Question de Mme JASMIN Victoire (Guadeloupe - SER) publiée le 11/02/2021
Question posée en séance publique le 10/02/2021
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Victoire Jasmin. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux et concerne les problématiques liées au chlordécone en Guadeloupe et en Martinique.
Pour rappel, le chlordécone est un produit qui a été utilisé entre 1970 et 1995 dans les plantations de bananes. Il est cancérigène ; des liens de causalité ont été établis pour ce qui concerne le cancer de la prostate. Il s'agit également d'un perturbateur endocrinien.
Aujourd'hui, en Guadeloupe et en Martinique, des voix s'élèvent contre des mesures récentes prises injustement.
Les documents réunis lors de l'enquête parlementaire menée par l'Assemblée nationale en 2019 ont été scellés et ne seront consultables qu'en 2044. Pis encore, une éventuelle prescription menace les plaintes des associations écologistes, mais aussi des élus et des parents des personnes victimes du chlordécone, la dissimulation des preuves étant avérée.
Pour les populations concernées, la situation est parfaitement injuste. S'agit-il, monsieur le ministre, d'une dissimulation de preuves, d'un déni de justice ou d'un mépris pour ces populations ? J'attends votre réponse. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 11/02/2021
Réponse apportée en séance publique le 10/02/2021
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, permettez-moi de vous répondre, au nom du garde des sceaux, mais aussi du ministre chargé des outre-mer, ainsi qu'en mon nom propre.
Nous en avons tous conscience, le chlordécone, utilisé dans les années 1970 et 1980, était, passez-moi l'expression, une vraie saleté : il a pourri les sols, il possède un effet rémanent de six cents ans et il peut contaminer les milieux aquatiques, les sols et les denrées alimentaires.
L'État français s'est déjà engagé à plusieurs reprises sur cette question au travers de trois plans et même, vous le savez, d'un quatrième plan. En effet, le Président de la République, en déplacement aux Antilles, s'est engagé sur ce sujet.
Je partage la très forte émotion que suscitent les faits que vous avez évoqués. Ils font l'objet d'une information judiciaire, suivie par le pôle de santé publique du tribunal de Paris. Des juges d'instruction ont été désignés, en octobre 2008, pour suivre ce dossier, après jonction des procédures initialement ouvertes aux Antilles.
Ce sont les services de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique, ainsi que la section de recherches de la gendarmerie de Martinique et de Guadeloupe, qui sont saisis de l'enquête sur commission rogatoire.
Les juges d'instruction auraient signalé aux parties civiles la possible prescription de l'action publique dans ce dossier. Je le répète, nous comprenons la légitime émotion de la population et des victimes de cette terrible pollution, qui veulent obtenir, à juste titre, des réponses à leurs questions légitimes.
Comme vous le savez, le Gouvernement ne peut interférer dans une procédure judiciaire en cours, ni même la commenter de quelque manière que ce soit, en vertu du principe d'indépendance de l'autorité judiciaire.
Pour autant, il n'a cessé d'uvrer sur le sujet, pour les victimes, aux côtés des élus et des parlementaires. Un pas essentiel sera franchi, puisque c'est cette fois avec la participation de la société civile, des associations et des particuliers que le plan Chlordécone IV et les nouveaux axes et priorités de la lutte contre cette pollution et ses effets ont été construits. Les moyens qui y seront consacrés seront presque doublés.
Ce plan est en cours d'adoption. Une directrice de projet vient d'être nommée, avec un rôle tout à fait opérationnel et interministériel, qui permettra d'améliorer le suivi entre le national et le local.
C'était l'une des propositions phares, madame la sénatrice, du rapport de votre collègue Justine Benin, au nom de la commission d'enquête présidée par Serge Letchimy, dont je tiens à saluer la qualité des travaux.
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour la réplique.
Mme Victoire Jasmin. Je vous remercie, monsieur le ministre.
Toutefois, je m'interroge, car les mêmes causes sont susceptibles de produire les mêmes effets. Vous avez très récemment dérogé aux règles concernant les néonicotinoïdes. Or ce sont les mêmes sujets, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.)
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