28 mai 2021. [ii] Cf. Camille Landais, Chloé Lavest, Etienne Fize (2021). [iii] Cf. le billet d'Agnès Bénassy-Quéré « Ménages modestes : impact des mesures de soutien exceptionnelles », 23 décembre 2020. [iv] Cf. « Revenus et patrimoine des ménages », Insee Références, Edition 2021.
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