Question de M. BAS Philippe (Manche - Les Républicains) publiée le 15/04/2021

Question posée en séance publique le 14/04/2021

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Bas. Monsieur le Premier ministre, je veux vous interpeller sur le fonctionnement actuel du conseil des ministres.

C'est l'organe constitutionnel de la délibération gouvernementale. Or, en ces temps de crise sanitaire, il est non plus réuni à l'Élysée, mais remplacé par une réunion à distance, ce qui pose trois problèmes.

Il s'agit tout d'abord d'un problème institutionnel, la collégialité de la délibération gouvernementale n'étant pas assurée dans les formes constitutionnelles. Cela crée pour l'avenir un précédent préoccupant.

Il s'agit ensuite de respecter le secret des délibérations, qui sont exposées à des défaillances du cryptage ou à la présence de tiers auprès des ministres réunis à distance.

Il s'agit enfin d'un problème juridique. D'une part, le Conseil constitutionnel, qui n'admet pas sans condition la validité des délibérations à distance, s'est prononcé récemment sur ce point à propos du règlement de l'Assemblée nationale. D'autre part, le Conseil constitutionnel censure depuis 2003 la loi qui n'a pas été délibérée correctement en conseil des ministres avant son examen par le Parlement.

Dans ces conditions, monsieur le Premier ministre, allez-vous demander au Président de la République de rétablir le fonctionnement normal du conseil des ministres ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.)


Réponse du Premier ministre publiée le 15/04/2021

Réponse apportée en séance publique le 14/04/2021

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur Bas, je dois vous avouer que je n'avais pas imaginé, en pleine crise sanitaire, avoir à répondre à ce type de questionnement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations indignées sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Les institutions, ce n'est pas accessoire !

M. Jean Castex, Premier ministre. Néanmoins, je vais tenter de m'y employer.

Dans le respect ou, plutôt, dans la perspective du respect des normes sanitaires, le nombre de membres du Gouvernement assistant « en présentiel », comme on dit, au conseil des ministres a en effet été limité depuis le début de la crise. Il s'agit de mettre en œuvre une exigence qui s'applique à toutes les réunions dans la sphère administrative, et au-delà.

Mme Laurence Rossignol. La preuve dans cet hémicycle, aujourd'hui ! (Marques d'approbation sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)

M. Jean Castex, Premier ministre. Le conseil des ministres, vous le savez, est un organe collégial, dont les modalités d'organisation ne sont pas définies par les textes.

Vous l'avez rappelé, la seule exigence posée par la Constitution vise à assurer que ce conseil est bien en mesure d'exercer les attributions que notre loi fondamentale lui confie, à savoir délibérer sur les projets de loi, conformément à l'article 39, délibérer sur les projets d'ordonnances, conformément à l'article 38, ainsi que sur certains projets de décret, conformément à l'article 13, et, enfin, pourvoir aux plus hauts emplois publics mentionnés à l'article 13.

La notion de délibération renvoie à la possibilité d'un échange de vues et de prises de parole des membres du conseil des ministres.

Pour considérer que le conseil des ministres a été valablement réuni, il convient donc d'examiner non pas s'il a donné lieu à une réunion physique de ses membres, mais si des modalités d'organisation lui ont effectivement permis de délibérer. J'en atteste, c'est bien ce qui se passe.

À cet effet, il est fait recours à un dispositif de visioconférence, porté par un système sécurisé de niveau confidentiel défense, conçu et opéré par l'État, qui permet une parfaite qualité et confidentialité des échanges.

M. Pierre Cuypers. Ce n'est pas possible à 100 % !

M. Jean Castex, Premier ministre. Vous voilà, je l'espère, monsieur le sénateur, rassuré.

Nous connaissons tous ici vos grandes compétences juridiques, que je salue, et votre grande révérence pour la règle de droit. Néanmoins, voilà plus de vingt siècles, mesdames, messieurs les sénateurs, Cicéron attirait notre attention sur les excès de cette révérence : summum jus, summa injuria. (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour la réplique, et en français ! (Sourires.)

M. Philippe Bas. J'apprécie, monsieur le Premier ministre, que vous vous soyez donné la peine de me répondre personnellement.

Toutefois, je voudrais vous dire, avec la plus grande solennité, que l'argument sanitaire ne tient pas.

M. Julien Bargeton. Mais si !

M. Philippe Bas. D'ailleurs, vous ne seriez pas ici pour nous répondre si nous appliquions la même règle que celle que vous prétendez voir s'imposer pour le conseil des ministres. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Pourtant, votre sécurité sanitaire, comme celle des membres du Gouvernement, est assurée aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.

L'Élysée dispose à l'évidence de salles qui ont la dimension nécessaire pour assurer la sécurité sanitaire des ministres. Vous ne devez plus prendre le risque de dégrader, voire de dénaturer, les conditions de délibération et d'adoption des textes et des nominations en conseil des ministres. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

- page 3193

Page mise à jour le