Question de M. BABARY Serge (Indre-et-Loire - Les Républicains) publiée le 04/02/2021

M. Serge Babary attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'organisation du temps de travail et les heures supplémentaires dans la police nationale.

Ces dernières années les forces de police ont été confrontées à un accroissement important de leur charge de travail, avec une multiplication de leurs missions.

Dans un courrier du 15 octobre 2020, resté sans réponse, il l'a d'ailleurs personnellement alerté sur la situation très préoccupante, voire catastrophique, du commissariat de police de Tours, qui accuse aujourd'hui un déficit d'effectif d'une quarantaine d'agents minimum.

Au manque d'effectifs s'ajoutent les difficultés liées au cycle de travail. Beaucoup de fonctionnaires de police sont en effet en arrêt maladie pour cause « d'épuisement professionnel ».

Le 29 octobre 2020, la Cour des comptes a révélé qu'en 2019 les agents de la police nationale cumulaient 24,1 millions d'heures supplémentaires, auxquelles s'ajoutaient 29 millions d'heures d'autres droits à repos.

Ce stock, accumulé de longue date et en augmentation depuis 2015, est selon la Cour « porteur de risques sociaux pour les agents et représente une charge financière importante pour l'État ».

Ce système est devenu un mode normal de gestion alors qu'il est jugé complexe, inadapté, et l'indemnisation insuffisamment attractive.

Il est tout à fait anormal qu'un élément de pénibilité du travail soit lié à une gestion chaotique des ressources humaines.

Aussi, il souhaiterait savoir quand le Gouvernement sera en mesure de mettre en place une nouvelle organisation du temps de travail adaptée aux différentes missions de la police et à la pénibilité de ses métiers.

