Question de Mme HERZOG Christine (Moselle - NI) publiée le 11/02/2021

Mme Christine Herzog rappelle à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales les termes de sa question n°18016 posée le 01/10/2020 sous le titre : " Caméras thermiques à l'entrée des bâtiments publics ", qui n'a pas obtenu de réponse à ce jour. Elle s'étonne tout particulièrement de ce retard important et elle souhaiterait qu'elle lui indique les raisons d'une telle carence.

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Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales publiée le 30/09/2021

Le recours aux caméras thermiques, permettant de mesurer la température corporelle des personnes à l'entrée des bâtiments publics dans le cadre de la lutte contre la propagation de l'épidémie de covid-19, n'est aujourd'hui encadré par aucun texte spécifique. Il pose des difficultés, notamment au regard du droit de la protection des données à caractère personnel comme a pu le soulever la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) dans sa publication du 17 juin 2020 (La CNIL appelle à la vigilance sur l'utilisation des caméras dites « intelligentes » et des caméras thermiques). Le juge des référés du Conseil d'État a également précisé, dans sa décision n° 441065 du 26 juin 2020, les conditions dans lesquelles ces caméras peuvent être utilisées à l'entrée des bâtiments publics, en établissant une distinction selon que les personnes accédant à ces bâtiments ont ou non l'obligation de se soumettre à la prise de température et que leurs données à caractère personnel font ou non l'objet d'un traitement au sens de l'article 4 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD). Ainsi, dès lors que, d'une part, les personnes n'ont pas l'obligation de se soumettre à la prise de température et qu'un refus n'empêche pas l'accès au bâtiment municipal, et que, d'autre part, la prise de température ne donne lieu à aucun enregistrement, ni à aucune manipulation de la caméra par un agent municipal, les données à caractère personnel ne font l'objet d'aucun traitement au sens du RGPD. Dans ces conditions, l'utilisation de caméras thermiques à l'entrée d'un bâtiment municipal, en ce qu'elles ont seulement vocation à donner une information instantanée sans constitution d'un fichier ni remontée d'informations, n'est pas soumise à la réglementation sur la protection des données à caractère personnel. En revanche, si la prise de température est une obligation et que son résultat conditionne l'accès au bâtiment municipal, la collecte de données de santé par une caméra thermique doit être regardée comme un traitement de données à caractère personnel au sens de l'article 4 du RGPD précité. Dans ce cas, la mise en œuvre de ces traitements doit respecter les grands principes de la protection des données et, notamment, être nécessaire et proportionnée au regard des finalités pour lesquelles ils sont mis en œuvre. Ils doivent également respecter le principe de licéité des traitements mentionné à l'article 5 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Ces traitements doivent ainsi être strictement encadrés dans la mesure où ils collectent des données à caractère personnel dites « sensibles », au sens de l'article 6 de la loi précitée, dont la collecte est en principe interdite. L'article 9 du RGPD liste les hypothèses dérogatoires dans lesquelles de telles données peuvent être collectées. Il s'agit par exemple du consentement explicite des personnes ou de la nécessité du traitement pour des motifs d'intérêt public dans le domaine de la santé publique, tels que la protection contre les menaces transfrontalières graves pesant sur la santé, à condition que cela soit prévu par une disposition légale. Ainsi, en l'absence d'une base légale justifiant le recours à ces dispositifs à l'entrée des bâtiments publics, seul le consentement des personnes permettrait leur mise en œuvre. Or le Conseil d'État, dans sa décision précitée, juge que le consentement tel que défini par l'article 4 du RGPD ne peut être considéré comme libre dès lors qu'il subordonne l'accès des élèves à l'école à l'acceptation de leur prise de température. Enfin, l'article 35 du RGPD impose, lorsqu'un traitement est susceptible d'engendrer un risque élevé pour les droits et libertés des personnes physiques, la réalisation d'une analyse d'impact relative à la protection des données (AIPD) préalablement à la mise en œuvre de ce traitement. Par conséquent, la décision du maire de subordonner l'accès d'un bâtiment municipal à la prise de température corporelle par une caméra thermique, donnant lieu à un traitement de données à caractère personnel qui ne respecterait pas les règles édictées par le RGPD, serait entachée d'illégalité.

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