Question de M. CHARON Pierre (Paris - Les Républicains) publiée le 18/03/2021
M. Pierre Charon attire l'attention de M. le Premier ministre sur les décisions qu'il envisage de prendre à l'issue de l'enquête administrative concernant trois magistrats du parquet national financier à la suite de son communiqué du 9 février 2021.
Par lettre de mission du 1er juillet 2020, Madame la garde des sceaux, ministre de la justice, a saisi l'inspection générale de la justice (IGJ) aux fins de conduire une inspection de fonctionnement sur une enquête préliminaire traitée par le parquet national financier (PNF) de mars 2014 à décembre 2019 dans l'affaire des écoutes téléphoniques touchant notamment un ancien Président de la République.
Ce rapport public a mis en évidence un certain nombre de dysfonctionnements dans l'enquête du parquet national financier. Devant l'Assemblée nationale le 15 septembre 2020, le ministre de la justice constatait un défaut de gouvernance, un manque de rigueur dans le traitement de la procédure, « bref peut être un certain nombre de dysfonctionnements ». En outre, le ministre s'étonnait que deux magistrats aient refusé de répondre aux questions.
À la suite de ce rapport, le ministre de la justice a ordonné une enquête administrative contre trois magistrats du parquet national financier (PNF).
Dans cette procédure particulière, les attributions du ministre de la justice ont été transférées au Premier ministre.
Dans un communiqué officiel le 9 février 2021, le Premier ministre annonçait qu'il devait recevoir la mission d'inspection dans le cadre d'une réunion de restitution le 15 février 2021, pour « échanger sur ses conclusions ».
Il devait prendre dans les jours suivants sa décision sur les suites à donner, « décision qu'il portera à la connaissance de chaque magistrat concerné, avant de la rendre publique ».
Il demande au Premier ministre à quel moment il envisage de rendre publique ses décisions.
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Réponse du Premier ministre publiée le 05/08/2021
Le 1er juillet 2020, Mme Nicole BELLOUBET, garde des Sceaux, ministre de la justice, a saisi l'inspection générale de la justice (IGJ) d'une inspection de fonctionnement sur les conditions d'une enquête préliminaire ouverte au parquet national financier du chef de violation du secret professionnel, dite des « fadets ». Le rapport a souligné des lacunes dans le suivi et le contrôle hiérarchique de l'enquête et formulé 19 recommandations, notamment pour renforcer le pilotage des enquêtes préliminaires. Sur ce fondement, M. Eric DUPOND-MORETTI, garde des Sceaux, ministre de la justice a saisi l'IGJ le 18 septembre 2020 aux fins de conduire une enquête administrative concernant les trois magistrats ayant été en charge de cette enquête afin de vérifier si des manquements avaient été commis. Conformément au décret de déport du 23 octobre 2020, pris à la demande du garde des Sceaux, le Premier ministre s'est vu remettre les rapports et l'ensemble des pièces annexes concernant ces magistrats. Il s'est entretenu avec la mission d'inspection le 8 mars dernier afin de faire part de ses questions orales et écrites. Dans l'appréciation des suites susceptibles d'être données à ces rapports, le Premier ministre a écarté tout ce qui, de près ou de loin, lui semblait relever des missions juridictionnelles des magistrats concernés pour s'en tenir à ceux susceptibles d'entrer dans le seul champ disciplinaire. Il a fondé sa conviction sur les rapports eux-mêmes et l'ensemble des pièces figurant dans les annexes ainsi que sur les éléments transmis à sa demande par l'IGJ et les services du ministère de la justice. Le Premier ministre a pris prend acte des conclusions de l'IGJ selon lesquelles les magistrats du PNF ont, dans la conduite et le suivi de l'enquête préliminaire concernée, agi dans le cadre de la loi. La mission d'enquête administrative a conclu à des présomptions de fautes disciplinaires susceptibles d'être reprochées à Mme Eliane HOULETTE, ancienne procureure de la République financier, plus précisément dans son comportement managérial ainsi que de possibles conflits d'intérêts entre son exercice professionnel et ses relations privées. Pour ces raisons, le Conseil supérieur de la magistrature a été saisi aux fins d'apprécier le comportement professionnel de Mme HOULETTE au regard des devoirs de sa charge et de tout magistrat. Par ailleurs, le Premier ministre a relevé, dans les documents portés à sa connaissance, différents éléments susceptibles de faire naître un doute sérieux quant au respect de ses obligations déontologiques par M. Patrice AMAR, 1er vice-procureur financier. Il a estimé que les appréciations en cause méritaient d'être portés à la connaissance du Conseil supérieur de la magistrature afin que celui-ci, usant des pouvoirs d'investigation qu'il tient de l'article 52 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, puisse, le cas échéant, en tirer des conséquences de nature disciplinaire. Le Premier ministre considérant qu'aucun manquement déontologique n'a été constaté dans le comportement professionnel de Mme Ulrika-Lovisa DELAUNAY-WEISS, procureure de la République financier adjointe, a décidé du classement de la procédure la concernant. Le 16 avril 2021, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) déclare ne pas avoir été valablement saisi des faits imputables à M. Patrice AMAR visé par l'acte de saisine en date du 31 mars 2021. Le Premier ministre a alors confirmé, en sa qualité d'autorité de poursuites disciplinaires, sa décision de porter à l'appréciation du Conseil supérieur de la magistrature les faits imputables à M. Patrice AMAR au titre des manquements aux devoirs liés à ses fonctions. Les faits tiennent aux accusations d'une particulière gravité portées par M. AMAR à l'encontre de Mme Eliane HOULETTE, sa supérieure hiérarchique, dont certaines pénalement qualifiables, ont été formulées sans être étayées dans des termes outranciers et extrêmement attentatoires à sa personne. Prenant acte des observations du CSM sur le fondement textuel de la procédure de poursuites, le Premier ministre a décidé, en application de l'article 63 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, d'adresser une nouvelle saisine au Conseil supérieur de la magistrature visant M. Patrice AMAR, 1er vice-procureur financier, sous les qualifications de manquements aux obligations déontologiques de loyauté, de prudence, de délicatesse et d'impartialité. La décision est désormais entre les mains du CSM.
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