- page 668


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 29/07/2021

Les policiers assurent, avec dévouement, professionnalisme et courage, le respect de la loi et la protection de nos concitoyens, dans des situations fréquemment difficiles et dangereuses, parfois au péril de leur vie. Ils sont en outre soumis à un rythme d'emploi particulièrement exigeant dans un contexte marqué tant par l'intensité de certaines formes de délinquance que par des attentes très fortes de la société. Ils méritent le respect et la reconnaissance de la Nation et tout doit être mis en œuvre pour leur assurer des conditions de travail satisfaisantes. Le ministre de l'intérieur, soucieux d'être le « ministre du quotidien des policiers », y est particulièrement attentif et s'investit dans les grands enjeux de sécurité, d'hygiène et de santé (prévention des risques psycho-sociaux, situation matérielle des commissariats, parc automobile, etc.), avec la volonté d'être à l'écoute des aspirations et des préoccupations des policiers. La question du temps de travail représente à cet égard des enjeux majeurs, tant du point de vue du pilotage opérationnel des effectifs et du management que du point de vue de la qualité de vie au travail (équilibre entre vie professionnelle et vie familiale). D'importants progrès ont déjà été accomplis. Le chantier des heures supplémentaires impayées accumulées depuis de nombreuses années dans la police nationale a enfin été ouvert, répondant à une revendication ancienne et légitime des policiers. En effet, les travaux lancés en 2019 ont permis, grâce à un effort financier exceptionnel du Gouvernement, des campagnes d'indemnisation des heures supplémentaires qui ont abouti à une réduction significative du stock (stock revenu au niveau de 2016). L'objectif poursuivi est non seulement d'apurer le stock mais également d'éviter sa reconstitution en contingentant le nombre d'heures supplémentaires et en indemnisant le flux incompressible après récupération. Des mesures ont ainsi été prévues dans l'arrêté du 5 septembre 2019 portant sur l'organisation relative au temps de travail dans les services de la police nationale (dit « APORTT »). Cet arrêté pose le principe d'une indemnisation d'une partie des services supplémentaires que les policiers ont effectués en 2020 (indemnisation du flux). Par ailleurs, des mesures prévues par l'arrêté du 5 septembre 2019 pour réduire le stock des heures supplémentaires sont désormais applicables. Il en est ainsi notamment de la constitution d'un plafond de 160 heures supplémentaires sur le compte actif des heures supplémentaires d'un agent, mis en place depuis le 1er janvier 2020. Cette disposition permet notamment d'imposer la prise de repos par l'utilisation des heures supplémentaires accumulées au-delà de 160 heures. Par ailleurs, le taux d'indemnisation des heures supplémentaires des agents du corps d'encadrement et d'application a été révisé. Il est fixé à 13,25 € brut/ heure par le décret n° 2020-1398 du 17 novembre 2020 modifiant le décret n° 2000-194 du 3 mars 2000 fixant les conditions d'attribution d'une indemnité pour services supplémentaires aux fonctionnaires actifs de la police nationale. Ce taux était précédemment de 12,47 € brut/heure. De plus, quand il y a lieu, la partie majorée de la compensation en temps, liée au service supplémentaire effectué, est désormais également indemnisable. Le cadre général des campagnes d'indemnisation des heures supplémentaires conduites en 2020 pour les agents du corps d'encadrement et d'application et pour les agents spécialisés et les techniciens de police technique et scientifique s'est articulé en deux volets : - l'un sur la base du volontariat ; - l'autre sur la base d'une indemnisation obligatoire pour les agents présentant un solde d'heures égal ou supérieur à 500 heures au 30 septembre 2020, dans la limite des heures effectivement réalisées et des plafonds d'exonération d'impôt sur le revenu. Pour l'ensemble des campagnes d'indemnisation 2020, ce sont 2 millions d'heures qui ont été indemnisées, pour un montant de 27,1 M€, soit davantage qu'il était prévu par la loi de finances initiale (26,5 M€), alors même que le taux d'indemnisation n'a pu être revalorisé lors de cet exercice et que des observations de la Cour des comptes ont conduit à ne pas indemniser les majorations en temps. En 2019, un effort exceptionnel de 44,2 M€ avait déjà permis d'indemniser 3,5 millions d'heures supplémentaires (dans le cadre d'une campagne reposant uniquement sur l'indemnisation obligatoire pour les agents dont le solde d'heures était supérieur à 160 heures au 30 septembre 2019). S'agissant des régimes de travail, ils ont fait l'objet d'une vaste réforme ces dernières années et sont précisément énumérés dans l'APORTT. La réforme des cycles horaires vise également à limiter à l'avenir le volume des services supplémentaires. Les personnels de la police nationale relèvent soit du régime hebdomadaire, soit du régime cyclique. Ce dernier se décline de trois façons différentes : le cycle de vacation 4/2, dont la durée théorique journalière est fixé à 8 h 10 ; la vacation forte de 9 h 21, qui fait actuellement l'objet d'un moratoire ; le cycle binaire à 11 h 08 et 12 h 08. Les cycles permettent d'adapter le régime de travail aux nécessités propres à chaque service. Imposer une uniformisation de l'organisation du temps de travail reviendrait en effet à fixer une norme déconnectée des situations et exigences locales. Ces cycles de travail sont particulièrement adaptés aux unités en tenue et aux services de voie publique. Combinés, ils permettent d'assurer une présence dans les services de police 24 heures sur 24 et 365 jours par an. Le régime hebdomadaire est pour sa part notamment celui d'un certain nombre d'agents exerçant des missions judiciaires. Sur la base d'un rapport d'audit relatif à l'évaluation des expérimentations du cycle binaire en vacations de 12 h 08 et 11 h 08, rendu par l'inspection générale de la police nationale en juin 2020, la direction générale de la police nationale poursuit l'expérimentation du cycle de 12 h 08. Le cycle binaire en vacations de 12 h 08 de jour et de nuit permet en particulier aux agents de bénéficier d'un week-end de repos sur deux. Un volet social est également mis en œuvre pour accompagner les agents qui travaillent de nuit. La pénibilité et les contraintes spécifiques associées au travail de nuit ont en effet été prises en compte, répondant à une revendication ancienne des policiers et de leurs représentants, avec la mise en place d'un véritable statut pour le travail de nuit après une impulsion donnée par le Président de la République à l'été 2020. Le premier axe de cette reconnaissance du travail de nuit est l'octroi d'une indemnité spécifique attribuée, depuis le 1er janvier 2021, à l'ensemble des « nuiteux » (décret n° 2020-1782 du 30 décembre 2020). Son montant est fixé en fonction de l'amplitude des horaires de travail. Par ailleurs, sur le plan médical, le suivi des agents sera renforcé et des offres d'écoute et de soutien par des psychologues seront proposées (à des heures décalées). Une sensibilisation des agents aux effets pathogènes du travail de nuit sera menée. Enfin, sur le plan social, la mise en place d'un dispositif de garde d'enfant de nuit sera étendue. Le ministre de l'intérieur est attentif aux spécificités propres aux activités de police et conscient des progrès encore nécessaires pour améliorer l'organisation du temps de travail. Le « Beauvau de la sécurité » doit permettre à cet égard de poursuivre, dans la concertation, l'effort de modernisation et d'amélioration des conditions de travail des policiers.

- page 4746

Page mise à jour le