Question de M. SAVOLDELLI Pascal (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 25/03/2021

Question posée en séance publique le 24/03/2021

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le secrétaire d'État chargé des retraites et de la santé au travail, mes chers collègues, le 4 juin dernier, le Sénat a rejeté la proposition de loi que j'ai déposée avec mon collègue Fabien Gay et le groupe communiste républicain citoyen et écologiste et qui portait sur le statut des travailleurs des plateformes numériques de travail.

Cette proposition de loi visait à appliquer le droit social à la relation de travail unissant ces plateformes, telles qu'Uber ou Deliveroo, et leurs travailleurs qui sont dits « indépendants », alors qu'ils sont soumis à leur management algorithmique.

L'intégration dans le livre VII du code du travail que nous proposions leur permettait d'accéder à la protection du salariat, tout en renforçant la demande d'une autonomie collective – je parle bien d'autonomie, et non d'indépendance – des travailleurs.

En dépit de notre main tendue à votre gouvernement et à tous les groupes de cette assemblée, la droite a voté contre et le groupe socialiste s'est abstenu.

Pourtant, les décisions de justice qui se multiplient en Europe nous donnent raison, que ce soit aux Pays-Bas, en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni, et même en France ! Toutes confirment notre position : la requalification en salariat fait foi.

Je vous le demande donc, monsieur le secrétaire d'État : allez-vous enfin confirmer le statut de salariés de ces travailleurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)


Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, chargé des retraites et de la santé au travail publiée le 25/03/2021

Réponse apportée en séance publique le 24/03/2021

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des retraites et de la santé au travail.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, chargé des retraites et de la santé au travail. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Savoldelli, les plateformes de mise en relation offrent, il est vrai, des possibilités d'emploi et des services qui sont de plus en plus utilisés et demandés par nos concitoyens depuis quelques années.

En cette période de crise sanitaire, nous savons qu'elles permettent aux restaurateurs de développer massivement leur offre de livraison à domicile, ce qui peut compenser pour partie les difficultés auxquelles ils font face.

Il est cependant nécessaire que ces nouvelles formes d'emploi ne se développent pas au détriment des conditions de travail et de rémunération des travailleurs indépendants qui y ont recours.

Le Gouvernement est convaincu, comme vous,…

M. Pascal Savoldelli. Moins que nous !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État. … et sans doute comme l'immense majorité des sénateurs, que seul un dialogue structuré entre les plateformes et les représentants légitimes des travailleurs indépendants permettra de rééquilibrer la relation commerciale en faveur de meilleures conditions de travail. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)

La loi d'orientation des mobilités habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur les modalités de représentation des travailleurs indépendants des plateformes et les conditions d'exercice de cette représentation.

Le Premier ministre a chargé l'ancien président de la chambre sociale de la Cour de cassation, Jean-Yves Frouin, d'une mission visant à préciser ces modalités de représentation. Son rapport a été remis en décembre de l'année dernière. Élisabeth Borne a, par la suite, confié à trois personnalités qualifiées la responsabilité de mener les travaux de rédaction du projet d'ordonnance, en concertation avec les partenaires sociaux et les représentants des plateformes et des travailleurs indépendants de ces plateformes.

Ces travaux ont été menés en tout début d'année, et les préconisations présentées au groupe des partenaires sociaux le 12 mars dernier. Nous avançons ! Le projet d'ordonnance sera prochainement soumis à l'examen du Conseil d'État, en vue d'une adoption par le conseil des ministres au mois d'avril. Son ambition est de rendre effective la représentation, donc de permettre le dialogue social dans la durée avec ces travailleurs de plateforme.

Je crois, monsieur le sénateur, que nous pourrions au moins nous retrouver sur cet objectif de représentativité et de discussion équilibrée au sein de ce nouveau type d'entreprise.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, vous ne m'avez pas répondu ! Vous avez évoqué le rééquilibrage des relations commerciales et une ordonnance sur le dialogue social. Moi, je vous parle, pour les livreurs des plateformes, du code du travail ! (L'orateur brandit un exemplaire dudit code.) Je ne parle que de cela, et pas d'autre chose !

Les voyez-vous, ces livreurs qui apportent des burgers et qui, ensuite, cherchent comment ils pourraient s'alimenter… Voulez-vous d'une telle « uberisation » de la société ?

Vous méprisez les décisions de justice qui sont rendues dans toute l'Europe, vous n'écoutez pas nos propositions et vous nous vendez votre autosatisfaction teintée de moralité en proposant une usine à gaz avec tous ces textes…

Heureusement que, en politique, certains font preuve de courage et de volonté. Je voudrais saluer la ministre espagnole, Mme Yolanda Díaz, qui est communiste. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Tout s'explique !

M. Philippe Dallier. Il en reste donc !

M. Pascal Savoldelli. Eh oui ! Son pays a décidé de donner un statut de salarié aux travailleurs des plateformes, avec lesquels cette proposition a été travaillée.

M. le président. Il faut conclure.

M. Pascal Savoldelli. Appliquons le droit du travail aux travailleurs des plateformes ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

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