Question de M. DECOOL Jean-Pierre (Nord - Les Indépendants-A) publiée le 24/06/2021
Question posée en séance publique le 23/06/2021
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le ministre de l'intérieur, le spectre d'une abstention massive nous menaçait. Pour une fois, les sondages ne se sont pas trompés et l'ensemble de la classe politique a reçu une douche froide. L'abstention a atteint un niveau historique : deux Français sur trois ne se sont pas exprimés.
N'est-il pas urgent d'éclaircir les origines de ce phénomène et d'esquisser des pistes de réflexion, au-delà des satisfactions et des déceptions politiques des uns et des autres ?
Le covid a sa part de responsabilité, certes, et le chemin vers les isoloirs n'était peut-être pas la priorité des Français.
Si la grande gagnante est l'abstention, j'aimerais connaître la ou les sources de cet étrange paradoxe : il est très souvent reproché à notre classe politique nationale d'être éloignée du terrain ; mais quand vient le temps des élections locales, les électeurs sont aux abonnés absents.
On a vu les « gilets jaunes » se plaindre du manque de représentativité ; on entend les jeunes se lamenter du manque de rendez-vous démocratiques, mais quand ces rendez-vous sont fixés, cela fait « pschitt ! », il n'y a plus personne pour les honorer.
Comment expliquer cette désaffection démocratique ?
Je n'ai pas d'explications satisfaisantes et les ratés de livraison des professions de foi ne justifient pas tout. Alors que nous disposons de moyens de communication vertigineux, je m'interroge sur les modalités de l'exercice démocratique.
Aussi n'est-il pas temps de se poser officiellement certaines questions ? La concomitance de deux élections le même jour est-elle heureuse ? Ne serait-il pas opportun de recourir à des solutions technologiques face à un certain archaïsme démocratique, en admettant le vote par correspondance ou le vote par internet, même si beaucoup y sont réticents ? Ne faudrait-il pas se poser la question du vote obligatoire voire du vote blanc, même si cela ne s'inscrit pas forcément dans la démarche constitutionnelle ? Qui compose cette majorité silencieuse ?
Après quarante ans de vie politique locale comme ancien maire d'une commune rurale et vingt années de vie parlementaire, je suis, comme nous tous, abasourdi par cette désaffection des électeurs. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 24/06/2021
Réponse apportée en séance publique le 23/06/2021
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Jean-Pierre Decool, l'abstention nous choque tous, bien évidemment. Des questions doivent être posées puisque, comme vous l'avez dit, le silence et là, il veut dire quelque chose et il vient de loin.
Pour les premières élections régionales, à la fin des années 1980, 77 % de Français étaient allés voter. Lors des élections de 2015, qui n'étaient pas organisées en concomitance avec un autre scrutin, qui n'ont pas été reportées, à l'occasion de laquelle les professions de foi sont, pour la plupart, arrivées à l'heure, qui ne se sont pas déroulées durant une crise comme celle du covid, 50 % seulement des Français étaient allés voter.
En plus de vingt ans, l'abstention a donc augmenté de vingt points aux élections locales. Nous avons d'ailleurs constaté le même niveau d'abstention dans de très nombreuses grandes villes de France au premier tour des élections municipales de mars dernier 2020 comme au second, lorsque celui-ci a été nécessaire.
En revanche, pour l'élection présidentielle, même si elle connaît une participation en baisse, 75 % des Français vont aux urnes.
Nous pouvons bien sûr nous poser la question des modalités, qui peuvent très certainement être améliorées en conservant le secret du scrutin afin d'éviter les pressions communautaires, patriarcales ou familiales. Il faut évidemment réfléchir à la modernisation du vote.
Nous pouvons toutefois également considérer que l'abstention s'explique non pas simplement par ces modalités, mais aussi par les politiques plus profondes qui touchent l'Occident, dans la mesure où tous les pays sont touchés, et singulièrement la France.
Monsieur le sénateur, nous devons y réfléchir collectivement, après le second tour des élections régionales et départementales. Avec un peu de recul, la concomitance des deux scrutins, souhaitée en 2015, n'était peut-être pas la meilleure des solutions pour favoriser la bonne compréhension de nos concitoyens. Nous pourrions également modifier les lois pour nous permettre de faire un seul bureau de vote, par exemple, et de rendre plus clairs un certain nombre d'exercices de vote.
Il nous faut réfléchir aux modalités du scrutin, et je suis évidemment à la disposition du Parlement, et singulièrement du Sénat, pour cela. (M. Frédéric Marchand applaudit.)
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