Question de Mme HERZOG Christine (Moselle - UC-R) publiée le 18/02/2021

Mme Christine Herzog attire l'attention de Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion sur la situation des travailleurs frontaliers. Au total, et pour toute la France, ils sont plus de 400 000 à rejoindre quotidiennement l'Allemagne, le Luxembourg, la Belgique, la Suisse, l'Italie et l'Espagne. Le plus gros contingent est fourni par le Grand Est qui envoie quotidiennement 169 000 travailleurs dont 78 000 pour le Luxembourg et 46 000 vers l'Allemagne. Le département de la Moselle, quant à lui, est contigu à trois pays étrangers ce qui fait de lui le premier pourvoyeur de travailleurs frontaliers du Grand Est. La Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l'Europe ont décidé, en 2019, de réformer le versement des allocations de chômage, estimant que c'était au pays employeur de verser les indemnités en cas de perte d'emploi et non plus au pays de résidence, comme cela a été sanctuarisé dans l'accord fiscal franco-allemand de 2016. La part des indemnités de chômage versées par la France à ses travailleurs frontaliers, en cas de perte d'emploi, n'est que de 600 millions d'euros, annuels, quand les salaires rapportent 7 milliards d'€ à la France, soit 7 % seulement; ce qui est parfaitement marginal. Un bras de fer s'est donc engagé. Les syndicats des travailleurs français travaillant à l'étranger estiment qu'une telle réforme va immanquablement créer des inégalités dans la mesure où les travailleurs frontaliers n'auront pas les mêmes chances de retrouver un travail et sera discriminatoire car une entrave à la mobilité les empêchera de circuler, ce qui est un renoncement aux fondements même de l'Union européenne. Parallèlement, la Cour de justice de l'Union européenne, par un arrêt du 12 juillet 2001, a clairement précisé que « lorsque les garanties du pays de résidence sont supérieures aux garanties du pays d'emploi, le pays de résidence doit prendre en charge le complément ». Plusieurs écueils se trouvent donc sur le chemin des travailleurs mosellans; tout d'abord la langue allemande qu'ils ne maîtrisent pas tous, le lieu de rendez-vous du point d'accueil du pôle emploi allemand, à plus de 300 km (Kaiserlautern), la formation en langue du pays de travail, les durées d'indemnisation qui ne sont pas les mêmes, ni les durées d'emploi jusqu'à la retraite, sans oublier, ce qui est nouveau, la double fiscalité sur les indemnités de chômage partiel désormais imposables en Allemagne, ce qui revient à être imposé deux fois malgré les accords franco-allemands de 2016. Les accords de 2018 donnant la possibilité de « libre choix » pour les ex- travailleurs frontaliers avaient fait l'unanimité. Ils ont été remis en question. Elle lui demande, dans l'intérêt des travailleurs frontaliers de la Moselle et de toute la France, de bien vouloir l'informer de l'avancée des négociations vers un accord bilatéral mettant en place une compensation financière entre États, garantissant aux travailleurs français résidents la même durée d'indemnisation que le régime général français. Ensuite, elle lui demande quelle est la position de la France sur la double imposition du chômage partiel allemand dit KUG que l'Allemagne vient d'imposer directement à tous ses travailleurs y compris aux non-résidents.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, chargé des retraites et de la santé au travail publiée le 14/04/2021

Réponse apportée en séance publique le 13/04/2021

M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, auteure de la question n° 1531, adressée à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Mme Christine Herzog. Ma question, qui s'adresse à madame la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, est relative à la situation des travailleurs frontaliers en Moselle. Ils sont 20 000 à se rendre quotidiennement en Allemagne.

La Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l'Europe ont décidé de réformer le versement des allocations chômage, estimant qu'il revenait non plus au pays de résidence de verser les indemnités, mais au pays employeur.

La part des indemnités de chômage totales versées par la France à ses travailleurs frontaliers n'est que de 600 millions d'euros annuels, alors que les salaires rapportent plus de 7 milliards d'euros – c'est tout à fait marginal.

Un bras de fer est donc engagé parallèlement à la pandémie de covid-19, à la suite de la mise en place du chômage partiel par les gouvernements allemand et français.

