Question de M. HAYE Ludovic (Haut-Rhin - RDPI) publiée le 25/02/2021
M. Ludovic Haye attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur les conséquences de la nouvelle réglementation environnementale des bâtiments (RE 2020) et l'adoption de la méthode dite « analyse du cycle de vie » (ACV) dynamique simplifiée sur la filière construction.
Le Gouvernement a annoncé le passage d'une méthode de calcul statique de l'ACV à une méthode de calcul dynamique. Au lieu de s'appuyer sur la norme européenne EN 15 978 qui définit l'ACV comme la somme des émissions produites au moment de la construction et de celles ensuite émises pendant 50 ans, le nouveau calcul prend en compte l'ensemble des émissions du bâtiment sur son cycle de vie, dès la construction.
Ce choix donne un avantage important aux produits biosourcés, ce qui au demeurant n'est pas une mauvaise chose, mais avec le risque de rendre inutile tout effort de décarbonation des autres matériaux. Aussi, la filière béton a depuis 20 ans entrepris de lourds investissements pour relever le défi de la transition écologique, avec notamment l'usage de produits bas carbone issus de filières de recyclage. Cette décision risque de déstabiliser, voire d'annihiler toute une filière de réutilisation de matériaux recyclés, filière qui peine déjà à se relever de la crise sanitaire en voulant faire évoluer le secteur de la construction vers le « tout-bois ».
Il lui demande quelle mesure compte prendre le Gouvernement pour permettre à la filière béton de poursuivre ses investissements pour maintenir l'emploi dans nos territoires, et faire avancer de manière synchrone la filière bois et la filière béton vers l'objectif d'une ville décarbonée.
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Transmise au Ministère auprès de la ministre de la transition écologique - Logement
Réponse du Ministère auprès de la ministre de la transition écologique - Logement publiée le 28/10/2021
Le choix de l'approche d'analyse du cycle de vie (ACV) dite « dynamique », s'est fait à la suite d'une large concertation initiée en 2019. Un groupe d'expertise a proposé l'approche dynamique qui constituait la première piste du rapport qu'il a rendu début mars 2019. En novembre 2019, le comité technique de l'expérimentation E+C- a présenté des re-calculs de l'observatoire E+C- selon les méthodes statiques et dynamiques. Ceux-ci ont été rendus publics sur le site de l'expérimentation E+C. Tout d'abord, il convient de noter que l'analyse en cycle de vie dynamique, comme l'analyse statique, prend bien compte l'ensemble du cycle de vie du matériau. L'avantage de la méthode dynamique est de prendre en compte le moment des émissions de gaz à effet de serre (GES), ce que ne permet pas la méthode d'ACV dite « statique ». En effet, une tonne de CO2 émise aujourd'hui commence à réchauffer le climat dès aujourd'hui alors que la même tonne émise dans 25 ans ne commencera à produire ses effets que dans 25 ans. Les gaz à effet de serre restent des dizaines, voire des centaines ou des milliers d'années dans l'atmosphère, c'est la raison pour laquelle une molécule de CO2 émise aujourd'hui réchauffera l'atmosphère non seulement aujourd'hui mais aussi demain et tous les jours jusqu'à ce qu'elle soit finalement captée par les océans, les forêts, etc. et disparaisse de l'atmosphère. On peut alors mesurer l'effet cumulé d'une émission de gaz à effet de serre sur le climat, ce que l'on appelle le forçage radiatif cumulé. Ainsi les dynamiques physiques induisent un réchauffement climatique qui varie selon qu'on l'évalue à un horizon de 20 ans, de 100 ans ou de 500 ans. C'est ce qu'on appelle « l'horizon temporel ». Le choix de l'horizon temporel est donc directement lié à l'horizon des stratégies de lutte contre le changement climatique que l'on peut souhaiter mettre en place puisque c'est à l'aune de cet horizon temporel que l'impact du réchauffement climatique est ainsi évalué. L'urgence de la crise climatique actuelle, qui nous pousse à agir au plus vite, pourrait justifier une évaluation de l'impact des politiques publiques sur le réchauffement climatique à un horizon temporel très proche, à 10 ou 20 ans. Néanmoins un tel choix présenterait le risque de privilégier des solutions court-termistes, qui pourraient se révéler négatives pour le climat à plus long-terme. C'est pour cela que le Gouvernement a choisi un horizon temporel plus lointain, de 100 ans, qui est cohérent avec l'engagement pris lors de