Question de Mme BRULIN Céline (Seine-Maritime - CRCE) publiée le 10/06/2021
Mme Céline Brulin attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur l'ouverture de registres de morbidité suite à l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen en 2019. Cette catastrophe industrielle majeure et les auditions menées par la commission d'enquête sénatoriale ont mis en lumière l'importance d'une règlementation environnementale exigeante et de la mise en place d'un suivi sanitaire rigoureux à long terme de toute la population qui a été touchée par cet incendie exceptionnel. D'autant qu'à ce jour des incertitudes demeurent sur les conséquences sanitaires et environnementales de cette catastrophe. En matière de suivi épidémiologique des populations exposées à un enjeu de santé publique, le principe de précaution doit prévaloir. Une enquête publique a bien été menée par Santé publique France à l'été 2020, sur un échantillon de 10 000 personnes, mais celle-ci visait à appréhender le ressenti des populations au détriment de données plus exhaustives qui pourraient être obtenues en s'appuyant sur la santé déclarée des sondés. En ce sens, 2 registres de morbidité pourraient être ouverts à l'échelle du département de la Seine-Maritime, l'un relatif aux cancers généraux et l'autre aux malformations congénitales. Ils devraient couvrir à minima les cantons exposés aux fumées, mais pourraient également être étendus à l'ensemble du département de façon à offrir une comparaison entre les populations se trouvant immédiatement sous le nuage et celles qui ont été moins directement exposées. C'est pourquoi elle lui demande s'il entend autoriser la mise en place de tels registres.
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Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 28/10/2021
L'incendie de Lubrizol survenu le 26 septembre 2019 a généré l'émission d'un important panache de fumée au-dessus de la ville de Rouen et des retombées dans plusieurs départements des régions Normandie et Hauts-de France, et a ainsi suscité de nombreuses inquiétudes au sein de la population, notamment quant à son impact sanitaire. Suite à cet évènement, le Gouvernement s'est fortement mobilisé et le reste encore aujourd'hui. Un plan d'actions gouvernemental a été mis en place en 2020 comprenant des volets relatifs à la prévention des accidents technologiques, à la gestion de crise, au suivi des conséquences environnementales et sanitaires de ces accidents, et enfin, au renforcement de la culture du risque et des contrôles et inspections. S'agissant plus particulièrement de l'impact sanitaire de l'évènement, dès les premières heures qui ont suivi l'accident, des mesures d'urgence ont été mises en uvre pour assurer la protection des populations. Aussi, aucune victime n'a été à déplorer. De plus, la surveillance épidémiologique mise en place immédiatement après l'incendie par un suivi syndromique renforcé auprès des services d'urgence et de SOS Médecins dans les régions impactées a permis de montrer que le bilan sanitaire à court terme a été très modéré. Afin d'évaluer plus largement l'impact sanitaire de l'évènement, Santé publique France (SpF) a proposé la mise en place de quatre études, à savoir : une étude de santé déclarée en population, un suivi dans le temps, pendant plusieurs années, d'indicateurs de santé à partir des données du système national des données de santé (SNDS), une étude d'opportunité et de faisabilité de la mise en place d'une bio surveillance de la population et un suivi sanitaire des travailleurs qui sont intervenus pendant l'incendie. La première étude, nommée « une étude à l'écoute de votre santé » permet de recueillir des informations sur le ressenti de la population quant à l'impact physique et psychologique de l'évènement. Les résultats de cette étude, qui ont été publiés le 5 juillet 2021, montrent qu'au cours de l'incendie ou dans ses suites immédiates, 60% des habitants de la zone étudiée ont ressenti au moins un symptôme ou un problème de santé qu'ils attribuent à l'accident (symptômes psychologiques, ORL, oculaires, respiratoires ou encore de troubles du sommeil). Un an après, une altération globale de la santé perçue est observée, portant essentiellement sur la santé psychologique. En effet, les effets physiques ne sont, quant à eux, plus significatifs. La seconde étude s'intéressera au suivi de données d'activités de soins à moyen et long termes et reposera sur une exploitation du système national des données de santé. Elle visera à évaluer l'état de santé de la population exposée à l'incendie, à partir des données sanitaires disponibles, en comparaison avec la période précédant la survenue de l'accident ou avec d'autres populations non exposées, et particulièrement au regard des résultats de l'étude de santé déclarée qui mettent en exergue un impact sur la santé psychologique. Renouvelée à intervalles réguliers, elle permettra de mettre en évidence une possible évolution de l'état de santé des populations riveraines et de mettre en uvre si nécessaire les actions de prévention adaptées au regard de ces éventuelles évolutions. Ses premiers résultats, qui concerneront les effets à court et moyen termes de l'accident, sont prévus à partir du second trimestre 2022. Ce calendrier resserré est notamment rendu possible par la mise à contribution des données du SNDS plutôt que la mise en place d'un registre spécifique. En plus de ces études dont l'approche est populationnelle, a été mis en uvre un plan de surveillance environnementale inédit de par son ampleur. Plus de 300 000 analyses ont été effectuées dans l'air, l'eau, les végétaux, le sol afin d'apprécier l'impact de l'évènement sur les milieux. L'analyse de ces données n'a pour le moment pas mis en évidence d'anomalies, ni montré d'impact de l'incendie sur l'environnement. A cet égard, SpF, qui est également chargé d'analyser la pertinence et la faisabilité d'une étude de bio surveillance, a conclu à la non pertinence de conduire une telle étude. En effet, l'analyse des données environnementales, en l'état actuel des connaissances, ne permet pas de conclure à l'observation d'une contamination apportée par l'incendie différentiable d'une pollution industrielle historique. Aucun élément objectif n'apparaît donc en faveur d'une surexposition des populations riveraines aux substances identifiées. Enfin, une évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS) a également été prescrite par arrêté préfectoral à Lubrizol et NL-Logistique. Sous réserve des conclusions de la tierce expertise de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), cette évaluation à la fois rétrospective, à partir des résultats d'analyses et d'une modélisation a posteriori du panache de fumée, et prospective pour estimer les impacts à moyen et long termes de l'incendie, montre des résultats rassurants et conformes aux indications et aux recommandations faites par les services de l'Etat tout au long de l'évènement. Seules les zones les plus proches de l'incendie et un point ponctuel sur les quais rive droite présentent des niveaux de risques notables, pour des effets de type inflammations et irritations respiratoires, au moment de l'incendie, comparables aux risques liés à un épisode de pic de pollution. L'ensemble des résultats de ces études, prenant à la fois en compte le ressenti des populations, le suivi de l'incidence de certaines pathologies à partir de bases de données, l'analyse de très nombreux prélèvements environnementaux et le calcul d'un éventuel excès de risques permettront d'avoir une bonne estimation de l'évaluation de l'impact sanitaire global de l'incendie. En outre, une restitution de l'ensemble de ces travaux (à l'exception de l'étude de suivi des indicateurs du SNDS qui n'a pas débuté) s'est tenue le 5 juillet 2021 dans le cadre du Comité pour la transparence et le dialogue présidé par le préfet de la région Normandie et en présence de SpF.
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