Question de Mme VARAILLAS Marie-Claude (Dordogne - CRCE) publiée le 25/03/2021

Mme Marie-Claude Varaillas attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur les conséquences de la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales sur les politiques locales en matière de logement social.
La suppression progressive de la taxe d'habitation sur les résidences principales affecte les conditions de financement des communes et des intercommunalités, par la réduction de l'assiette de leur prérogative d'imposition directe. Tout cela est connu.
En revanche, un effet pervers de la réforme est en train de se faire jour, sur le terrain, dans nos communes. Il s'agit d'une conséquence négative indirecte sur les politiques locales en matière d'accueil de logements sociaux. En effet, pour les maires assujettis aux obligations de l'article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), l'implantation d'une proportion de logements conventionnés n'est pas une option, mais une obligation légale, doublée d'un devoir moral et social. La particularité fiscale du secteur logement social réside dans les exonérations de fiscalité foncière locale dont il bénéficie et ce pour une période allant jusqu'à 30 années, et que l'État ne compense quasiment pas.
Avec la fin de la taxe d'habitation, les futures constructions de logement sociaux ne généreront donc quasiment plus de ressources fiscales pour les communes d'accueil. Ces dernières vivront donc un étonnant paradoxe : davantage de charges liées à la prise en compte éducative et social d'un public fragile, et une privation de ressources liées aux exonérations de foncier bâti cumulée à la disparition de la taxe d'habitation.
Enfin, dans les départements ruraux, moins denses, le logement social fait l'objet d'un sur-financement par les collectivités locales concernées. Car le plus souvent, en plus des subventions qu'elles allouent aux organismes au titre de leur politique locale de l'habitat, les communes fournissent le foncier, les dessertes, la viabilisation, l'entretien des espaces attenants…
Au final, les coûts assumés par les communes ou leurs groupements pour l'accueil du logement social s'avèrent essentiels au mode de financement du secteur. La réforme de la taxe d'habitation, si elle n'est pas corrigée sur ce point, risque de donner un véritable coup d'arrêt à la politique de construction d'un secteur déjà bien à la peine, après la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 Elan et les ponctions financières qui l'ont suivie.
Elle la remercie de bien vouloir lui indiquer les modifications susceptibles d'être proposées pour corriger cette situation intenable.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé de l'économie sociale, solidaire et responsable publiée le 07/05/2021

Réponse apportée en séance publique le 06/05/2021

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, auteure de la question n° 1601, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Mme Marie-Claude Varaillas. La suppression progressive de la taxe d'habitation sur les résidences principales affecte les conditions de financement des collectivités, par la réduction de l'assiette de leur prérogative d'imposition directe.

On commence à constater un effet pervers de la réforme sur le terrain, dans nos communes. Il s'agit d'une conséquence négative indirecte sur les politiques locales en matière d'accueil de logements sociaux.

En effet, pour les maires assujettis aux obligations de l'article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, l'implantation d'une proportion de logements conventionnés est non pas une option, mais une obligation légale. La particularité fiscale du secteur du logement social réside dans les exonérations de fiscalité foncière locale dont il bénéficie, et ce pour une période allant jusqu'à trente ans, et que l'État ne compense quasiment pas.

Avec la fin de la taxe d'habitation, les futures constructions de logements sociaux ne produiront donc quasiment plus de ressources fiscales pour les communes d'accueil. Ces dernières vivront donc un étonnant paradoxe : davantage de charges liées à la prise en compte éducative et sociale d'un public fragile et une privation de ressources liée aux exonérations de foncier bâti, cumulées à la disparition de la taxe d'habitation.

Enfin, dans les départements ruraux, moins denses, le logement social fait l'objet d'un surfinancement par les collectivités locales, car le plus souvent, en plus des subventions qu'elles allouent aux organismes au titre de leur politique locale de l'habitat, les communes fournissent le foncier, les dessertes, la viabilisation, l'entretien des espaces attenants, etc.

En définitive, les coûts assumés par les communes ou leurs groupements pour l'accueil du logement social s'avèrent essentiels au mode de financement du secteur. La réforme de la taxe d'habitation, si elle n'est pas corrigée sur ce point, risque de donner un véritable coup d'arrêt à la politique de construction d'un secteur déjà bien à la peine, après la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, la loi ÉLAN, et les ponctions financières qui l'ont suivie.

Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de m'indiquer les modifications susceptibles d'être proposées pour corriger cette situation.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable. Le sujet que vous évoquez est complexe, madame la sénatrice Varaillas. Il fait intervenir deux facteurs : d'une part, la taxe d'habitation sur les résidences principales a été supprimée, ce qui fait – je ne vous apprends rien – que les logements sociaux, comme les logements privés ne produiront plus de recettes à ce titre à compter de 2021 ; d'autre part, grâce au nouveau schéma de financement entré en vigueur cette année, chaque collectivité a bénéficié de la compensation intégrale de sa perte de taxe d'habitation ou de taxe foncière, par l'intermédiaire d'un mécanisme fiscal pérenne et dynamique.

En matière de logements sociaux, précisément, il convient de distinguer ceux qui sont déjà construits – le stock – de ceux qui le seront prochainement – le flux.

Pour les logements sociaux déjà construits, la refonte de la fiscalité ne pénalise pas les communes. Comme je l'ai indiqué, celles-ci bénéficieront d'une compensation intégrale des pertes de taxe d'habitation liée à ces logements, grâce à un dispositif pérenne et dynamique.

Pour les futures constructions de logements sociaux, la loi de finances pour 2020 prévoit la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement en 2023. Il s'agira d'examiner un point particulier : la crainte, soulevée par certains observateurs, que les maires ne soient plus incités à construire ces logements sociaux au motif qu'ils ne percevront plus de taxe d'habitation, en plus de l'exonération de taxe foncière de longue durée dont bénéficient déjà les bailleurs sociaux.

Or la situation en matière de taxe d'habitation est la même pour toutes les catégories de logements et, pour la taxe foncière, l'exonération de longue durée existait déjà avant la refonte de la fiscalité locale et n'a pas été modifiée.

La difficulté provient davantage du caractère partiel de la compensation de cette exonération de taxe foncière pour les communes, question nécessitant une analyse approfondie et devant s'inscrire dans un cadre global.

On doit préciser, en premier lieu, que l'idée simple d'une meilleure compensation sur le foncier aurait un coût budgétaire certain pour l'État, pour un résultat incertain.

Dès lors, d'autres éléments doivent être pris en compte.

Il est désormais rare que les programmes immobiliers ne visent à construire que des logements sociaux. Généralement, ils intègrent logements sociaux et logements privés, et ces derniers produiront bien une recette de taxe foncière pour la commune.

Par ailleurs, si l'exonération de taxe foncière sur les logements sociaux est de longue durée, elle reste temporaire. Les logements sociaux construits créeront bien, à terme, une recette de taxe foncière pérenne.

Enfin, madame la sénatrice, la part de logements sociaux continue de jouer pour toute une série de dotations de l'État, notamment de péréquation, qui favorisent les communes accueillant des logements sociaux – dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU), dotation politique de la ville (DPV) – ou celles qui accueillent de nouveaux habitants – DGF.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour la réplique.

Mme Marie-Claude Varaillas. On aurait pu, me semble-t-il, prendre une mesure pour répondre à cette préoccupation, en prévoyant un plancher de taxe d'habitation imputé à chaque logement bénéficiant de l'exonération du foncier bâti, durant la période où cette exonération s'applique.

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