l'Accord de Paris de limiter au maximum le réchauffement climatique en 2100. Ce choix est aussi cohérent avec les travaux du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) qui étudient différents scénarii climatiques à l'horizon 2100. Cet horizon temporel est d'ailleurs utilisé dans un grand nombre d'études scientifiques et est notamment privilégié dans le calcul de l'unité de mesure conventionnelle des émissions de gaz à effet de serre, le kilogramme « équivalent » CO2 (kgCO2eq). Le choix du Gouvernement de retenir la méthode dynamique est cohérent avec la volonté du législateur et l'article L. 111-9 du code de la construction qui indique qu'« un décret en Conseil d'État détermine [ ] à partir de 2020, pour les constructions nouvelles, en fonction des différentes catégories de bâtiments, le niveau d'empreinte carbone à respecter, évalué sur l'ensemble du cycle de vie du bâtiment, en intégrant la capacité de stockage du carbone dans les matériaux [ ] ». Dans son chapeau, ce même article indique : « Les performances énergétiques, environnementales et sanitaires des bâtiments et parties de bâtiments neufs s'inscrivent dans une exigence de lutte contre le changement climatique, de sobriété de la consommation des ressources et de préservation de la qualité de l'air intérieur. Elles répondent à des objectifs d'économies d'énergie, de limitation de l'empreinte carbone par le stockage du carbone de l'atmosphère durant la vie du bâtiment, de recours à des matériaux issus de ressources renouvelables, d'incorporation de matériaux issus du recyclage, de recours aux énergies renouvelables, de confort thermique et d'amélioration de la qualité de l'air intérieur. » De plus, le stockage temporaire de carbone est considéré comme un levier central de la Stratégie nationale bas carbone, et le stockage temporaire de carbone dans les produits bois est pris en compte dans les inventaires officiels de GES rapportés à la CCNUCC (Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques). L'intérêt du stockage de carbone dans les bâtiments ne fait donc pas de doute. En conséquence, la méthode dynamique permet de satisfaire les souhaits du législateur et d'être conforme à la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Loi ELAN). Stocker du carbone dans les constructions neuves permet d'accroître le stock de carbone national, ce qui contribue donc à réduire le changement climatique pour les générations futures. Par ailleurs, une telle stratégie ne génère pas de pic d'émissions futures. Il s'agit en effet de stocker du carbone dans les bâtiments construits chaque année, et ainsi lorsqu'arrivera le temps de déconstruire les premiers bâtiments et d'éventuellement émettre le carbone qui y était stocké (il existe des solutions de recyclage, de réemploi, de valorisation énergétique qui évitent des émissions fossiles, ), ces émissions seront compensées par le stockage que constitueront les constructions neuves annuelles. Il en résultera donc une stabilisation du stock de carbone qui aura été constitué dans le parc de bâtiment. L'impact sur les coûts de construction sera très limité, en effet entre 5 et 8 % entre 2024 et 2030, en comparaison des baisses d'émissions de CO2 engendrées par cette réglementation. Le calendrier progressif de déploiement de la réglementation permettra de lisser ces coûts, qui seront marginaux dans le coût total du bâtiment. En complément, il convient de noter qu'il n'existe pas à ce jour de consensus international sur les normes d'analyse en cycle de vie car plusieurs méthodes coexistent. Bien que les normes actuelles relatives à l'ACV dans le domaine du bâtiment ne prennent pas en compte le stockage temporaire du carbone, certaines laissent la possibilité d'ajouter une information à ce sujet. La RE2020 différera en partie de la norme européenne relative à l'ACV des bâtiments (EN15978), comme c'était le cas pour E+C- sur d'autres points ou, par exemple, pour la réglementation environnementale néerlandaise, autre pays pionnier en la matière. Compte-tenu des débats liés à la méthode d'ACV dynamique mise en place dans la cadre de la RE2020 et sur les hypothèses qu'elle considère, le Gouvernement portera avec l'ensemble des parties prenantes un travail de normalisation de l'approche d'ACV dynamique à l'échelle française et européenne. La méthode pourra être ajustée lors d'étapes ultérieures de la réglementation si cela apparaissait nécessaire.
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