Question de Mme RENAUD-GARABEDIAN Évelyne (Français établis hors de France - Les Républicains-R) publiée le 20/05/2021
Mme Évelyne Renaud-Garabedian attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance, sur la fermeture des comptes bancaires en France de personnes fiscalement domiciliées au Liban. Ces derniers mois, les clôtures de comptes bancaires français des franco-libanais, des ressortissants français résidant au Liban ou encore des ressortissants libanais disposant de comptes bancaires en France se sont multipliées. Pour expliquer cette mise au ban des clients ayant des liens avec le Liban, les établissements bancaires soulèvent la situation politique actuelle du pays. Les banques craignent en effet d'être visées par une enquête des services de Tracfin en charge de la lutte contre la fraude, le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme ou de contrevenir aux lois américaines de restriction des relations commerciales avec certains pays. Ainsi, souhaitant se prémunir de toutes critiques, les banques préfèrent clore ces comptes, sans distinction, sur le fondement de l'article L. 312-1 du code monétaire et financier. Certaines de ces personnes se voient donc priver de comptes bancaires où elles perçoivent habituellement leur salaire ou leur pension, ou bien sur lequel elles financent les études de leurs enfants, s'acquittent de leurs impôts ou de leurs cotisations. Dans ces situations, elles peuvent recourir au droit au compte prévu par la Banque de France. Si cette procédure permet l'ouverture d'un compte, elle ne donne accès qu'à des services bancaires de base. Elle souhaiterait savoir s'il entend prendre des mesures à l'égard des banques pratiquant des clôtures abusives de comptes détenus par des clients en lien avec le Liban, qui sont pour beaucoup déjà fortement affectés par la crise économique que traverse ce pays.
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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la relance publiée le 09/09/2021
Le Gouvernement est conscient des difficultés auxquelles peuvent être confrontés les Français expatriés au Liban concernant la fermeture de comptes bancaires. Il convient tout d'abord de rappeler que dans le cadre d'une relation entre une banque et son client, en dehors d'une procédure de droit au compte, une banque peut clôturer un compte sans motiver sa décision, même si ce compte fonctionne convenablement, en vertu du principe de liberté contractuelle. Cette opération doit s'effectuer dans le respect de la convention de compte de droit privé en accordant au client un préavis d'au moins deux mois (article L. 312-1-1 du code monétaire et financier). Ce délai de préavis doit donner au client le temps suffisant pour ouvrir un autre compte et effectuer les dernières opérations utiles à la continuité de gestion des opérations en cours. Toutefois, si en vertu du principe de liberté contractuelle une banque peut clôturer un compte bancaire, cette liberté ne peut méconnaitre les limites posées par la loi en matière de discrimination, et notamment les articles L. 225-1 et L. 225-2 du code pénal. L'article L. 225-2 du code pénal précité précise que le fait de refuser la fourniture d'un bien ou d'un service en raison notamment de la nationalité ou de la localisation géographique constitue une discrimination. L'attention des établissements bancaires est ainsi régulièrement attirée sur l'importance du respect de la réglementation en matière de pratiques discriminatoires et des sanctions qui y sont associées en cas de non-respect. Par ailleurs, s'agissant des « services bancaires de base » fournis gratuitement à toute personne bénéficiant de la procédure du droit au compte, en application de l'article D. 312-5 du code monétaire et financier, ils comprennent : l'ouverture, la tenue et la clôture du compte ; un changement d'adresse par an ; la domiciliation de virements bancaires ; l'encaissement de chèques et de virements bancaires, sans limitation de leur nombre ; les paiements par prélèvement SEPA, titre interbancaire de paiement SEPA ou virement bancaire SEPA (pouvant être réalisé aux guichets ou à distance), sans limitation de leur nombre ; les dépôts et retraits d'espèces au guichet ou aux distributeurs automatiques de l'organisme teneur de compte ; une carte de paiement permettant notamment le paiement d'opérations sur internet et le retrait d'espèces dans l'Union européenne et des moyens d'information du client (délivrance à la demande de relevés d'identité bancaire, envoi mensuel d'un relevé des opérations effectuées sur le compte, des moyens de consultation à distance du solde du compte), deux formules de chèques de banque par mois ou moyens de paiement équivalents offrant les mêmes services. Il convient de rappeler que cette formule de compte n'est pas restreinte, et n'est en rien pénalisante dans la perspective de l'ouverture d'autres types de compte. Au contraire, aux termes de la charte d'inclusion bancaire et de prévention du surendettement homologuée par l'arrêté ministériel du 16 septembre 2020, les établissements de crédit sont tenus de proposer à leurs clients bénéficiaires des « services bancaires de base » un entretien annuel avec un conseiller afin d'évaluer si, compte tenu de l'évolution de leur situation personnelle et de leurs besoins, une autre offre de produits et services bancaires serait plus adaptée. Le client peut demander à cette occasion de bénéficier d'autres services que ceux inclus dans les « services bancaires de base » ; dans ce cas sa renonciation expresse au bénéfice de ces services gratuits est recueillie. Enfin, si les expatriés franco-libanais s'estimaient être victimes de fermetures abusives de comptes bancaires, il leur serait loisible dans un premier temps de saisir le service relations clientèle de la banque pour faire part de leur litige, et si celui-ci s'avérait persistant, ils auraient la possibilité dans un second temps de se rapprocher du médiateur désigné par leur établissement bancaire. Les coordonnées de ces services figurent sur les sites internet des banques. En cas de soupçon de discrimination, plusieurs possibilités sont offertes aux personnes qui s'estiment victimes de telles pratiques, il est possible de saisir le Défenseur des droits de la République française (https://www.defenseurdesdroits.fr) et si nécessaire d'effectuer un signalement. Par ailleurs, la jurisprudence a développé une acception large des faits relevant des pratiques discriminatoires. Cette interprétation, alliée aux aménagements de la charge de la preuve tels qu'ils résultent de la loi, sont protecteurs pour les victimes, qui demeurent libres d'ester en justice contre leur établissement bancaire si elles estiment que la clôture du compte est constitutive d'une pratique discriminatoire.
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