Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 17/06/2021
Question posée en séance publique le 16/06/2021
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, monsieur le ministre, en octobre 2020, l'Afrique du Sud et l'Inde déposaient auprès de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, une demande de suspension des dispositions de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, ou Adpic, concernant toutes les technologies développées contre la covid-19.
Soutenue par une centaine de pays, ainsi que par la majorité des membres de l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé, et appuyée récemment par le président des États-Unis Joe Biden, cette demande est défendue par des militants syndicaux, associatifs et politiques, notamment dans les pays pauvres, qui se mobilisent contre les effets de la propriété intellectuelle sur le droit à la santé et l'accès effectif aux soins et aux produits pharmaceutiques.
Après avoir refusé la levée des brevets, le Président de la République a indiqué, mercredi dernier devant des représentants d'associations, et, jeudi, en conférence de presse, que la France soutiendrait la demande de l'Afrique du Sud et de l'Inde.
Néanmoins, des ambiguïtés demeurent. Monsieur le ministre, alors qu'une réunion informelle doit justement se tenir demain à l'OMC, pouvez-vous nous préciser la position de la France sur ce sujet ?
Quelles sont les modifications que le Président de la République souhaite apporter, à la demande de l'Afrique du Sud et de l'Inde ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 17/06/2021
Réponse apportée en séance publique le 16/06/2021
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, nous sommes tout à fait convaincus de la nécessité de faire du vaccin un bien public mondial.
Cet objectif requiert un certain nombre de conditions : des contributions financières et des dons, pour lesquels nous sommes au rendez-vous, comme nous l'avons montré encore par l'intervention du Président de la République lors de la réunion du G7 en Cornouailles.
M. Fabien Gay. Cela, ce sont des mots !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Non, ce ne sont pas des mots : 60 millions d'euros de dons, ce ne sont pas des mots !
Monsieur le sénateur, revenant d'Afrique, où j'ai pu constater la collaboration constante de la France avec un certain nombre de pays, je puis vous assurer que ce ne sont pas des mots pour les responsables africains, même si cela peut l'être pour vous.
Madame la sénatrice Cohen, en ce qui concerne l'Afrique du Sud et l'Inde, nous sommes en discussion avec ces pays pour élaborer la mise en uvre du projet d'usine de vaccins en Afrique, singulièrement en Afrique du Sud et au Sénégal.
L'objectif est de faire en sorte que soient levés le plus rapidement possible tous les éléments qui bloquent la diffusion globale des vaccins et la recherche d'une immunité pour l'ensemble des citoyens de la planète.
Or les facteurs bloquants sont d'abord ceux qui sont liés à l'exportation. J'ai bien noté que, jusqu'à présent, les États-Unis d'Amérique, tout en étant favorables à la levée des brevets, ne l'étaient pas à celle des processus d'exportation. Il semble que cette donnée soit en train de changer depuis la réunion du week-end dernier, et c'est tant mieux.
En ce qui concerne les brevets, nous avons toujours considéré que la propriété intellectuelle ne devait pas constituer un obstacle à la diffusion des vaccins. Nous restons dans cette logique.
Au sein de l'OMC et de l'OMS, des dispositifs existent pour éviter l'accaparement des brevets par les entreprises de production pharmaceutique. Il s'agit simplement de les mettre en uvre. L'Union européenne vient de formuler une proposition en ce sens. Nous souhaitons qu'elle soit appliquée au sein de ces organismes, avec, je l'espère, le soutien des États-Unis d'Amérique, qui doivent non pas se contenter de faire des propositions à caractère déclaratoire, mais également formuler des propositions d'action.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Mme Laurence Cohen. Quelle crédibilité accorder à vos propos, monsieur le ministre, comme à ceux du Président de la République, quand les députés européens de La République En Marche s'opposent à la levée des brevets et quand le Gouvernement refuse d'utiliser les pouvoirs de réquisition des usines conférés au Premier ministre par la loi sur l'état d'urgence sanitaire ?
Les brevets constituent un verrou au développement d'une production mondiale. Vous proférez de belles paroles, mais il ne se passe rien quand on en vient aux actes. Si vous soutenez la demande de l'Afrique du Sud et de l'Inde, prouvez-le, en la portant auprès du G7 et de l'OMC. Moins de promesses, monsieur le ministre, et plus d'actes !
Aujourd'hui, un casino spéculatif tourne à plein régime pour les Big Pharma, et vous êtes de leur côté, et non de celui des populations pauvres, privées de vaccins. On ne peut venir à bout de cette pandémie avec une telle politique.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Laurence Cohen. Vous devez prendre vos responsabilités. L'Afrique du Sud et l'Inde attendent des actes, non des paroles ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER. Mme Esther Benbassa applaudit également.)
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