Question de M. HAYE Ludovic (Haut-Rhin - RDPI) publiée le 22/04/2021
M. Ludovic Haye attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, au sujet du montant des indemnités d'éviction demandées par des grands groupes exploitants à des petits bailleurs propriétaires d'appartements au sein des résidences étudiantes. De fait, les exploitants prennent à bail des locaux d'habitation meublée à usage de résidence principale dans des résidences étudiantes avec services para-hôteliers. Les propriétaires bailleurs sont pour la plupart des épargnants qui investissent leurs économies dans ces locaux d'habitation, or ces derniers sont soumis au chantage incessant des exploitants, qui ne respectent pas les contrats signés à l'origine.
De nombreux propriétaires ayant alors refusé le renouvellement de leur bail sont assignés en justice par ces exploitants pour paiement d'une indemnité d'éviction. Cette indemnité d'éviction est exorbitante et est démesurée par rapport à une quelconque perte d'un fonds de commerce. Les exploitants estiment que cette indemnité doit être déterminée suivant les usages professionnels observés dans la branche hôtelière, mais cette analyse a été rejetée par la cour d'appel dont la décision a été confirmée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans l'arrêt commenté : « Une résidence accueillant des étudiants et leur proposant, en plus de l'hébergement, la fourniture de services para-hôteliers ne peut être assimilée à un établissement hôtelier. » De fait, celle-ci précise que « la cour d'appel (
) a souverainement retenu que les usages professionnels observés dans la branche d'activité de l'hôtellerie n'avaient pas à s'appliquer à l'activité d'exploitation de résidence étudiante ».
En conséquence, les procédures sont coûteuses et durent plusieurs années, le délai pour récupérer l'usage de son bien est donc très long. Les épargnants sont ainsi piégés par les services juridiques des grandes sociétés qui usent de stratagèmes pour dissuader les investisseurs de recouvrer leurs biens et font traîner les procédures. Les exploitants sont donc considérés juridiquement comme « la partie faible » du bail commercial.
Il attire ainsi son attention sur les règles actuelles du statut des baux commerciaux qui protègent ces grands groupes subventionnés par le prêt garanti par l'État comme s'ils étaient des petits commerces. Si des lois et règlements sont en cours d'élaboration, il la remercie de bien vouloir prendre en compte ces éléments, dans l'espoir qu'une solution politique puisse être apportée à ce problème.
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Transmise au Ministère de la justice
Réponse du Ministère de la justice publiée le 17/02/2022
Les immeubles à usage de résidences services, tels que les résidences étudiantes, sont le plus souvent soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis. Ils présentent la particularité d'être détenus par des copropriétaires particuliers, qui ont été incités par un dispositif fiscal favorable à acquérir un ou plusieurs lots de copropriété et à les donner à bail commercial à un exploitant unique. L'affectation d'un bien à usage commercial et sa location sous le statut des baux commerciaux par le propriétaire investisseur se doit d'être fait en connaissance de cause compte tenu du rendement attendu et en dépit des contraintes connues du statut. Le bail commercial est conclu pour une durée de neuf ans (art. L. 145-4 et L. 145-12 C. com) et un droit au renouvellement du bail est consacré au profit du preneur (art. L. 145-8 C. com). Il s'agit d'inscrire l'exploitation commerciale des lieux dans la durée et de ne pas déséquilibrer le bon fonctionnement et la valeur, voire l'existence même, du fonds de commerce qui y est implanté. Dans ce contexte, l'article L. 145-14 du code de commerce conditionne en principe la faculté du bailleur de refuser le renouvellement du bail au versement d'une indemnité d'éviction au preneur sortant. Le législateur a encadré cette indemnité d'éviction tout en l'adaptant aux différentes situations de fait. Il a ainsi prévu que le bailleur puisse refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du preneur (L.145-17 C.com) ou qu'il puisse, s'il devait s'exposer à payer une indemnité d'éviction élevée, bénéficier d'un droit de repentir (L.145-58 C.com). De même, le législateur a expressément prévu que l'indemnité d'éviction doit être égale au préjudice causé, au preneur, par le défaut de renouvellement (L.145-14 C.com). Dans cette limite, la loi soumet la détermination de ce préjudice et la fixation de l'indemnité à la libre appréciation du juge. Ce dernier est à même d'apprécier, au cas par cas, la réalité des chefs de préjudice invoqués et la méthode d'évaluation la plus à même de les réparer. Il ressort des décisions rendues en matière d'indemnisation des exploitants de résidences étudiantes évincés, que les juges tiennent compte de la spécificité de l'exploitation et de son rendement pour déterminer le préjudice lié à l'éviction et l'indemnisation requise (TGI Paris, 25 avr. 2013 n° 09/11637, confirmé par CA Paris, 17 juin 2015, n° 13/14533, CA Versailles, 04 juilll.2017 n° 16/04294). A l'inverse, des mesures d'encadrement des méthodologies d'évaluation ou de limitation des sommes perceptibles, qui seraient de nature à cantonner la réparation intégrale du préjudice subi par les exploitants du fait de leur éviction, seraient susceptibles de poser des problématiques constitutionnelles. Enfin, la réduction des délais de traitement des procédures judiciaires en tous domaines, y compris en matière économique et financière, est au cur des préoccupations du ministère de la justice. A cet égard, les dernières réformes de la procédure civile ont notamment renforcé l'efficacité de la mise en état, non seulement à travers les nouveaux pouvoirs du juge de la mise en état en procédure écrite ordinaire, mais également par la valorisation de la mise en état conventionnelle dans toutes les procédures, les parties pouvant prétendre à l'issue d'une mise en état réalisée au moyen d'une convention de procédure participative à un audiencement prioritaire.
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