Question de M. PERRIN Cédric (Territoire de Belfort - Les Républicains) publiée le 04/02/2021

Question posée en séance publique le 03/02/2021

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Cédric Perrin. Ma question s'adresse à Mme la ministre des armées.

La semaine dernière, l'avocat général de la Cour de justice de l'Union européenne a plaidé pour qu'une directive relative au temps de travail s'applique aux forces armées. Ses conclusions nous préoccupent vivement du fait de leur immixtion dans le fonctionnement des armées, c'est-à-dire une institution régalienne d'une importance vitale. Au cœur de notre politique de défense, nos forces garantissent l'exercice de notre souveraineté et de nos engagements internationaux.

La continuité, la permanence et l'efficacité dans l'action de nos militaires imposent un mode d'organisation incompatible avec le système prévu par cette directive, tout comme avec la nuance proposée par l'avocat général, qui suggère une distinction entre le « service courant » et les « activités principales » de nos militaires. Cette distinction serait inapplicable et inopérante pour l'armée française, une armée entièrement professionnalisée et dont l'engagement est bien plus élevé que celui de n'importe quelle autre armée européenne. Surtout, c'est l'État qui assure lui-même la sécurité de nos militaires et protège leur santé.

Ces raisons, madame la ministre, vous les connaissez. C'est pourquoi je vous demande aujourd'hui de nous rassurer.

Votre ministre déléguée a indiqué hier aux députés faire « confiance à la sagesse de la Cour de justice de l'Union européenne », mais ce n'est pas suffisant. La confiance n'exclut pas le contrôle !

Que la Cour de justice suive ou non les conclusions de l'avocat général, les armées attendent la garantie que le Président de la République et le Gouvernement ne transposeront pas cette directive et feront usage de l'article 4.2 du traité sur l'Union européenne, qui prévoit que la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre. (M. André Gattolin applaudit.) Madame la ministre, pouvez-vous nous le garantir ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)


Réponse du Ministère des armées publiée le 04/02/2021

Réponse apportée en séance publique le 03/02/2021

M. le président. La parole est à Mme la ministre des armées.

Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le sénateur, comme vous, je suis très attentive aux conclusions de l'avocat général, et je vais aller droit au but : j'y suis farouchement opposée.

M. Jérôme Bascher. Nous aussi !

Mme Florence Parly, ministre. Si ces conclusions ne lient pas la Cour, nous devons néanmoins y prêter attention.

La position du Gouvernement a toujours été constante dans ce domaine, et je vais la rappeler devant vous.

La France, désormais seul pays de l'Union membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, exerce, comme vous l'avez rappelé, des responsabilités éminentes en matière de défense. Elles lui permettent d'assurer constamment la sécurité des Français et des Européens et impliquent un principe de disponibilité en tout temps et en tous lieux de nos militaires. Ce principe, je le défendrai, car c'est un enjeu essentiel de notre défense nationale comme de la sécurité européenne. Imaginerait-on que l'ultima ratio de la Nation ne puisse agir pour des raisons liées au temps de travail ?

Être militaire, en effet, ce n'est pas un métier comme les autres, c'est une vocation au service de la Nation. L'indépendance de la Nation, la capacité d'action de nos armées, l'efficacité de la protection des Français sont autant de sujets souverains auxquels je veillerai.

Ce qui est en jeu, aussi, c'est la sécurité de nos militaires. Quand ils se forment ou s'entraînent, ils se préparent à assumer un engagement dont les contraintes et les risques ne sont pas pris en compte par le droit commun.

Je crois que nous aspirons tous à une Europe forte et efficace, et nous faisons pleinement confiance à la sagesse de la Cour de justice de l'Union européenne pour réaffirmer l'importance de la compétence des États membres en matière de sécurité nationale. Celle-ci est d'ailleurs prévue par les traités, comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. David Assouline et Pierre Louault applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour la réplique.

M. Cédric Perrin. Sans jeu de mots, cette directive ferait l'effet d'une bombe si elle était appliquée.

Elle emporterait des conséquences irréversibles pour la singularité militaire, la capacité de la France à honorer ses engagements internationaux et la sécurité des Français.

Elle impliquerait aussi la fin de notre modèle d'armée, une augmentation considérable des effectifs de 20 000 à 30 000 personnes et une hausse très importante du budget de la défense, de près de 1,5 milliard d'euros, dont je ne vous ferai pas l'offense de vous rappeler, madame la ministre, qu'il est équivalent à l'augmentation de votre budget depuis 2018 avec le vote de la LPM. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Richard applaudit également.)

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