Question de Mme LIENEMANN Marie-Noëlle (Paris - CRCE-R) publiée le 22/04/2021

Mme Marie-Noëlle Lienemann interpelle M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance, au sujet de la capacité de la France à exploiter elle-même ou à faire exploiter par des entreprises françaises son domaine maritime.
La France se trouve dans une situation paradoxale et inacceptable quant à son domaine maritime. D'un côté, elle en a augmenté l'étendue en janvier 2021. En effet, le domaine maritime sous-marin national a été étendu officiellement de quelque 150 000 km2 dans l'Océan indien à la suite de la publication de deux décrets au Journal officiel en janvier 2021 qui fixent de nouvelles limites de son plateau continental en accord avec la commission des Limites du plateau continental de l'organisation des Nations unies.
De l'autre, le Gouvernement a laissé passer sous contrôle américain l'une des rares – pour ne pas dire la seule – entreprises françaises capables d'exploiter nos fonds marins qui contiennent des matières premières et métaux rares. Ainsi en 2017, le Gouvernement a initialement autorisé le partenariat de Technip, entreprise française, et de FMC Technologies, une filiale de FMC corporation, multinationale dont le siège est au États-Unis. Ce qui devait être un partenariat s'est transformé en fusion sous contrôle de FMC. En août 2019, FMC annonçait que TechnipFMC, la nouvelle entité fusionnée serait divisée en deux entreprises d'ingénierie indépendantes. L'ancienne entité Technip dégarnie des activités Subsea et de sa flotte, deviendrait Technip Energies et serait basée à Paris, alors que l'ancienne entité FMC Technologies renforcée des activités Subsea et de la flotte de bateaux garderait le nom TechnipFMC et serait basée à Houston. En février 2021, la scission a été finalisée. Donc en 4 ans à peine, le Gouvernement a, par un jeu de partenariats croisés, de fusion puis de scission, laissé partir un fleuron industriel, quasi unique acteur français de l'exploration et de l'exploitation des fonds marins (activité Subsea) sous contrôle étranger.
Le paradoxe est donc posé : la France étend son domaine maritime et perd ses capacités autonomes pour l'explorer et l'exploiter, et tout particulièrement dans des conditions réellement respectueuses de l'environnement et des éco-systèmes. C'est une perte de possibilités d'action, d'emplois industriels, de savoir-faire et de compétences. C'est aussi une perte de contrôle et de souveraineté inacceptable. Mais ce ne doit pas être une fatalité.
Elle lui demande ce qu'il entend mettre en place, au niveau français, pour recréer une filière et des entreprises françaises capables d'exploiter de manière écologique les fonds marins français sans être dépendant d'entreprises étrangères.

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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance - Industrie


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance - Industrie publiée le 05/08/2021

Avec l'accélération de la transition vers une économie décarbonée, la question de notre dépendance à l'égard de l'importation de certains métaux et minerais se pose avec de plus en plus d'acuité. A cet effet le comité pour les métaux stratégiques (COMES), créé en 2011, considère simultanément différentes solutions, tenant compte à la fois des différents risques (géopolitiques, techniques, écologiques, de stratégies des entreprises concurrentes) et de la capacité à industrialiser (caractère reproductible). Parmi les axes de travail de ce comité figurent l'accès aux ressources primaires terrestres et maritimes, le développement du recyclage, le soutien à la recherche et à l'innovation (nationalement sont impliquées à cet effet l'DEME, le BRGM, l'IFREMER, le CNRS ou le CEA ; la France a soutenu par ailleurs la thématique appropriée dans la composante « océans » du programme Horizon Europe 2021-2027, avec un souci de respect de l'environnement) et la coopération internationale. C'est ainsi que le comité interministériel de la mer du 22 janvier dernier a validé une stratégie nationale d'exploration et d'exploitation des ressources minérales des grands fonds marins, visant à encadrer l'action publique et à orienter les contributions du secteur privé sur les dix prochaines années. Le 3 mai 2021, le Premier ministre a défini un plan d'action pour les 3 prochaines années visant à la mise en œuvre de cette stratégie, via un comité ministériel dont l'animation a été confiée à M. Jean-Louis Levet. Parmi les cinq priorités de cette stratégie, portée par le secrétariat général de la mer, figure un projet de démonstrateur à échelle 25 % destiné à mesurer l'impact et la faisabilité d'une exploitation minière durable des grands fonds marins. L'enjeu est bien de valoriser ces ressources en lien avec le potentiel industriel français et, si TechnipFMC est associée de près au projet, une action volontariste a été mise en place pour identifier les entreprises françaises ayant vocation à rejoindre le consortium, notamment à travers l'organisation de réunions par les pôles de compétitivité « Mer ». En outre, il est prévu d'approfondir le sujet des grands fonds marins dans les feuilles de route technologiques de la filière des industriels de la mer, qui serviront de base au prochain appel à manifestation d'intérêt du conseil d'orientation pour la recherche et l'innovation des industriels de la mer (CORIMER). Au-delà des aspects technologiques, l'Etat encourage aussi la recherche en sciences humaines et sociales sur l'économie bleue, et vient d'instaurer un concours national à cet effet, où des thèses concernant le droit de la mer et les pratiques observées ont toute leur place. Soulignons qu'une démarche de cette envergure ne pourra se faire sans coopération avec nos partenaires notamment européens, a fortiori ceux qui détiennent des permis d'exploitation ou des capacités industrielles en la matière. Ce projet peut également être relié au travail d'analyse de nos dépendances stratégiques en cours de réalisation par la Commission européenne, dont les premières conclusions révèlent que 137 produits et composants seraient concernés. Quant au Parlement européen, il a appelé en juin à un moratoire sur l'exploitation des grands fonds marins. Il faut également noter que l'expertise technologique pour les activités profondes se retrouve dans d'autres domaines (il en est ainsi par exemple pour la pose et la maintenance des câbles sous-marins, ou l'exploration scientifique des grands fonds, qui dans chaque cas correspond à des compétences où existent des entreprises françaises), l'ensemble des activités recouvertes par cette exploitation devant reposer sur une analyse économique des différents besoins. S'agissant de Technip Energies, Bpifrance a renforcé sa participation dans cette entreprise en investissant 100 M$ le 31 mars dernier. Centrée sur la France avec un siège opérationnel à Paris, Technip Energies est positionnée comme leader dans des technologies d'avenir comme l'hydrogène, la chimie verte, la gestion du CO2 ou l'éolien en mer ainsi que dans l'ingénierie de projets complexes notamment dans le GNL. Conformément à ses engagements internationaux portant sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l'Etat soutient cet acteur français du secteur parapétrolier afin qu'il se diversifie et participe à l'accélération de la transition énergétique. https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/secteurs-professionnels/industrie/chimie/metaux-strategiques/comes.pdf

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