Question de M. ALLIZARD Pascal (Calvados - Les Républicains) publiée le 11/03/2021

Question posée en séance publique le 10/03/2021

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pascal Allizard. Madame la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, depuis plusieurs semaines, la France est rattrapée par des polémiques à propos d'événements, à mon sens inquiétants, survenus dans l'enseignement : essor de la cancel culture, orientation politique des recherches, recul de la laïcité, mise en cause des professeurs, à Paris, à Grenoble et ailleurs.

Le débat se focalise sur l'influence que peut avoir la convergence de l'islamisme radical et de l'extrême gauche, que certains qualifient d'« islamo-gauchisme », sur la vie quotidienne et les études dans les établissements d'enseignement supérieur.

La simple utilisation de ce terme « islamo-gauchisme » pour décrire, même imparfaitement, un phénomène réel vous expose déjà, madame la ministre, à des procès en sorcellerie.

Vous avez pris le parti – et c'est courageux – de vous saisir du problème, et vous avez commandé un bilan de la recherche, demande aussitôt qualifiée par des chercheurs et syndicats de « menace de répression intellectuelle ».

Je note qu'une partie de l'exécutif a pris ses distances avec votre initiative, évoquant « l'attachement absolu du président de la République à l'indépendance des enseignants-chercheurs ».

Ma question est simple : peut-on faire du « en même temps » sur ces sujets graves ? Quelle est la véritable doctrine du Gouvernement en la matière ? D'ailleurs, y en a-t-il une ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)


Réponse du Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation publiée le 11/03/2021

Réponse apportée en séance publique le 10/03/2021

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Monsieur le sénateur, les événements, les faits et les polémiques que vous mentionnez ne peuvent qu'appeler une réponse commune de l'ensemble du Gouvernement et du Président de la République. Notre priorité restera toujours la même sur ces sujets : il s'agit de protéger les personnels et de garantir la liberté académique ainsi que la pluralité des sujets de recherche, pour tous, dans le respect des lois.

Chacun doit pouvoir exercer librement sa mission de recherche et d'enseignement, et doit pouvoir choisir librement ses sujets d'étude. Toute tentative de pression ou d'intimidation, ainsi que toute menace ou injure, qu'elle vienne de l'intérieur ou de l'extérieur des établissements, doit être condamnée.

C'est pourquoi nous ne pouvons admettre les propos affichés sur les murs de l'Institut d'études politiques (IEP) de Grenoble ou sur les réseaux sociaux.

Vous m'avez entendue défendre sans cesse la liberté de la recherche, que ce soit lors du débat en deuxième lecture du projet de loi de bioéthique ou lors des débats sur le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030. Je n'ai jamais dit autre chose que ce que je viens de vous répéter.

La mission d'inspection que j'ai sollicitée à l'IEP de Grenoble permettra, j'en suis sûre, d'identifier toutes les responsabilités et de rétablir la sérénité. Je procéderai de la même manière, chaque fois que cela sera nécessaire.

L'université est, et doit rester, le lieu de débats qui peuvent être parfois vifs, parfois contradictoires, mais « toujours respectueux » – vous reconnaîtrez la formule.

Débattre, ce n'est pas s'opposer stérilement. Débattre, c'est la vocation de l'université. La violence verbale n'y a pas sa place, et encore moins la violence physique. Vous m'avez toujours entendue le dire.

Quelle proportion de colloques annulés, quelle quantité d'universitaires empêchés, quelle réelle pluralité sur les sujets de recherche ? C'est en affrontant ces questions que nous préserverons la liberté académique de tous, ce qui est essentiel pour moi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour la réplique.

M. Pascal Allizard. L'enseignement – je le crois, et je pense que nous en sommes tous convaincus – est, et doit rester, le creuset de la République et de la Nation. On ne peut pas accepter sans réagir qu'il devienne l'incubateur du séparatisme, non plus que de voir des enseignants placés sous protection policière.

La laïcité, c'est la liberté de croire ou de ne pas croire. C'est aussi cantonner la religion, quelle qu'elle soit, à la sphère privée, sans jamais la placer au-dessus des lois de la République.

Selon une étude de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), un nombre élevé de lycéens juge que les textes relatifs à la laïcité sont discriminatoires envers les musulmans. On mesure bien les effets concrets et délétères sur des citoyens en devenir de tous ces discours. C'est très inquiétant pour l'avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

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