Question de M. MARIE Didier (Seine-Maritime - SER) publiée le 25/02/2021
M. Didier Marie attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'ouverture des écoles vétérinaires privées.
En dépit des nombreuses objections de la profession vétérinaire, la loi de programmation de la recherche a été adoptée avec l'article 22 bis prévoyant l'ouverture d'établissements d'enseignement supérieur privés en vue d'assurer une formation préparant au diplôme d'État de docteur vétérinaire suite à l'introduction d'un amendement voté au Sénat.
Cette mesure a été présentée comme étant une réponse au problème de la désertification vétérinaire or la privatisation du diplôme de docteur vétérinaire ne résoudra pas ce sujet, c'est la baisse d'attrait pour les zones rurales et la difficulté pour un vétérinaire de gagner sa vie qui sont en cause plus que le manque de formation. La solution réside dans le fait de permettre aux territoires en tension de retrouver de l'attractivité et un équilibre économique pour celles et ceux qui s'installeront. Il faut des leviers qui permettront aux futurs praticiens de trouver dans ces territoires un équilibre entre vie privée et vie professionnelle.
De plus comment imaginer que des jeunes vétérinaires endettés à hauteur de 93 000 euros, coût estimé de la formation dans les écoles vétérinaires privées, puissent aller exercer dans des déserts ruraux compte tenu de la difficulté économique que cela représente pour des vétérinaires expérimentés ? Par ailleurs l'ouverture de ces écoles privées dont le coût annoncé est de 93 000 euros ne provoquera pas une diminution du nombre de Français étudiant la médecine vétérinaire à l'étranger puisque le coût des formations européennes reste souvent inférieur au coût des futures écoles vétérinaires privées françaises. En revanche ces écoles créeront une rupture d'égalité dans la valeur du diplôme avec d'un côté des étudiants sélectionnés par un concours de haut niveau et d'autres qui entreront en école en payant une lourde somme.
Enfin, ces écoles privées bien qu'ayant le statut d'école associative à but non lucratif ne peuvent pas garantir de former des vétérinaires indépendants dans l'exercice de leur profession. Il y a un risque de subordination entre les financeurs des écoles et des études et le vétérinaire.
La recherche publique risque d'en pâtir également, celle-ci est déjà en difficulté et pourtant, cette crise de la Covid-19 a montré l'intérêt des recherches animales. En effet, les écoles privées risquent de bénéficier de subventions publiques dont seraient alors privées les écoles publiques et la recherche scientifique.
Le décret d'application de cette mesure ayant vocation à l'ouverture des écoles vétérinaires privées n'a pas encore été publié il est donc encore temps de faire marche arrière et surtout d'échanger avec les membres de la profession avant que ces écoles ne se répandent sur notre territoire.
Il appelle son attention sur le danger que représenteront des écoles vétérinaires privées en France et lui demande de revenir sur cette mesure.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 08/04/2021
Le diagnostic de la démographie des vétérinaires réalisé par l'observatoire national démographique du conseil national de l'ordre des vétérinaires a mis en évidence que si le nombre de vétérinaires inscrits en France métropolitaine a augmenté de 4,4 % en 5 ans, la situation n'est pas homogène sur l'ensemble du territoire. Certains départements, notamment ruraux, subissent une baisse significative du nombre de vétérinaires inscrits sur cette même période quand ce dernier progresse dans d'autres, en zones urbaines notamment. Par ailleurs, il est à noter un recul de l'activité de soins aux animaux d'élevage, alors que le marché de l'activité de soins aux animaux de compagnie est en forte croissance générant des besoins importants d'emplois de vétérinaires. Pour pallier l'insuffisance de vétérinaires notamment en zone rurale, le ministère chargé de l'agriculture a engagé plusieurs réformes : augmentation du nombre d'étudiants dans les écoles nationales vétérinaires (ENV) de + 35 % en huit ans, augmentation de la proportion de places ouvertes aux diplômés de brevet de technicien supérieur agricole ; programme de stages tutorés en milieu rural avec un accompagnement professionnel, pédagogique et financier des étudiants ayant un projet d'installation en milieu rural ; création à compter de la rentrée 2021 d'un accès post-bac aux ENV pour élargir la base sociale et géographique de recrutement de ces quatre écoles publiques (Alfort, Lyon, Nantes et Toulouse), réduisant ainsi la durée des études conduisant au diplôme d'État de docteur vétérinaire à six ans, contre plus de sept ans dans le cadre du cursus actuel, rapprochant ainsi la durée des études vétérinaires en France de celle rencontrée dans les autres pays de l'Union européenne (UE). Par ailleurs, la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière autorise les collectivités territoriales ou leurs groupements à soutenir l'installation et le maintien des vétérinaires exerçant en productions animales dans les zones à faible densité d'élevages, ainsi que les projets professionnels des étudiants vétérinaires souhaitant exercer dans ces zones. Les décrets et autres textes d'application sont en cours de préparation par les services du ministère chargé de l'agriculture et ceux du ministère chargé des collectivités territoriales pour une entrée en vigueur courant 2021. Parmi les primo-inscrits à l'ordre national des vétérinaires, 50 % des vétérinaires ont été formés à l'étranger, dans des facultés vétérinaires de pays de l'UE. Cette délocalisation de la formation est favorisée par une offre importante de l'enseignement supérieur vétérinaire de pays voisins tels que l'Espagne, l'Italie, la Roumanie, la Hongrie, l'Estonie ou le Portugal. Ces écoles ou facultés peuvent être publiques ou privées et offrir des cursus de formation en langue locale, en français ou en anglais. Ce flux d'élèves vétérinaires français se formant dans des pays de l'UE équivaut à une perte d'activités et d'emplois sur le territoire national. La formation vétérinaire est une formation exigeante en termes d'encadrement et d'équipements scientifiques, techniques et hospitaliers. Elle est soumise à accréditation par l'association européenne des établissements d'enseignement vétérinaire (AEEEV). Aussi, compte tenu de ces contraintes techniques et financières, les capacités d'accueil des ENV sont limitées par les moyens d'enseignement et d'investissement mobilisés par ces établissements. L'encadrement, par l'amendement sénatorial à la loi de programmation de la recherche, de la possibilité de création d'écoles vétérinaires privées d'intérêt général par les établissements d'enseignement supérieur privés agricole sous contrat avec le ministère chargé de l'agriculture pourrait contribuer à augmenter le nombre de vétérinaires français formés sur le territoire national, tout en garantissant un contrôle de l'État sur la création et la qualité de ces formations. Cet encadrement doit impérativement garantir un niveau d'indépendance suffisant des établissements concernés par rapport aux intérêts économiques sectoriels, un niveau de formation correspondant aux standards européens de l'AEEEV ainsi qu'un adossement de la formation à une recherche en santé et productions animales de qualité, sans affaiblir l'excellence reconnue des ENV, ainsi que les moyens qui leur sont accordés. Une concertation large, associant notamment les organisations professionnelles vétérinaires, est en cours pour définir les conditions de mise en uvre de cette disposition d'origine parlementaire.
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