Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 22/04/2021
M. Jean Louis Masson rappelle à M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance les termes de sa question n°20326 posée le 28/01/2021 sous le titre : " Exploitation d'un fonds de commerce sur le domaine public ", qui n'a pas obtenu de réponse à ce jour. Il s'étonne tout particulièrement de ce retard important et il souhaiterait qu'il lui indique les raisons d'une telle carence.
- page 2603
Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la relance publiée le 23/09/2021
L'article L. 2124-32-1 du code général de la propriété des personnes publiques, créé par l'article 72 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises prévoit qu'« un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve de l'existence d'une clientèle propre ». Ces dispositions ont mis fin à la contradiction entre les jurisprudences du Conseil d'État et de la Cour de Cassation. Selon le juge administratif, un titre d'occupation du domaine public ne pouvait, en effet, donner lieu à la constitution d'un fonds de commerce dont l'occupant serait propriétaire (CE, 31 juillet 2009, Société Jonathan Loisirs, n° 316534), alors que la Cour de cassation admettait l'existence d'un fonds de commerce sur le domaine public (Cass. com., 7 mars 1978, Dame P c/Dame L , n° 76-13.388 ; Cass com., 28 mai 2013, société Queeky, Société Raphaël, n° 12-14.049) en se fondant sur la présence d'une clientèle propre, c'est-à-dire distincte des usagers du domaine, sans exiger depuis 2003 que cette clientèle soit prépondérante par rapport aux usagers du domaine (Cass. 3e civ., 19 mars 2003, Commune d'Orcières, n° 01-17.679). Les dispositions de l'article L. 2124-32-1 du code général de la propriété des personnes publiques n'ont cependant ni pour objet, ni pour effet, de modifier les règles de répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction telle que précisées par le Tribunal des conflits. Le contentieux de la gestion du domaine public relève du juge administratif, l'article L. 2331-1 du code général de propriété des personnes publiques disposant notamment que « sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs : / 1° Aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordées ou conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires ( ) ». Le Tribunal des conflits a, par ailleurs, jugé que le litige né de la résiliation du contrat de droit privé passé entre une personne privée, occupante du domaine public mais qui n'était pas délégataire d'un service public, et une autre personne privée, relevait de la compétence des juridictions judiciaires, au motif que l'occupant du domaine public n'agissait pas pour le compte de la personne publique (TC, 14 mai 2012, Gilles, n° 3836). Dans le cadre des principes ainsi rappelés, le juge administratif peut notamment être saisi d'un recours indemnitaire introduit par l'occupant privatif du domaine public dont le titre a fait l'objet d'une fin anticipée ou d'un non-renouvellement, en vue d'obtenir réparation des préjudices subis. Si le juge administratif refusait auparavant d'indemniser le préjudice né de la perte d'un fonds de commerce, au motif qu'un tel fonds ne pouvait être constitué sur le domaine public, il acceptait en revanche d'indemniser « le préjudice direct et certain résultant de la résiliation de la convention d'occupation domaniale avant son terme, tel que la perte des bénéfices découlant d'une occupation du domaine conforme aux prescriptions de la convention et des dépenses exposées pour l'occupation normale du domaine, qui auraient dû être couvertes au terme de cette occupation » (CE, 31 juillet 2009 Société Jonathan Loisirs, ci-dessus mentionné). Le Conseil d'État a maintenu cette jurisprudence pour les conventions d'occupation domaniale conclues avant l'entrée en vigueur des dispositions de l'article L. 2124-32-1 du code général de la propriété des personnes publiques, celles-ci n'étant en effet « applicables qu'aux fonds de commerce dont les exploitants occupent le domaine public en vertu de titres délivrés à compter de [l'entrée en vigueur de la loi] » (CE, 24 novembre 2014, Société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais, n° 352402). Pour les conventions conclues après cette entrée en vigueur, il revient désormais au juge administratif, dans le cadre de tels litiges, d'apprécier l'existence d'une clientèle propre. À défaut, l'occupant privatif ne pourra pas obtenir l'indemnisation du préjudice tenant à la perte d'un fonds de commerce. À cet égard, le juge administratif pourrait s'inspirer de la méthode d'identification de l'existence d'une clientèle propre dégagée par la Cour de cassation dans le cadre des litiges qu'elle est amenée à connaître, tels que ceux entre un primo-occupant non délégataire d'une activité de service public et un occupant secondaire, ou un occupant non délégataire de service public et le repreneur de son fonds de commerce exploité sur le domaine public (Cass, 3ème civ., 5 avril 2018, 17-10.466).
- page 5504
Page mise à jour le