Question de M. BURGOA Laurent (Gard - Les Républicains) publiée le 25/03/2021
M. Laurent Burgoa attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la confusion que peut entraîner le nutriscore auprès des consommateurs.
En effet, le nutriscore est un système de notation dont le calcul est basé sur la composition des aliments en protéines, énergie, acides gras saturés, sucre et sodium (sel). La note obtenue est ensuite traduite en lettres et en couleurs avec pour objectif d'aider les consommateurs à mieux s'alimenter.
Les simulations de calcul du nutriscore réalisées sur l'ensemble des fromages par l'association de la transformation laitière française (ATLA) démontrent que plus de 90 % des fromages sont référencés dans les catégories D ou E, synonymes de produits nutritionnellement « mauvais » pour la santé. Au-delà de l'incohérence avec les recommandations nutritionnelles du haut conseil de la santé publique, qui conseille la consommation de produits laitiers tous les jours (lait, yaourts ou fromages), le nutriscore doit aussi aider le consommateur à choisir entre plusieurs produits d'un même rayon. En l'espèce, les critères du nutriscore ne permettent pas de distinguer une réelle différence entre ces produits et c'est l'ensemble de la filière qui se trouve stigmatisée. Aussi, le calcul du nutriscore ne prend pas en compte la « naturalité » du fromage qui est un produit simple et peu transformé. Le degré de transformation des aliments et l'ajout d'additifs ou de conservateurs y sont ignorés.
Plus grave, son calcul est basé sur une portion de 100 grammes de produit, quel que soit le produit concerné. Or, la portion moyenne de fromage consommée par les Français est de 38,5 g par jour pour les adultes. À titre d'exemple, une canette de soda de 250 ml sera généralement intégralement consommée après son ouverture. Il est ainsi important de rappeler que l'équilibre nutritionnel se fait à l'échelle de l'assiette des consommateurs et non à l'échelle d'un produit.
Les fromages sont importants dans l'équilibre nutritionnel avec près de 18 % des apports de calcium (1er contributeur) et de 8 % des apports de protéines. Par ailleurs, aucune distinction n'est faite entre les différents types d'acides gras saturés, leur attribuant systématiquement un effet négatif alors même que des études scientifiques s'accordent sur les effets bénéfiques des matières grasses laitières.
Cette notation aura des effets significatifs sur la consommation de fromage. En effet, l'agence Santé publique France préconise l'interdiction de la publicité aux heures de grandes écoutes pour les produits les moins bien classés, ainsi que l'arrêt des publicités dans les prospectus des grandes surfaces ou encore l'interdiction de commercialiser ces produits dans le circuit de la restauration collective. Cette dernière recommandation étant en pleine contradiction avec l'objectif, affiché dans la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, de fournir au moins 50 % de produits alimentaires sous signes de qualité et d'origine (SIQO) dans la restauration collective.
Rappelant que les fromages sont une composante majeure du patrimoine gastronomique français et de son rayonnement international, il lui demande si une adaptation du nutriscore pour ces produits est envisagée.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 03/06/2021
Le Nutri-score est largement déployé par les professionnels de l'alimentation et plébiscité par les français. En juillet 2020, 415 entreprises étaient engagées dans la démarche Nutri-score en France, dont les parts de marché représentent environ 50 % des volumes de vente. Désormais, ce sont près de 500 entreprises qui se sont engagées en faveur du logo. De même, près de 94 % des français ont déclaré être favorables à sa présence sur les emballages. Enfin, plus d'un français sur deux déclare avoir changé au moins une habitude d'achat grâce au Nutri-score. De nombreux travaux scientifiques ont permis de montrer que le Nutri-score était un outil efficace pour discriminer la qualité nutritionnelle des denrées alimentaires, de manière cohérente avec les recommandations alimentaires, en France mais également dans de nombreux pays européens. Les fromages font déjà l'objet d'une adaptation dans le calcul du Nutri-score par rapport aux autres catégories alimentaires, pour prendre en compte leur teneur élevée en calcium. Si les fromages sont classés pour la majorité en D et parfois en E, ceci s'explique par le fait qu'ils contiennent des quantités non négligeables de graisses saturées et de sel et sont également caloriques. D'après la simulation, 10 % des fromages sont donc référencés en C. Le consommateur a donc la possibilité de choisir entre trois classes différentes au sein d'un même rayon. Comme tous les produits classés D ou E avec le Nutri-score, les fromages peuvent parfaitement être consommés dans le cadre d'une alimentation équilibrée. Informer les consommateurs sur la réalité de la qualité nutritionnelle de ces aliments n'exclut pas de les consommer mais en quantités et/ou fréquences conformes aux recommandations nutritionnelles du programme national nutrition santé (deux produits laitiers par jour pour les adultes, trois produits laitiers pour les enfants), ce qui est totalement en cohérence avec la signification de leur classement sur l'échelle du Nutri-score. Le Nutri-score est basé sur les valeurs nutritionnelles pour 100 g ou 100 ml, en conformité avec la recommandation de l'organisation mondiale de la santé et des structures de santé publique, car cela permet de comparer de façon objective les aliments entre eux sur la même base et d'éviter de faire appel à des tailles de portions qui ne sont pas standardisées et souvent définies par les industriels eux-mêmes. Par exemple pour des pizzas, la portion recommandée varie selon les marques, certaines proposant une portion de 100 g, d'autres 123 g, d'autres 150 g, d'autres 175 g. Concernant la publicité à destination des enfants, les entreprises de l'alimentation se sont engagées en mars 2021 à « se retirer totalement des programmes de moins de 12 ans sur l'ensemble des supports de communication publicitaires : la télévision, la radio, la presse, mais aussi dans un souci d'équité, l'ensemble des supports digitaux et des réseaux sociaux ». L'interdiction de commercialiser les produits les moins bien classés par le Nutri-score en restauration collective ne fait pas partie des actions envisagées par le Gouvernement, la qualité nutritionnelle des repas étant assurée par un encadrement réglementaire des fréquences de service en restauration scolaire, en cours d'actualisation. Le Nutri-score et les signes de l'origine et de la qualité (SIQO) répondent à des objectifs différents. Les SIQO constituent une « garantie » pour les consommateurs en termes de qualité, de savoir-faire, de protection de l'environnement, d'origine et de terroir, quand le Nutri-score informe le consommateur sur la qualité nutritionnelle des produits transformés, et permet de comparer les produits entre eux. Enfin, sept pays sont désormais engagés en faveur du Nutri-score : la France, le Belgique, l'Espagne, l'Allemagne, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Suisse. Une gouvernance a été mise en place entre ces pays, comprenant notamment un comité scientifique. Ce comité, composé d'experts scientifiques indépendants, s'est réuni pour la première fois le 12 février 2021 et aura pour mission d'évaluer la pertinence scientifique des propositions d'évolution du mode de calcul du Nutri-score. Toute évolution ne pourra donc être envisagée que sous réserve de validation scientifique par ce comité. La Commission européenne prévoit, dans sa stratégie « de la ferme à l'assiette » publiée en mai 2020 une proposition législative d'étiquetage nutritionnel en face avant harmonisé et obligatoire pour le 4e trimestre 2022. Dans ce cadre, le Gouvernement souhaite que le Nutri-score soit le dispositif retenu au niveau européen. Enfin, consciente que le système doit prendre en compte des spécificités liées aux produits comme les fromages, la France portera des propositions dans un cadre européen afin que l'algorithme du Nutri-score et les critères utilisés tiennent compte de ces spécificités.
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