Les syndicats des travailleurs frontaliers estiment que la réforme va créer des inégalités : les travailleurs frontaliers n'auront pas les mêmes chances de retrouver un travail. La réforme sera discriminatoire en ce qu'elle constituera une entrave à la libre circulation des travailleurs. C'est un renoncement aux fondements mêmes de l'Union européenne !

La Cour de justice de l'Union européenne, par un arrêt du 12 juillet 2001, avait clairement précisé, sans rien remettre en cause, que, « lorsque les garanties du pays de résidence sont supérieures aux garanties du pays d'emploi, le pays de résidence doit prendre en charge le complément ».

Les travailleurs mosellans frontaliers subissent plusieurs aléas : difficile maîtrise de la langue allemande ; accès au point d'accueil du Pôle emploi allemand le plus proche, situé à plus de 300 kilomètres ; durées d'indemnisation et durée d'emploi pour la retraite différentes ; sans oublier, nouvel élément, la double fiscalité sur les indemnités de chômage, désormais imposables en Allemagne, ce qui contraint les travailleurs à être imposés deux fois, malgré les accords franco-allemands de 2016.

Les accords de 2018, qui reconnaissent aux travailleurs frontaliers le principe du libre choix, avaient pourtant fait l'unanimité.

C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, je vous demande quel est l'état d'avancement des négociations avec la France, et peut-être avec l'Union européenne, en ce qui concerne les travailleurs frontaliers, visant à garantir plusieurs points des accords de 2016 et de 2018 : durées d'indemnisation, fin des tests antigéniques à renouveler toutes les quarante-huit heures et double imposition du chômage partiel avec l'Allemagne. (Mme Sonia de La Provôté applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, chargé des retraites et de la santé au travail. Vous m'avez posé une question extrêmement technique, madame la sénatrice Herzog, qui appelle une réponse du même tenant.

L'État de résidence, qui est au cœur de votre question, est aujourd'hui compétent pour le financement des allocations chômage des travailleurs frontaliers. Cette règle de compétence est à l'origine d'un important déséquilibre financier entre les États membres de l'Union européenne.

Le nouveau système proposé par la Commission européenne respecte le principe général selon lequel les travailleurs sont affiliés au régime d'assurance chômage de l'État membre dans lequel ils exercent une activité professionnelle.

Ainsi, aux termes du projet de révision de la Commission, qui n'a pas encore abouti, l'État d'activité serait désormais compétent pour prendre en charge les prestations chômage d'un demandeur d'emploi frontalier, au-delà d'une certaine durée d'activité. Cette mesure permettrait une répartition plus équitable de la charge financière entre les États membres.

J'entends bien les inquiétudes dont vous avez fait part, notamment celles des travailleurs frontaliers s'agissant des déplacements et des communications qu'imposerait un tel projet.

Le Gouvernement, tout particulièrement Élisabeth Borne, porte une attention significative à la qualité des conditions de suivi de ces publics.

La France est en faveur d'une réforme conciliant la recherche de l'équité financière et des mesures d'accompagnement favorables pour les travailleurs frontaliers.

Vous aurez certainement noté que la proposition de la Commission européenne offre aux travailleurs frontaliers la possibilité de s'inscrire en supplément auprès des services de l'État de résidence, ou d'exporter leurs prestations chômage vers leur pays de résidence.

Enfin, nous sommes très attentifs à la question de la double charge fiscale, que vous avez évoquée et qui pèse sur les travailleurs transfrontaliers en raison du mode de calcul de l'indemnité de chômage partiel allemand. À ce sujet, nous sommes engagés dans des discussions avec les autorités allemandes. Je ne peux aujourd'hui vous en donner le résultat, mais soyez assurée, madame la sénatrice, que, lorsque nous serons arrivés au terme de ces échanges, nous en communiquerons le contenu.

M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, pour la réplique.

Mme Christine Herzog. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de ces précisions. Malheureusement, les problèmes se cumulent entre les travailleurs frontaliers de France et d'Allemagne. J'ai bien compris la volonté de Mme la ministre pour régler ces difficultés.

J'espère réellement de grandes avancées.

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