Question de M. GAY Fabien (Seine-Saint-Denis - CRCE) publiée le 11/02/2021
M. Fabien Gay attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l'attractivité, sur la reprise ou la poursuite discrète des négociations en vue d'un accord commercial entre l'Union européenne et les pays dits du marché commun du sud (Mercosur - Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay, Venezuela).
Le Président de la République, lors du sommet du G7 à Biarritz en août 2019 puis face à la convention citoyenne pour le climat, avait affirmé que la France ne s'engagerait pas dans ce traité car celui-ci, « en l'état », contribuerait à la déforestation et au changement climatique et ne respectait pas l'accord de Paris sur le climat.
En effet, il convient de rappeler que la commission chargée de l'évaluation demandée par le Premier ministre estime que cet accord engendrerait un risque de 5 % de déforestation supplémentaire par an pendant six du fait de l'extension de l'élevage, ainsi qu'une hausse des émissions comprise entre 8,5 et 11,5 millions de tonnes équivalent CO2 par an. Enfin, certains de ces pays ne cachent pas leur mépris des accords de Paris sur le climat et saccagent la forêt amazonienne, au mépris de la biodiversité, mais également des droits humains et des populations autochtones.
Or, un document issu du ministère chargé du commerce extérieur et de l'attractivité envisage des pistes d'améliorations de la part des pays du Mercosur qui pourraient rendre l'accord acceptable. Cependant, les pistes proposées ne changent en rien les fondements de l'accord, et ces propositions restent peu opérationnelles. Ce document montre surtout que l'accord n'est en rien abandonné, et que des négociations, en toute opacité et sans en informer la population, se poursuivent ou ont repris malgré les affirmations répétées du Chef de l'État et du Premier ministre.
Une fois encore le Gouvernement joue avec les mots et s'appuie sur la formule ambiguë « en l'état » le procédé est identique avec le projet de mine d'or industrielle Montagne d'or qui « en l'état, ce projet de ne fera pas » pour se laisser une possibilité tout en affichant une communication axée sur le climat.
Il souhaite donc que la France soit à la hauteur de ses engagements et que le gouvernement soit, a minima, à la hauteur de ses propos en la matière. Il demande à ce que la situation soit clarifiée, et à ce que la France ne s'engage pas dans un accord de libre-échange avec les pays du Mercosur qui serait, quelles que soient les petites modifications à la marge, désastreux pour l'environnement.
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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères - Commerce extérieur et attractivité publiée le 24/06/2021
En août 2019, en marge du sommet du G7 à Biarritz, le Président de la République a indiqué que la France ne pouvait pas soutenir l'accord UE-Mercosur en l'état, compte tenu de l'orientation prise par les politiques publiques de ces pays, qui allaient clairement à l'encontre des objectifs collectifs de l'Accord de Paris et de leurs engagements individuels pris dans ce cadre. Ces actes se manifestent en particulier par l'aggravation depuis plusieurs années de la déforestation dans cette région, et en particulier en Amazonie. Ils sont à la fois contraires à la lettre et à l'esprit du projet d'accord d'association UE-Mercosur, dont le volet commercial et le volet politique engagent explicitement au respect et à la mise en uvre effective de l'Accord de Paris. C'est dans ce contexte que le Gouvernement a mandaté, à l'été 2019, une commission d'experts indépendants. Cette commission était notamment chargée d'analyser l'ensemble des dispositions du projet d'accord pouvant avoir un impact sur le développement durable, d'évaluer l'effet de l'accord sur les émissions de gaz à effet de serre, la déforestation, la biodiversité, la diffusion des technologies propres et la transition écologique des modes de production. Le rapport, remis le 18 septembre 2020 au Gouvernement, a conforté la France dans sa position de s'opposer au projet d'accord d'association en l'état, et dans sa volonté d'utiliser le levier offert par la perspective de l'accord pour rehausser les ambitions de nos partenaires en matière de protection de l'environnement et de la biodiversité. Par conséquent, le Gouvernement n'entend pas soutenir cet accord tant que les trois exigences suivantes ne sont satisfaites : l'accord d'association avec le Mercosur ne doit en aucun cas entraîner une augmentation de la déforestation importée au sein de l'Union européenne, les politiques publiques des Etats du Mercosur devront être pleinement conformes avec leurs engagements au titre de l'Accord de Paris, qui font partie intégrante de l'accord d'association et les produits agroalimentaires importés bénéficiant d'un accès préférentiel au marché de l'Union européenne devront respecter, de droit et de fait, les normes sanitaires et environnementales de l'Union européenne et faire l'objet d'un suivi. La satisfaction de ces exigences devra être contraignante, objectivable et vérifiable. Ces considérations font actuellement l'objet d'un travail de concertation technique entre les Etats membres et la Commission européenne. Elles ont été discutées avec la société civile française, en toute transparence, lors des réunions du Comité de suivi de la politique commerciale. Par ailleurs, la Commission européenne présentera courant 2021 de nouveaux projets de réglementation en matière de lutte contre la déforestation importée et de gouvernance durable des entreprises. Ces réglementations auront vocation à s'appliquer à l'ensemble des partenaires commerciaux de l'Union européenne, y compris les pays du Mercosur. Elles contribueront à renforcer la durabilité, notamment environnementale, des chaines de valeurs européennes et des relations commerciales de l'Union européenne avec les Etats tiers, conformément aux souhaits de la France.
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